Wladimir Guettée et la cardiolâtrie



Rome profite du Covid-19 (et de la complaisance de ses perfides complices) pour réaffirmer et inculquer chacune de ses hérésies. La dernière en date est celle du culte du Sacré-Cœur, dont les fidèles du pape sont invités à placarder l'image sur leur porte.

Il m'a donc semblé nécessaire, pour le bien de tous (notamment les âmes égarées dans la communion romaine) de partager ici le chapitre d'un ouvrage publié, au XIXe siècle, par le père Wladimir Guetté (La papauté hérétique).
René François Guettée, d'abord prêtre de l'Eglise gallicane, rallia ensuite l'Eglise Russe - et prit le prénom de Wladimir.

Personne ne pourra prétendre, donc, que Guettée a réprouvé les erreurs romaines parce que, Protestant, il n'aurait pas pu toléré la moindre tache dans le culte chrétien. A mon sens, cela rend son témoignage d'autant plus accablant.

Bucerian


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Wladimir Guettée, La Papauté hérétique:


Wladimir Guettée, La Papauté hérétique:



Du premier dogme fondamental du christianisme, nous passons au second, c'est-à-dire, au mystère de l'Incarnation. La papauté a imposé aux Eglises occidentales plusieurs hérésies destructives de ce dogme. Exposons d'abord en quoi il consiste. Toutes les églises chrétiennes ont professé et professent que le Verbe, deuxième personne de la Trinité, s'est fait homme ; qu'il a pris un corps humain et une âme humaine; qu'il est apparu dans le monde sous le nom de Jésus, et avec la qualification de Christ. Il y a donc en Jésus-Christ deux natures, la divine et l'humaine. Cependant, il n'y a qu'un Jésus-Christ, c'est-à-dire, une seule personne en lui ; cette personne est celle du Verbe, de sorte que Jésus-Christ, Dieu-homme, est appelé à juste titre Fils de Dieu. De ce qu'en Jésus-Christ il n'y a qu'une seule personne, et que cette personne est divine, il doit être adoré, c'est-à-dire, qu'on lui doit le culte de latrie qui ne peut s'adresser qu'à Dieu. 

Nestorius a contredit cet enseignement chrétien. Il n'osa pas, comme les anciens Gnostiques, dire ouvertement qu'il y avait en Jésus-Christ deux personnes, mais il attribua à chacune des deux natures un état tellement distinct que l'on pouvait bien en conclure qu'il considérait chaque nature comme une personnalité. Il allait jusqu'à séparer tellement la nature humaine de la nature divine qu'il prétendait que la divinité devait être adorée séparément de l'humanité. Si, dans la personne unique de Jésus-Christ, on pouvait séparer l'humanité de la divinité, il est bien évident que cette humanité ne mériterait pas le culte de latrie qui n'est dû qu'à Dieu; car, séparée de la divinité, l'humanité est créature et n'est pas Dieu. C'est à cette conséquence que tendait Nestorius qui voulait faire de l'homme en Jésus-Christ, une personne humaine, distincte de la personne divine. Pour répondre à son hérésie, l'Eglise devait proclamer qu'une seule adoration s'adressait à Jésus-Christ, parce qu'il n'y a en lui qu'une personne qui est celle du Fils de Dieu. C'est ce que décida le concile œcuménique d'Ephèse. Les cinquième et sixième conciles œcuméniques proclamèrent la même vérité, conformément à l'enseignement de l'Eglise primitive, dont saint Athanase d'Alexandrie était l'organe lorsqu'il disait : « Nous n'adorons pas une chose créée, mais le maître des choses créées, le Verbe de Dieu fait chair, quoique la chair elle-même considérée séparément, fasse partie des choses créées, cependant elle est devenue le corps de Dieu; nous n'adorons pas ce corps, après l'avoir séparé du Verbe; de même, nous ne séparons pas le Verbe du corps lorsque nous voulons l'adorer; mais sachant que le Verbe s'est fait chair, nous reconnaissons comme Dieu le Verbe existant dans la chair. » (S. Ath. Epist. ad Adelph., § 3.) Tel est le dogme défini depuis par les conciles œcuméniques, et admis par toutes les Eglises, y compris celle de Rome. Il n'est pas nécessaire de nous étendre davantage sur la constatation d'un point de foi qui n'est pas contesté. 

