Avent 2022 : 1, La Création et la Chute
L'Avent prépare Noël : la venue dans le monde du Fils de Dieu. Mais, loin de se réduire à un simple regard sur le passé, la foi chrétienne nous ouvre à une attente sur l'avenir. Celui qui est venu dans le monde il y a 2000 ans, reviendra - ainsi que nous le confessons - pour juger les vivants et les morts.
Mais alors, comme le demande le Seigneur Jésus : Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Luc 18: 8).
Cette foi est en effet attaquée de toutes parts à notre époque. Je souhaite donc profiter de cette période symbolique de la venue du Sauveur pour encourager les frères et les sœurs dans la lutte commune.
La Création
1. Notre foi
A) L’Église confesse l'article de la Création:"Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du Ciel et de la Terre, de toutes les choses visibles et invisibles" (Symbole de Nicée-Constantinople). Affirmé dans le Credo, cet article a force de dogme : ce n'est pas un passage ouvert à la discussion ou à des interprétations diverses. C'est une vérité capitale sans laquelle il n'y a ni chrétien ni Salut.
B) Ce dogme est présupposé, avec celui de la Chute, par celui de la Rédemption: c'est en effet sa création, perdue, que Dieu est venu sauver en Jésus-Christ.
C) Enfin, tous ces dogmes reposent sur l'autorité de la Parole de Dieu, dans laquelle ils sont présentés avec plus de détails. Si ces derniers n'ont pas été dogmatisés - leur sens exact peut donc, dans une certaine mesure, être interprété ou discuté - ils ne doivent cependant être ni méprisés, ni rejetés comme des scories - ou comme de simples légendes humaines au sein desquelles se serait glissée la vérité divine.
Notre foi est donc que le Dieu trinité est créateur de tout ce qui est ; que sa Création, dans son état initial, était très bonne ; qu'elle était exempte de souffrance et de mort, qui sont les fruits de l'entrée du péché dans le monde.
2. L'opposition
A) Les forces anti-chrétiennes ont très bien compris l'importance stratégique de cet article : sans Création, pas de Rédemption ; donc, ni péché, ni Loi - et, surtout: pas de foi. C'est pourquoi, leur effort consiste à réfuter les premières pages de la Genèse.
B) Le raisonnement infernal sur lequel repose toute leur entreprise est que puisque le monde que nous pouvons observer est
celui que la Bible dit avoir été créé par Dieu, alors, le fait de la
création lui-même (et l'état du monde à son commencement) doit aussi pouvoir être
observable par nous (par l'investigation scientifique).
Et leur conclusion est que, puisque le discours de l'Hexaemeron (création des six jours) ne correspond pas à ce qu'ils ont observé, le propos de la Bible est donc faux.
C) Il faut bien noter que derrière ces attaques contre ce qui pourrait sembler relever du détail (ici : les six jours), c'est en fait toute la cohérence des dogmes (Création/Chute/Rédemption), et donc la pertinence de la foi elle-même, qui est finalement visée.
Force est de constater que la propagande athée est une réussite: il est devenu quasiment proverbial, aujourd'hui, de dire que l'histoire d'Adam et Eve n'est qu'une légende - sans rien dire du mariage qui trouve en eux son institution.
3. Tentations unificatrices
A) Beaucoup de croyants suivent les athées dans l'engrenage du raisonnement infernal décrit plus haut (2-B). Leur but est de fusionner le récit biblique de la Création et les résultats des observations scientifiques de l'Univers.
B) Plusieurs sont impressionnés (ou sincèrement convaincus) par les découvertes de la "science moderne" et cherchent à faire concorder les descriptions des trois premiers chapitres de la Genèse avec les schémas évolutionnistes. On parle de concordisme (*).
C) Plutôt que d'essayer de faire dire à la Bible ce que disent les sciences, d'autres croyants entreprennent de faire dire aux sciences ce que dit la Bible, et entendent soutenir scientifiquement que l'Univers aurait 5784 ans (les milieux créationnistes Terre-Jeune admettent généralement 8 à 10
000 ans, mais j'avoue ne pas comprendre sur quoi ils fondent ce flottement.)
Ces deux écoles s'exposent au risque de faire de la mauvaise théologie autant que de la mauvaise science. Les uns en prenant le risque de contrefaire des données scientifiques actuelles, les autres en croyant ces données définitives. Les uns en dogmatisant plus que ne l'a fait l’Église, les autres en corrodant l'articulation des dogmes (Création/Chute/Rédemption) et en limitant le Magistère du Saint-Esprit (qui ne serait autorisé à se prononcer que sur le pourquoi et pas sur le comment des choses).
Une réponse orthodoxe
Une réponse orthodoxe consistera à... croire en Dieu et sa Parole !
Dieu a créé le monde, manifestement immaculé.
