Remarques sur le baptisme (2)

La circoncision d'Isaac.

 Romains 4: 11

Ce texte de Paul enseigne que quelque chose (la circoncision) a été donné à quelqu'un (Abraham) en signe de la Justice qu'il avait préalablement reçue par la foi. Or nous savons, par le reste des Écritures, que ce même signe a également été appliqué aux nourrissons.
Il apparaît donc illégitime de regarder le bas âge d'une personne comme une raison biblique de lui refuser quelque chose (le baptême)  au motif que cette chose serait le signe de la Justice dont jouissent les croyants.
Les auteurs anciens, ont bien vu ce fait (1) que Calvin et la tradition Réformée ont ensuite théorisé et formulé en disant que le baptême, étant pour les croyants du Nouveau Testament ce qu'était la circoncision pour ceux de l'Ancien, il convient de baptiser les enfants (Catéchisme de Heidelberg, Q. 74).

Les baptistes comprennent bien le danger mortel, pour leur opinion, d'un tel parallèle. Ils s'emploient donc naturellement à souligner autant que possible les différences entre circoncision et baptême. Leur argument le plus sérieux est qu'à proprement parler, l'équivalent néo-testamentaire de la circoncision n'est pas le baptême en soi, mais la circoncision du cœur (régénération).
Soit. Mais à moins d'en rester à cette assertion et d'adopter le spiritualisme des Quakers, il faut bien convenir que le baptême reste le sacrement de cette régénération. En admettant la critique baptiste, et en la poussant même à l'extrême, il faudrait donc reformuler et dire que
le baptême est, pour les croyants du Nouveau Testament, l'emblème du mystère de la régénération qui était préfigurée, dans l'Ancien Testament, par la circoncision. Mais alors, le résultat resterait sensiblement le même : Dieu ayant jadis préfiguré ce mystère dans la chair des petits enfants autant que dans celle des adultes (circoncision), ce mystère s'accomplit donc aujourd'hui dans les cœurs des petits enfants autant que dans ceux des adultes. Par conséquent, l'emblème de ce mystère (le baptême) leur convient à tous pareillement.

On voit ainsi, sans forcer le trait par une scolastique dont la sophistication risque de susciter le doute et d'alimenter d'interminables controverses (2), que notre première conclusion reste debout.

Pour conclure, j'ajouterais que si Dieu avait ordonné la circoncision à l'âge de douze ans plutôt qu'à l'âge de huit jours (3), les baptistes auraient évidemment invoqué notre texte (Romains 4: 11) pour en expliquer la raison : ils auraient dit que c'était parce qu'un enfant en trop bas âge ne peut pas croire (ou témoigner de sa foi) convenablement ; l'équivalence du baptême et de la circoncision leur serait apparue comme une évidence constituant une preuve très solide en faveur de leur système... Seulement voilà : dans Son immense Sagesse, Dieu a jugé bon d'appliquer le signe de la justification par la foi à des nourrissons de huit jours.
Les baptistes ont donc sans doute une raison de rejeter le baptême des enfants, mais cette raison n'est pas biblique.

 A suivre...

Bucerian

 _________________

(1)  Par exemple : Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon, chapitre 43 ; St. Cyprien de Carthage, Lettres, 58 : 2.
(2) Je reste néanmoins convaincu par la position du catéchisme de Heidelberg (cf. Colossiens 2: 11-12).
(3) Il ne faut pas croire que cela aurait été impossible : Abraham, Ismaël, les hébreux avant l'entrée en Terre Promise, ou encore Timothée dans le Nouveau Testament, ont été circoncis à l'âge de raison. Aujourd'hui encore, c'est l'usage de certains peuples.