Pour prouver que la papauté a été hérétique sur ce point, nous devons seulement démontrer que, à côté de l'enseignement commun, elle en a ajouté un particulier, qui détruit radicalement le dogme de l'unité de personne en Jésus-Christ, qu'elle n'adore pas Jésus-Christ d'une seule adoration se rapportant à sa personne divine; qu'elle adresse un culte spécial à son humanité et même à des parties de son corps, spécialement au cœur, et qu'elle adresse à ce cœur, abstraction faite de la personne divine, un culte de latrie. Si nous prouvons ce fait, on devra en conclure que la papauté a enseigné et imposé aux Églises occidentales une hérésie plus déplorable encore que le Nestorianisme. Quelques mots sur l'origine du culte du Sacré-Cœur sont nécessaires pour l'intelligence de ce que nous allons dire.

Le premier théologien qui l'ait enseigné est un jésuite nommé La Colombière, mort en 1682. Il était confesseur d'une religieuse de la congrégation dite de la Visitation, et nommée Marie Alacoque. Le père La Colombière prêta à sa pénitente une foule de révélations, qui passèrent, de ses papiers, dans plusieurs publications faites par les jésuites, et dans la vie de Marie Alacoque, publiée par Languet évêque de Soissons, évêque jésuite s'il en fut jamais.
Lorsque Languet publia cet ouvrage, il y eut un tel scandale que, de concert avec le curé de Saint-Sulpice de Paris, son frère, il se hâta de faire disparaître les exemplaires. Quelques-uns cependant avaient été vendus, et il en parut une traduction italienne. Le pape Clément XIV la condamna aussitôt en 1772. Marie Alacoque, religieuse de Paray-le-Monial, au diocèse d'Autun, était morte dès 1690. Par ces dates, on voit que le culte du Sacré-Cœur ne remonte pas à une très-haute antiquité; à la fin du dix-huitième siècle, la papauté ne lui était pas encore favorable. Mais les jésuites se mirent si bien à l'œuvre depuis cette époque, que le culte qui avait leur prédilection fit de rapides progrès. Leur but évident était d'établir le Nestorianisme. Deux de leurs Pères, Hardoin et Berruyer, avaient enseigné cette hérésie. Tandis que les évêques, unis au pape, condamnaient les ouvrages de ce dernier écrivain, les bons Pères en faisaient publier secrètement une seconde édition. Ne pouvant braver ostensiblement l'autorité ecclésiastique par un enseignement théologique évidemment hérétique, ils eurent recours à la dévotion pour insinuer leur erreur sous une pieuse apparence, et, par leurs récits surnaturels, ils lui donnèrent comme une consécration divine. Berruyer fut abandonné ; le père La Colombière et sa Marie Alacoque conduisirent plus sûrement au même but. 

