Livres carolins (II: 16): sur une parole de saint Augustin


 

Voici un nouveau chapitre des Livres carolins (Livre II, chapitre 16), rédigé non pas par Jean Calvin au XVIe siècle (ni par un de ses disciples à une époque plus tardive) mais bien par les théologiens de l’Église franque, au VIIIe siècle, et qui précise la position commune des évêques de l’Église latine à cette époque (concile de Frankfort, 794 AD).

Que le bienheureux Augustin n’a pas dit, comme l’affirment les partisans des images: "Qu’est-ce que l’image de Dieu, sinon le visage de Dieu dans lequel est marqué le peuple de Dieu ?" au sujet des images matérielles.

Jean l’Apôtre a dit :

    "Personne n’a jamais vu Dieu, sinon le Fils unique, qui est dans le sein du Père." (Jean 1:18)

Et la souveraine majesté a dit à Moïse :

    "L’homme ne peut me voir et vivre." (Exode 33:20)

Si donc Dieu est invisible — ou plutôt, parce qu’il est invisible — il est nécessaire qu’il soit incorporel. Et s’il est incorporel, il est nécessaire qu’il ne puisse être représenté corporellement. Par conséquent, étant invisible et incorporel, il ne peut en aucune manière être peint avec des matériaux corporels.

Nous devons donc chercher avec plus de soin ce que signifie l’image de Dieu et ce que désigne son visage, dans lequel le peuple de Dieu a été marqué. Interrogeons un prédicateur éminent : peut-être apprendrons-nous de lui ce qu’est l’image de Dieu.

Ô vase d’élection, ô docteur des nations, dis-nous ce qu’est l’image de Dieu !

    "Rendons grâce à Dieu le Père, qui nous a rendus dignes d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière, qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres et transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption par la rémission des péchés, lui qui est l’image du Dieu invisible." (Colossiens 1:12-15)

J’ai parlé de l’image ; parlons aussi de la figure.

    "Dans ces derniers jours, Dieu nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles, lui qui est le rayonnement de sa gloire et l’empreinte de sa substance, et qui soutient toutes choses par la parole de sa puissance." (Hébreux 1:2-3)

Voici, par l’enseignement de l’Apôtre Paul, nous apprenons que le Christ est l’image de Dieu. Mais eux veulent que cette affirmation concerne des images matérielles !

L’Apôtre enseigne que le Fils, qui est de même substance que le Père, est l’image de Dieu par son rayonnement de gloire et l’empreinte de sa substance. Eux, en revanche, disent que des figures façonnées par l’habileté humaine sont l’image de Dieu ! Ô erreur exécrable ! Ô démence impudente ! Ô folie imprévoyante ! Toi qui brûles d’un amour si ardent pour les images, au point d’oser attribuer aux figures matérielles ce qui a été dit du Fils unique de Dieu, n’as-tu pas honte ?

Que le très saint Augustin nous dise donc ce qu’est l’image de Dieu, lui que ces hommes accusent faussement d’avoir déclaré qu’elle est matérielle. Il dit en effet:

    "En Dieu, il n’y a pas de condition temporelle. On ne peut donc pas dire à juste titre que Dieu a engendré son Fils dans le temps, lui par qui il a créé les temps. Il s’ensuit que non seulement celui qui est issu de lui est son image, mais aussi sa ressemblance, car il est image, et qu’il y a une telle égalité entre eux qu’aucun intervalle de temps ne saurait l’entraver."

Parle aussi, très saint Ambroise ! Que l’on sache ce que tu penses de cette image. Défends le bienheureux Augustin, toi qui, par ta prédication, l’as ramené à la foi après qu’il eut été converti du paganisme. Regarde maintenant comment ces adorateurs d’images le calomnient injustement. Viens à son secours afin qu’il soit dégagé du poids d’une accusation si grave ! Lui qui, autrefois, par toi, a été libéré de l’erreur de l’hérésie !

Les prophètes disent du Christ, qui est l’image du Père invisible et l’empreinte de sa substance, qu’il est le rayonnement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté divine et l’image de sa bonté (cf. Sagesse 7:26).

Ainsi, en accord avec les prophètes, les apôtres et Augustin — non pas avec ces adorateurs d’images — nous tâcherons d’expliquer correctement ce qui est dit. Voyez ce que signifie chaque terme :

    Splendor, c’est-à-dire que la clarté du Père brille dans le Fils.
    Speculum sine macula, parce que le Père est reflété sans souillure dans le Fils.
   Imago bonitatis, car il ne s’agit pas d’un corps dans un corps, mais d’une puissance pleinement présente dans le Fils.

Le terme image (imago) n’indique pas une ressemblance imparfaite, mais signifie une empreinte parfaite. Splendor marque l’éternité. L’image dont nous parlons n’est donc pas un visage corporel, ni une représentation faite de couleurs ou de cire, mais une émanation simple de Dieu, sortie du Père, jaillie de la source divine.

C’est par cette image que le Seigneur a montré le Père à Philippe en disant :

    "Philippe, celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ?" (Jean 14:9-10)

Philippe a donc vu le Père dans l’image qu’est le Fils.

Regarde bien de quelle image il est question ici :

    C’est une image vérité, une image justice, une image puissance divine.
    Ce n’est pas une image muette, car le Fils est le Verbe.
    Ce n’est pas une image insensible, car il est la Sagesse.
    Ce n’est pas une image vide, car il est la Puissance.
    Ce n’est pas une image morte, car il est la Vie et la Résurrection.

Tu vois donc que, lorsque le Fils est appelé image, cela signifie qu’il renvoie à un Père dont il est l’image. Car nul ne peut être sa propre image.

Puisque nous avons démontré, selon la pensée des saints Pères, que l’image de Dieu n’est pas une image matérielle, comme le prétendent ces hommes, il nous reste à expliquer comment nous sommes marqués par cette image.

Nous sommes donc marqués en lui lorsque, selon l’Apôtre, nous avons été baptisés dans sa mort, sanctifiés par l’onction sacrée et reçus la dignité du nom chrétien, comme il est dit dans le Cantique des Cantiques :

    "Ton nom est une huile répandue." (Cantique 1:3)

Et ainsi s’accomplit la prophétie d’Isaïe :

    "À ceux qui me servent sera donné un nom nouveau." (Isaïe 65:15)

Nous sommes donc marqués en lui, lui qui, selon l’Apôtre, nous a scellés et nous a donné en gage l’Esprit dans nos cœurs (cf. 2 Corinthiens 1:22). Nous avons aussi été scellés par l’Esprit pour le jour de la rédemption (cf. Éphésiens 4:30).

Nous sommes marqués par l’Esprit Saint afin que notre esprit et notre âme soient imprimés du sceau de Dieu et que nous retrouvions cette image selon laquelle nous avons été créés à l’origine.

Cette image, en péchant, nous ne l’avons ni totalement perdue, ni totalement conservée intacte en nous.

    Si nous l’avions totalement perdue, il ne serait pas dit :

        "Même si l’homme marche dans l’image, il est vainement troublé." (Psaume 39:7)

    Si nous l’avions totalement préservée intacte, l’Apôtre ne dirait pas :

        "Soyez renouvelés dans l’esprit de votre intelligence." (Éphésiens 4:23)
        "Nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire." (2 Corinthiens 3:18).


Bucerian

Commentaires

Manu a dit…
Que pensez-vous des représentations du Christ sur la croix ? Est-ce un usage légitime selon vous ?
L'usage liturgique (du reste tardif) du crucifix, n'est pas dénué d'ambiguïté; je pense que si on veut placer un symbole sur la table, une simple croix est de loin le meilleur choix.

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