Jacques a dit: La foi et les oeuvres / Partie 1

Nature et propos de st Jacques

A l'instar du cardinal Cajetan, certains auteurs ont questionné la canonicité de l'épître de st Jacques au motif que, dans l'Antiquité, cette épître n'avait pas toujours été reçue partout et par tous (cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, III: 23, 25). A nos yeux, ces avis marginaux ne sont que les exceptions qui confirment la règle: toute la chrétienté reçoit en effet l'épître de st Jacques, et nous la recevons pareillement.
Mais cette pleine reconnaissance de l'inspiration de st Jacques ne saurait faire oublier que le propos de l'Écriture sainte se décline, dans les différents livres qui la composent, sous différents aspects - et qu'il convient de prendre  cette variété en considération pour droitement interpréter l'ensemble. Calvin soulignait ainsi, dans la préface de ses commentaires, que Salomon s'arrête plus à former l'homme extérieur, à traiter les règles et préceptes concernant la vie politique.... David est toujours sur le service spirituel de Dieu, le repos de la conscience, la miséricorde de Dieu et la promesse gratuite du salut. Cependant, cette diversité ne fait pas qu'en approuvant l'un, nous condamnions l'autre.

L'épître de st Paul aux Romains constitue ainsi un exposé magistral spécialement consacré à l'article de la Justification par la foi (cf. Romains 1: 15-17). On doit donc s'attendre à ce qu'un tel monument apostolique présente et explore ce sujet avec toute la précision requise. D'où cette première question: pourquoi n'est-ce pas dans cette épître que les papistes ont trouvé leur principale objection au dogme "luthérien"?
On objectera qu'il suffit qu'ils l'aient trouvé dans st Jacques, car c'est un auteur inspiré. Inspiré, certes; mais dont le propos n'est manifestement pas de développer le thème de la justification devant Dieu, et de son moyen. D'ailleurs, de l'aveu général, dans l'épître de st Jacques, les questions doctrinales "ne sont traitées que par affleurement, comme justification de la prédication morale" (Simon Mimouni, Jacques le Juste, frère de Jésus). L'introduction qu'en donne la "Bible annotée" souligne à juste titre que La personne et l'œuvre de Jésus-Christ ne tiennent aucune place dans ses exhortations. Aucun trait de sa vie n'est rappelé ; des hommes de l'ancienne Alliance sont proposés en exemple (5.10, 11, 17, 18). Le Saint-Esprit n'est pas nommé (cf. Introduction de la Bible annotée).
Notre passage (2:14-26), en particulier, relève du registre de la diatribe - une forme de prédication morale parsemée de dialogues et de figures diverses. Est-il raisonnable de chercher dans un tel passage le développement le plus précis et le plus complet de l'article de la Justification ?
Nous avons vu que Rome prétend, sans jamais le démontrer, que par l'expression "justifié par la foi", st Paul ferait une figure de style signifiant en réalité: "partiellement, ou potentiellement justifié par la foi". N'est-il pas plus raisonnable de dire que, si figure de style il y a quelque part, il est plus légitime de la chercher dans la diatribe de st Jacques ?
Mais y a-t-il au moins une figure de style quelque part ?
C'est ce que nous verrons, avec l'aide de Dieu, dans la suite dans cette série...

Bucerian