Dieu a créé Adam et Eve, dont l'existence historique est aussi nécessaire à la foi que celle du second Adam: Christ.
L'homme s'est révolté, a été chassé du Paradis, et tout son monde s'est écroulé dans son sillage, passant de la vie à la mort, et attendant l'entrée tout aussi indescriptible dans la gloire (Romains 8: 19-23).
Genèse 1, 2, 3 doivent donc être crus et interprétés simplement, et en toute bonne foi. Aucune recherche angoissée ne devrait conduire le croyant à unifier ce regard prophétique et croyant avec ce qui est observable dans les télescopes - tout simplement parce que, contrairement à ce que suppose le raisonnement infernal, il se peut très bien que la Création et l'ordonnancement originel du monde soient absolument inaccessibles aux sens et à la raison de l'homme déchu. Autrement dit: qu'aucun scientifique ne puisse jamais observer ni décrire le monde au delà de "la lame d'épée flamboyante et des chérubins" qui gardent le chemin de l'arbre de vie (cf. Genèse 3: 24).
Un monde déchu condamné à l'observation d'un monde déchu; une "science" forte d'un bazar de découvertes attestant le fonctionnement du monde sous le prisme de la mort, mais à jamais humiliée par son incapacité à dire l'origine de la matière, de la vie, et de l'intelligence sans lesquelles elle ne serait elle-même rien (*).
Ou, comme l'a écrit Pascal : Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire.
Du reste, si la Bible ne dit pas tout ce qu'a fait Celui qui est pourtant son principal objet (Jean 21: 25), faut-il vraiment s'attendre à ce qu'elle narre toutes les péripéties de l'Univers ? Bien des choses ont pu se produire entre Genèse 3: 24 et Genèse 4: 1 - des choses qui peuvent faire l'objet d'hypothèses mais qui n'intéressent manifestement pas la foi, et sur lesquelles la foi n'a en tout cas pas à se laisser entraîner, altérer, ou ruiner.
Bucerian
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* Il
est vrai que dans les deux schémas, la matière inerte apparaît la
première, puis la vie, et enfin l'esprit (humain) - autant d'étapes
auxquelles l’Écriture réserve les mots "Élohim bara" (Dieu créa) et qui sont des ruptures telles que la "science moderne" ne peut toujours pas en expliquer l'apparition.
Toutefois, si le concordisme met en exergue ces lacunes du matérialisme, et s'il sauve grosso modo le dogme de la Création, il n'en sacrifie pas moins l'articulation ou la cohérence des dogmes (cf. 1-B). Le fruit de la Chute (souffrance/mort) devient ainsi antérieur
à la Chute. En cela, le concordisme n'est plus du tout cohérent avec
l’Écriture: Adam aura peut-être vu sa mère, Cheeta, être tabassée par
son père, King-Kong (parce qu'elle avait mal épluché les bananes ?). En tout cas, eux et leurs aïeux seront tous morts bien
avant que leur fils ne se révolte contre leur créateur.
Qui reconnaît encore ici la pensée biblique ?
Pis
encore : en plus de donner l'impression de transiger pour que l'auteur
du récit génésiaque conserve quelque autorité sur une île de
Sainte-Hélène, l'école concordiste habitue aussi les âmes à interpréter
les Écritures de façon si éloignée
et si contraire à leur sens évident qu'il n'est pas étonnant de voir
ensuite des interprètes "relire" d'autres sujets (comme l'institution du
mariage) et en tirer des conclusions tout aussi traîtreuses.
Commentaires
En effet, il ne saurait se vérifier que selon les faits qui l'illustrent. Par exemple, lorsque le matérialisme se pose comme science, en affirmant que tout est quantifiable, puisque la matière est indéfiniment divisible, alors les réussites techniques avèrent, dans une certaine mesure, cet axiome mathématique. Car, celui-ci ne saurait se déduire d'un autre axiome et ainsi de suite, "ad infinitum". De même, pour la Bible, c'est le Credo et la persistance de l'Église chrétienne dans le temps qui l'avouent.
Pourtant, le problème de la mort étant irrésoluble pour le matérialisme, comme la mécanique quantique en témoigne, alors le Christianisme se pose comme alternative scientifique aussi valable que le matérialisme empirico-métrique.
De sorte que, ce qui distingue la Technique et la Religion, ce n'est pas l'efficacité-parce que tous les hommes demeurent mortels-mais l'acte de Foi initial des différentes approches du réel, l'axiome, qu'on ne saurait critiquer. C'est pourquoi, notre intervention n'avait pour objet que de renchérir sur le propos de votre article, en démontrant, épistémologiquement, que la Bible ni le Credo n'avaient rien à craindre de la propagande scientiste qui infecte les esprits volages de certains de nos contemporains...