Marie Alacoque prétendait que la dévotion au Sacré-Cœur lui avait été révélée. Un jour qu'elle était en prière devant le saint sacrement, Jésus lui dit, en lui montrant son cœur, qu'il exigeait d'elle que le vendredi après la Fête-Dieu fût consacré au culte de son cœur, en récompense des témoignages d'amour qu'il avait donnés aux hommes ; adresse-toi, continua-t-il, à mon serviteur le Père La Colombière, jésuite; dis-lui de ma part de travailler autant qu'il lui sera possible à établir cette dévotion, afin de donner ce plaisir à mon cœur. Marie Alacoque communiqua au P. La Colombière la mission divine qu'elle avait reçue et ajouta : Jésus-Christ espère beaucoup de votre Compagnie. La Compagnie des jésuites, après s'être ainsi délégué de la part de Jésus-Christ, la mission d'établir la dévotion au Sacré-Cœur, y travailla par tous ses moyens ordinaires. D'abord les révélations se multiplièrent, si nous en croyons le P. La Colombière et l'historien Languet. Marie Alacoque, d'après eux, passait des nuits presque entières en colloques amoureux avec son bien-aimé Jésus. Un jour, il lui permit d'appuyer sa tête sur sa poitrine et lui demanda son cœur. Elle y consentit ; alors Jésus le prit, le mit dans le sien, puis le lui rendit. Dès lors, elle sentit une douleur continuelle au côté par où son cœur était sorti et rentré. Jésus lui conseilla de se faire saigner quand la douleur serait trop forte. Marie Alacoque donna son cœur à Jésus par un acte en bonne forme qu'elle signa de son sang en cette manière : « Sœur Marguerite Marie, disciple du divin amour de l'adorable Jésus.» En retour de cet acte, Jésus lui en fit un autre par lequel il la constitua héritière de son cœur pour le temps et l'éternité : « N'en sois pas chiche, lui dit-il, je te permets d'en disposer à ton gré, tu seras le jouet de mon bon plaisir. » A ces mots Marie Alacoque prit un canif et traça sur sa poitrine le nom de Jésus en caractères grands et profonds. Un jour, la sainte Vierge lui apparut, tenant dans ses bras Jésus enfant. Elle lui permit de le caresser et de le tenir entre ses bras. Marie Alacoque lui dit, entre autres choses intéressantes, qu'elle voulait être en prison dans son cœur jusqu'à ce qu'elle eût payé toutes ses dettes. Languet s'étend fort longuement sur la promesse de mariage intervenue entre Jésus et Marie Alacoque, sur les fiançailles et les épousailles. Le respect pour nos lecteurs nous interdit de citer les expressions dont s'est servi l'évêque jésuite. Les sœurs de Marie Alacoque n'avaient pas, à ce qu'il paraît, autant de ferveur qu'on l'eût désiré. Mais la dévotion au Sacré-Cœur suppléait au reste; aussi, devant cette dévotion, le diable fut-il forcé de déguerpir du couvent, non sans renverser les rideaux et les tringles de la grille du chœur. Il devait au moins commettre une espièglerie, en quittant les lieux. Le grave historien Languet raconte ces belles choses sans rire. Il nous apprend que le premier vendredi de chaque mois, les douleurs de côté de son héroïne étant fort vives, elle se faisait saigner, comme Jésus le lui avait conseillé. Seulement, il n'a pas réfléchi que les saignées ayant été pratiquées chaque mois, depuis l'apparition en 1674, jusqu'à la mort de Marie Alacoque en 1690, il s'ensuivrait qu'elle aurait été saignée cent quatre-vingt-douze fois en l'honneur du Sacré-Cœur. Si elle n'a pas succombé à un tel traitement, c'est encore par miracle sans doute. Les jésuites, en donnant une origine céleste à la dévotion au Sacré-Cœur, profitaient de la circonstance pour recommander leurs autres doctrines de prédilection. Autant les bons pères sont rigoureux pour ceux qui n'aiment pas leur Compagnie, autant ils sont débonnaires pour les autres. Si les vertus des premiers ne leur servent point pour le salut, les péchés des seconds ne peuvent leur nuire dès qu'ils ont aimé la pieuse Société. Aussi, Marie Alacoque vit-elle un jour le purgatoire, et fut-elle très-heureuse d'y apercevoir une foule d'âmes qui n'avaient sur elles que cette étiquette : Elle n'a pas hai le Seigneur (lisez : la Compagnie de Jésus). S'il suffit de ne pas haïr le Seigneur pour être sauvé, en passant par le purgatoire, il est bien évident qu'il n'y aura de damnés que ceux qui auront haï la sainte Compagnie. L'Immaculée Conception devait nécessairement être recommandée par le Sacré-Cœur. Marie Alacoque la faisait entrer dans l'esprit au moyen de petits billets que l'on devait avaler en guise de pilules. Elle écrivait donc à son frère qui était prêtre : « Nous avons promis que vous prendriez les billets que je vous envoie, un, chaque jour, à jeun, et que vous diriez ou que vous feriez dire neuf messes, durant neuf samedis, en l'honneur de l'Immaculée-Conception, et autant de messes de la Passion, pendant neuf vendredis, en l'honneur du Sacré-Cœur. Je crois que nul ne périra de ceux qui lui seront particulièrement consacrés. » On sait que les jésuites sont très-prodigues du salut pour tous ceux qui consentent à suivre aveuglément leurs ordonnances. Le sang rédempteur n'est plus pour rien dans le salut de l'homme, dès qu'une invocation au Sacré-Cœur et à l'Immaculée-Conception vous rendent certain du salut. Nous reviendrons sur ce sujet à propos des hérésies de l'Église romaine, contraires à la doctrine catholique sur la rédemption. Nous pourrions citer une foule de miracles très-singuliers racontés par les cordicoles, pour établir l'origine divine de leur culte de prédilection; mais il serait inutile de chercher à prouver que l'hérésie nestorienne, cachée sous la dévotion au Sacré-Cœur, est donnée comme une révélation divine; personne ne le conteste dans l'Église romaine, surtout aujourd'hui que par la faveur de Pie IX, Marie Alacoque est placée au nombre des saintes. Pour établir que le cœur charnel de Jésus est réellement l'objet du culte, il suffit de jeter un coup d'œil sur le premier livre venu relatif à cette dévotion. On s'adresse à lui comme à un être distinct dans toutes les litanies et prières qui lui sont adressées. On y lit, par exemple :