Commentaires

Anonyme a dit…
Il ne faudrait tout de même pas trop forcer le trait, au sujet d'une prétendue équivalence entre la circoncision et le baptême. Car, en définitive, la première est ordonnée à la sanctification de la race, tandis que le second s'adresse aux personnes, mâles ou femelles. De sorte qu'à notre avis, la meilleur défense de l'universalité du baptême provient de l'universalité de l'Évangile baptismal, puisque QUICONQUE croit peut être sauvé, d'après Jn.3/1-21 et Mc.16/15-16, entre autres. Or, le baptême est une personnalisation de cet appel évangélique, puisque personne ne peut être lavé à la place d'un autre. A ce titre, on comprendrait mal l'exclusion des nourrissons, lorsqu'on songe aux baptêmes de maisonnée des Actes, par exemple...
Manuel a dit…
Bonjour Timothée,

Plusieurs baptistes estiment que le parallèle entre la circoncision et le baptême est une innovation des réformés aux XVIe siècles. Que répondez-vous à ces allégations ? Ils (les baptistes) pensent que par ce raisonnement , la doctrine réformée du baptême n’a aucun ancrage patristique.

Fraternellement,
Bonjour Anonyme, bonjour Manuel :)

En tant qu'image vétérotestamentaire, la circoncision préfigurait qu'un mâle verserait son sang ; que, par sa résurrection le premier jour de la semaine (circoncision le 8e jour) il appliquerait le pouvoir vivifiant de son sacrifice en faisant renaître les hommes. Voilà le genre d'explication qu'on trouve chez des pères comme Augustin, Cyrille, ou Ambroise. Et en tout cela, il est vrai que la circoncision : 1) ne convenait pas aux filles; 2) était en soi aussi inapte à sauver que ne l'était le sang des animaux des sacrifices; 3) pointait vers une réalité future.
Sous ces rapports, la circoncision a trouvé sa réalité et fin-alité en Christ.

En revanche, il est vrai que la réalité dépeinte dans la circoncision atteignait les croyants de l'A.T. (application rétroactive des mérites du Christ) au point qu'elle était aussi, pour eux, le signe de leur justice (Romains 4: 11).
Or il est évident que si l’Évangile (annoncé typiquement dans la circoncision) devait susciter et rencontrer la foi dans la communauté, c'était a fortiori vrai du premier récipiendaire, qui avait 8 jours. Sous cet aspect, le baptême joue un rôle semblable à celui de la circoncision et Calvin a raison de noter que l'âge du circoncis constitue un désaveux flagrant des hypothèses baptistes.

Quant à ces derniers, je les trouve très mal placés à pour parler d'ancrage patristique. S'ils voyaient dans le baptême "la vraie" et "plus excellente" circoncision (cf. Jean Chrysostome, 6e Homélie sur Colossiens) ce n'était que pour l'appliquer plus ardemment aux enfants même avant 8 jours (cf. la lettre de Cyprien référencée en note dans l'article).
Anonyme a dit…
Les Pères avaient raison de considérer que le Christ était le prisme obligé de l'application des dispositions de l'Ancien Testament aux réalités du Nouveau. De sorte qu'en vertu de l'Incarnation, le sacrement inaugural de Dieu ne s'applique plus qu'à une race mais à tous, garçons ou filles, peu importe leur âge...
Certes, si le caractère prémonitoire de la circoncision a trouvé son accomplissement dans la Personne et l’œuvre du Christ (de sorte à abolir le rite), notre nature corporelle, elle, rend toujours pertinente une expression extérieure et corporelle du Salut - rôle que la circoncision tachait, de façon imparfaite (impossibilité de circoncire les filles) de remplir (*).

De ce point de vue, l'abolition pure et simple de tout emblème dans le N.T. eut été un appauvrissement par rapport à l'A.T. De ce point de vue, toujours, il convenait qu'un "sacrement inaugural" (comme vous dites) soit établi et qu'une plus grande perfection convienne à sa place dans la dispensation finale. Le rôle du baptême étant sous cet aspect semblable à celui de la circoncision, ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre (retour à Romains 4: 11).