« Cœur de Jésus, riche envers ceux qui vous invoquent ! Cœur de Jésus, propitiation pour nos péchés, etc., etc., intercédez pour nous ! » 

On l'invoque dans le ciel, dans l'Eucharistie, partout où l'on place Jésus-Christ; il a ses prières spéciales; on en fait un objet séparé que l'on offre au Père, au Fils, au St-Esprit ; on parle de ses palpitations de sa dilatation; on affirme qu'il a été formé du sang de David; qu'il est tissu de fibres d'une exquise sensibilité ; que son mouvement est doux, etc., etc. Un jésuite, le P. Galifet, a cherché à excuser le culte rendu au Sacré-Cœur par celui que l'Église romaine rend à la chair de Jésus-Christ dans la fête du Saint-Sacrement, appelée vulgairement Fête-Dieu. Il est certain que cette fête est appelée dans les livres liturgiques romains : Festum Corporis, la Fête du Corps. Sur cela, le Père Galifet raisonne ainsi : « Le seul et propre objet de la Fête-Dieu est la chair de Jésus-Christ : d'où l'on doit conclure qu'on n'a pas précisément institué cette fête pour honorer la personne de Jésus-Christ, mais pour honorer sa chair, son corps, son sang, puisque ni l'âme, ni la divinité, ni la personne ne sont l'objet formel de cette fête. L'objet direct et immédiat est la chair très-sainte de Jésus-Christ dans le sacrement. » Le P. Galifet raisonne bien. En effet, si l’Église romaine a établi la fête du corps de Jésus-Christ, sans relation à la personne divine, elle a pu établir celle du Sacré-Cœur. Seulement, du raisonnement du P. Galifet résultent deux preuves au lieu d'une à l'appui du nestorianisme de l'Église romaine. 

On ne se fit point illusion à Rome sur le caractère hérétique de la dévotion au Sacré-Cœur. Aussi, lorsque les jésuites sollicitèrent l'établissement d'une fête du Sacré-Cœur, leur demande fut-elle rejetée par la Congrégation des Rites. Après cet échec, éprouvé en 1797, ils attendirent trente ans pour adresser une nouvelle requête ; mais ils profitèrent largement de ce délai pour répandre la dévotion nouvelle dans le peuple ignorant et dévot. Les images, les médailles, les petits livrets, les miracles, les prophéties, les prédications, les exhortations au confessionnal, les congrégations, tous ces moyens par lesquels les jésuites préparent les doctrines qu'ils veulent faire définir, furent employés. Le terrain étant ainsi préparé, deux requêtes sont adressées coup sur coup pour l'établissement de la fête, en 1727 et en 1729. La Congrégation des Rites avait alors pour promoteur de la foi Prosper Lambertini qui fut depuis le pape Benoît XIV. Il était instruit et peu jésuite. Il fit rejeter les requêtes. C'est lui qui a conservé les détails de cette affaire dans son ouvrage intitulé : De la Canonisation des Saints. Si l'on demande, dit-il, une fête pour le Sacré-Cœur de Jésus, pourquoi n'en pas demander aussi pour le sacré côté, les sacrés yeux, et même pour le cœur de la sainte Vierge ? Cette dernière est aujourd'hui en usage dans l'Église romaine. Benoît XIV ne se doutait pas que ce qu'il trouvait ridicule, serait institué de la part de Dieu. 

L'échec des jésuites ne les découragea pas. Les miracles se multiplièrent ; on avait fait surtout grand bruit de la peste de Marseille. Cette ville avait, en 1722, pour évêque un ancien jésuite nommé Belzunce, lequel n'avait quitté la Société, comme tant d'autres, que pour la mieux servir dans l'épiscopat. On lui avait inspiré l'idée de dédier sa ville épiscopale au Sacré-Cœur, pour arrêter le fléau. Il fit Cette consécration avec une mise en scène très-émouvante. Quel en fut le résultat? Rome ne se laissa point toucher; le jésuite Galifet et Languet, contemporains du fait, dirent timidement que le fléau avait commencé à diminuer, à dater du jour de la consécration. Mais il fallait quelque chose de plus positif; c'est pourquoi Drouas, évêque de Toul, élève de Languet, assura, en 1763, que la contagion avait cessé le jour même de la consécration. En 1823, M. de Quélen, archevêque de Paris, affirmait que la contagion avait cessé subitement. Aujourd'hui tout le monde, dans l'Église romaine, accepte ce miracle subit. Ce fait, très-bien exploité, servit beaucoup à la propagation de la dévotion nouvelle et prépara l'institution de la fête. 