Et je dois signaler ici ce qui m'apparaît comme une énorme inconséquence des croyants de la confession baptiste de Londres, de 1689. S'ils savent généralement mettre l'accent sur l'abolition de la circoncision et nier toute réactualisation de celle-ci dans le baptême, ils n'appliquent en revanche pas le même raisonnement au Sabbat, qu'ils font passer au (et perdurer dans le) dimanche (article 22: 7).
Il est pourtant évident que si le caractère sacré de la personne des fidèles explique la persistance de la pertinence d'un signe extérieur (pour exprimer et célébrer ce caractère), l'abolition des jours est en revanche tout à fait nette et absolue dans le Nouveau Testament, de sorte qu'on ne s'explique pas cette reconduction divine d'un jour à l'autre...
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(*) On aurait tort d'en tirer de trop grandes conclusions contre le caractère personnel du Salut dans l'A.T., surtout que dans le N.T. encore, il arrive que les disciples soient appelés "les frères" sans que cela n'exclue réellement les femmes, évidemment.
Anonyme a dit…
"Le rôle du baptême étant sous cet aspect semblable à celui de la circoncision, ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre."

Comme nous l'avons dit, par ailleurs, il conviendrait de ne pas trop forcer le trait, au sujet d'une équivalence entre circoncision et baptême. Car, si on s'en tient à l'épisode de Séphora, en Ex.4/24-26, la circoncision semble un signe assez indispensable du salut, alors que ce n'est pas le cas pour le baptême, en Mc.16/15-16, puisque c'est celui qui ne croit pas qui est condamné, pas celui qui n'est pas baptisé...
Au contraire,ce que semble suggérer Marc 16: 16 (sans compter Jean 3: 5), c'est que le mépris délibéré du signe de l'Alliance n'est pas davantage permis dans le Nouveau Testament qu'il ne l'était dans l'Ancien...
Anonyme a dit…
Il semble assez difficile de confondre un oubli avec du mépris chez Moïse: Héb.3/5...
Et c'est vous qui dites de ne pas forcer le trait ? ^^
Toujours est-il que je doute que la réaction et les propos de Séphora permettent de plaider la thèse du simple oubli...
Anonyme a dit…
"Cesse de douter et crois !" (Jn.20/27)
Ce qui nous ramène à cette question : la justification qui résulte de cette foi, un nourrisson peut-il en recevoir le signe ? L’Écriture répond très simplement : oui (Rom 4: 11).
Unknown a dit…
Merci pour votre réponse,

Je ne connaissais pas cette citation de Jean Chrysostome, elle est assez pertinente pour démontrer l'ancrage patristique du parallèle entre la circoncision et le saint-baptême.

Les baptistes utilisent cet argument pour affirmer la nouveauté de ce parallèle (très mis en avant dans la dogmatique réformée), et donc le débouter car les Pères croyaient en une forme de régénérations baptismale.

Malheureusement, les baptistes/évangéliques sont arc-boutés au "biblicisme" qui est une forme de littéralisme sans saveur. Il convient donc de débouter le "biblicisme" pour ensuite bifurquer sur l'historicité du baptême des enfants et montrer l'herméneutique qui s'y trouve.
Les pères ont-ils cru à la régénération baptismale ? c'est une question qui mérite certainement d'être posée. Toujours est-il (et c'est là que les baptistes la posent en vain) que ces pères n'y ont pas vu une raison d'exclure les petits enfants du baptême, et qu'ils ont vu dans l'application de la circoncision aux enfants un argument de plus pour leur appliquer aussi le baptême.

Pour le bibliscisme, vous avez entièrement raison. La notion de sola scriptura a été dénaturée (et pour le pire). Pour éviter ce travers, nous parlons souvent sur le blog de juxta scriptura (conformité aux Écritures). Je tacherai de revenir sur la manière d'appréhender les Écritures dans un prochain article :)

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