Deux papes, amis des jésuites, Clément XI et Clément XIII, firent les premières concessions. Ce dernier se fit adresser des lettres par quelques évêques polonais; il supposa en avoir reçu une de Philippe V, roi d'Espagne, lequel, en étant averti, fit déclarer que cette prétendue lettre était apocryphe. Les jésuites, le pape et son ministre Torrégiani étaient dans ce complot ténébreux. Cependant, Clément XIII n'osa pas établir une fête en l'honneur du cœur matériel de Jésus-Christ; il autorisa seulement, en 1765, une fête en l'honneur du cœur symbolique, c'est-à-dire, de l'amour du Sauveur pour les hommes. Cependant, son décret fut interprété dans le sens du culte rendu au cœur matériel par Fumel, évêque de Lodève. Rome intervint par l'organe du canoniste Blasi qui publia, en 1771, une dissertation dans le but d'établir que le culte du cœur matériel n'était pas autorisé. Depuis, le pape Pie VI fit une déclaration analogue. Ceci prouve évidemment que Rome ne se faisait point illusion sur la nature du nouveau culte et sur l'hérésie qu'il couvrait; afin d'y échapper, les cordicoles imaginèrent de dire qu'ils adoraient le cœur en ce sens qu'il était uni hypostatiquement à la divinité, et ils ne s'apercevaient pas qu'ils s'exprimaient comme Nestorius lequel adorait ce qui paraissait, à cause de ce qui était caché. En effet, le cœur matériel était toujours à leurs yeux l'objet direct du culte nouveau. Ils n'osaient pas dire avec le jésuite Berruyer : « Jesu Christi humanitas est in se directe et in recto adoranda et cultu latriae prosequenda ; » mais ils n'en faisaient pas moins du cœur matériel personnifié l'objet direct de leur culte; c'est à lui qu'ils adressent leurs prières. Du reste, en remontant à l'origine de la dévotion, il est évident que le cœur matériel est l'objet exclusif du culte. Le P. Galifet l'affirme de cette manière : « Il s'agit du cœur de Jésus-Christ dans sa signification propre et naturelle et nullement métaphorique. Jésus-Christ parle de son cœur réellement pris (dans les révélations de Marie Alacoque); cela est manifeste par l'action qu'il fait de découvrir son cœur et de le montrer; il parle de ce cœur qu'il découvre et qu'il montre; c'est ce cœur qu'il veut qu'on honore, et dont il veut qu'on fasse la fête. On ne peut prendre dans un autre sens le mot de cœur répété plusieurs fois dans cette révélation, sans faire manifestement violence aux paroles et aux actions de Jésus-Christ. D'ailleurs, il est manifeste, dans la vie de la vénérable mère Marguerite (Marie Alacoque) que, dans tous les endroits où elle parle de cette dévotion, elle a toujours pris le cœur de Jésus dans le sens naturel. Voilà donc l'objet sensible de la dévotion que Jésus-Christ veut établir. » 

La doctrine du P. Galifet qui était celle de tous les cordicoles, l'emporta sur les réticences de Rome. La plupart des évêques, à la fin du XVIIIe siècle, firent des mandements pour établir dans leurs diocèses le culte du Sacré-Cœur, et indiquèrent le cœur matériel comme objet du culte; ils composèrent des offices qui furent insérés dans les Bréviaires et les Missels de leurs diocèses ; ils laissèrent répandre des livrets, des prières, des exercices de piété, où le cœur matériel était donné le plus explicitement possible comme objet d'adoration. Après la révolution française, la dévotion au Sacré-Cœur devint le point de ralliement de tous ceux qui se déclaraient pour le trône et l'autel; de vastes associations s'établirent, semi-politiques, semi-religieuses; le culte du Sacré-Cœur acquit ainsi une nouvelle importance, et à mesure qu'il s'étendait, il s'accentuait avec moins de ménagement dans le sens nestorien. Les papes entrèrent dans la même voie. Les indulgences furent prodiguées au nouveau culte ; on prétendit que la nouvelle dévotion était destinée à vaincre l'impiété, comme si ceux qui refusaient d'être disciples de Jésus-Christ, allaient devenir ceux de Marie Alacoque.
De nos jours, Marie Alacoque a été mise dans le catalogue des saints par Pie IX. Cette béatification est l'approbation directe de ses révélations et de sa doctrine. Or, comme il est impossible d'élever le plus léger doute sur ce que Marie Alacoque entendait par le cœur de Jésus-Christ, Rome a abandonné les distinctions théologiques de Clément XIII et de Pie VI, pour proclamer le cœur matériel de Jésus-Christ digne d'adoration, sans aucune relation à la personne divine, conformément à la doctrine de Marie Alacoque, expliquée par La Colombière, Galifet, les deux Languet de Sens et de Saint-Sulpice de Paris, Fumel et cent autres docteurs cordicoles. Aussi cette doctrine ne fait-elle plus doute aujourd'hui. Nous pourrions citer plusieurs ouvrages autorisés qui le prouvent jusqu'à l'évidence. 

Nous préférons donner la parole à un évêque qui, il y a quelques jours, s'exprimait ainsi dans un mandement publié pour vouer son diocèse au Sacré-Cœur :

« Dans quelques jours, l'Eglise, après avoir entouré des hommages de sa foi et de son amour le corps du Sauveur toujours vivant pour nous dans la sainte Eucharistie, adressera des adorations spéciales au cœur sacré de Jésus, à ce cœur toujours palpitant pour nous de tendresse et d'amour...» (Mandement de l'évêque du Mans, en date du 16 mai 1872.)

« Pour répondre à notre double nature, cette dévotion, comme toutes les autres, a un double objet, l'un matériel et sensible, l'autre spirituel. C'est d'abord le cœur matériel même de Jésus, à cause de son union avec la divinité. L'humanité tout entière de notre divin Sauveur est, en effet, l'objet de notre adoration...  »

« Comment donc le cœur de Jésus ne serait-il pas l'objet d'un culte spécial ? Non-seulement il est uni à la divinité, mais n'est-il pas ce qu'il y a de plus excellent dans la création ? N'est-il pas la partie la plus noble de la sainte humanité du Verbe fait chair? N'est-ce pas la source de sa vie physique ? N'est-ce pas de ce cœur que sont sorties toutes les gouttes du sang répandu sur la croix et qu'il nous est donné de recueillir dans le calice eucharistique ? Ce cœur enfin, percé sur la croix par la lance du soldat, ne nous présente-t-il pas une des plaies les plus touchantes de notre doux Sauveur? »

« Si le cœur matériel de Jésus-Christ est déjà digne de tous nos hommages, que sera-ce si, en nous conformant au langage universel, nous considérons ce cœur comme le siège, comme l'emblème et le symbole de l'amour infini du Verbe éternel, de l'amour du Dieu fait homme pour nous? »

L'évêque qui a prononcé de telles paroles s'étend en vain sur l'union de l'humanité avec le Verbe et sur le cœur symbolique, il n'en a pas moins affirmé : que l'humanité de Jésus-Christ en elle-même est adorable; que le corps est adorable ; que le cœur est adorable; qu'ils ne sont pas adorés d'une seule et même adoration s'adressant à la personne divine. Il est vrai que l'évêque de Mans n'enseigne pas une doctrine qui lui soit personnelle; sa doctrine est celle de son Église, comme il a soin de le déclarer. Or, cette doctrine est hérétique, et a été condamnée par les deux conciles œcuméniques d’Éphèse et de Constantinople. Le premier de ces conciles approuva le huitième anathème de saint Cyrille dans lequel on condamnait celui qui n'adorait pas l'Emmanuel ou la personne divine Jésus-Christ d'une seule adoration.

Le deuxième concile œcuménique de Constantinople s'exprime ainsi : « Si quelqu'un soutient que Jésus-Christ doit être adoré dans chacune de ses natures, de manière qu'il introduise deux adorations, l'une de Dieu, l'autre de l'homme en Jésus-Christ, au lieu d'adorer par une seule et unique adoration, le Verbe incarné et la nature humaine qu'il s'est rendue propre et sienne, ainsi que l’Église, par une tradition constante, l'a toujours cru et observé, qu'il soit anathème. »

Les cordicoles cherchent à échapper à cette condamnation, en prétendant que leur adoration ne s'adresse au cœur qu'à cause de l'union hypostatique de l'humanité avec la divinité. Nestorius avait recours au même subterfuge, comme le lui reprochait Théodote d'Ancyre en plein concile d’Éphèse, mais ce subterfuge n'empêcha pas les Pères de condamner ses erreurs, car il n'y avait recours que pour dissimuler la division qu'il établissait dans la personne unique du Verbe incarné.

L'Église romaine divise non seulement la personne unique du Verbe pour rendre à chacune des deux natures une adoration, mais elle divise même la nature humaine pour adorer séparément le cœur matériel de Jésus-Christ ; elle va donc plus loin que Nestorius lui-même, et son hérésie est plus monstrueuse encore.


Commentaires

Olivier a dit…
J'avais lu ce livre pour mon dictionnaire des papes. Les catholiques n'ont que comme argument "il a quitté l'Eglise pour se marier".

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