491 ans de la Confession d'Augsbourg



On a pris l'habitude de célébrer la "Réforme" le dernier dimanche du mois d'octobre, en souvenir de l'affichage, par Martin Luther, de ses 95 thèses. Ce faisant, on célèbre un acte individuel et relativement contestataire, plus idoine à glorifier le zèle de la foi (subjective) que son contenu objectif.



Le jour anniversaire de la Confession d'Augsbourg (25 juin 1530) nous donne donc l'occasion d'appréhender la démarche évangélique sous un angle non moins héroïque (il a fallu une grande foi et beaucoup de courage, à nos pères, pour présenter ce témoignage à un empire hostile !) mais autrement plus sourcilleux sur le contenu de la foi (1), son apostolicité et perpétuité (2) et sa finalité : le salut des croyants pour la gloire de Dieu (3).

 

1. Le contenu de la foi
(Lecture : 1Corinthiens 15 : 1-11).

La saine doctrine est une notion aujourd'hui très dépréciée. Un peu partout, on la remplace par les bons sentiments, avec pour conséquence un relativisme délétère.
Le monde nous dit qu'il est possible de faire son Salut dans toutes les religions - en définitive, par l'accomplissement des lois morales. Le pape de Rome valide aujourd'hui de facto ce discours (depuis Jean Paul II embrassant le coran, livre antichrétien s'il en est, jusqu'à François, déclarant publiquement qu'il est possible de rencontrer Dieu dans toutes les religions).
Dans le monde protestant, ou prétendu tel, les dénominations libérales parlent de Jésus, de la Bible, de la Résurrection, etc; mais laissent chacun en donner des définitions tellement "libres" que ces noms et notions ne veulent strictement plus rien dire.
Les cercles piétistes sont en général globalement orthodoxes; mais leur survalorisation de la ferveur les rend perméables au venin des tendances précédentes de sorte qu'il n'est pas rare d'y rencontrer des croyances pour le moins douteuses.

Or notre foi n'est pas un simple "élan spirituel" reposant sur le néant. Ni la ferveur (Matthieu 7 : 21), ni la spiritualité (Jean 16 : 2), ni une bonne moralité (Romains 10 : 1-10) ne peuvent sauver le pécheur, mais seulement le Christ des Écritures, qui ne partage pas nos cœurs avec les fausses représentations que les hérésies donnent de lui (Galates 1 : 8-9). C'est ce qu'indique la démarche de la Confession d'Augsbourg, par exemple, lorsqu'après avoir rappelé la doctrine Trinitaire, elle ajoute cette conséquence que "C'est pourquoi nos Églises condamnent toutes les hérésies qui sont élevées contre cet article" (article 1).
De même, dans la conclusion : "Il est manifeste qu'en y mettant la plus grande application, nous avons pris garde qu'aucune opinion nouvelle et impie ne s'insinue dans nos Églises".
"Condamnent... opinions impies"...
nous sommes loin, ici, de la mentalité libérale.

A ce titre, contrairement à une idée souvent répandue (et entretenue par les égarés d'aujourd'hui, comme les "attestants") le protestantisme ne nie pas la notion d'hérésie et ne cherche pas à abolir l'intolérance théologique au profit d'un "libre examen" relativiste. Pour la doctrine chrétienne, l'hérésie existe et doit être rejetée sans complaisance. Et c'est précisément ce que nous entendons faire en protestant (témoignant solennellement pour) le Saint Évangile.

Pour conclure ce premier point, donc : Nous devons croire dans le Christ des Écritures. Un autre Jésus ne sauve personne et, par conséquent, la "foi" en un tel "Jésus" ne sauve pas non plus.


2. Apostolicité et continuité de la foi
(Lecture : Jude 3).

Professer la vraie foi chrétienne est nécessaire à notre Salut. Mais la vraie foi dont nous parlons est la foi apostolique (Éphésiens 2 : 20) et perpétuelle (cf. Matthieu 28 : 20).
Il est important de souligner ce point, car bon nombre de prévaricateurs, singeant Luther, ont cru devoir "redécouvrir" et "rétablir" (exhumer ?) un christianisme qu'ils croyaient mort et disparu jusqu'à leur époque - ainsi : Joseph Smith, Charles Taze Russel ou d'autres.
Contre cette démarche (qui condamne ceux qui l'adoptent à tâtonner dans d'épaisses ténèbres) la Confession d'Augsbourg commence par rappeler son attachement à la foi traditionnelle :

"Nos Églises enseignent à l'unanimité que le décret du concile de Nicée (...) est vrai, et qu'il doit être cru sans le moindre doute" (article 1).
De même, concernant le fils de Dieu et son œuvre (article 3) la Confession en parle "(...) suivant le Symbole apostolique".
Il n'est donc pas besoin de suer sang et eau pour découvrir ou redécouvrir le christianisme authentique ; les termes de la foi chrétienne sont au contraire publiquement chantés et répétés, même par les enfants, depuis vingt siècles ! Contrairement à ce qu'imaginent d'orgueilleux "re"fondateurs d’Églises, la conversion des hommes, fût-ce la leur, n'a pas pour vocation de faire (re)naître le christianisme au monde, mais de les faire renaître à Dieu, eux, dans le cadre de la foi de l’Église.

Ici, une objection pourrait pointer : n'est-il pas vrai, pourtant, que Luther a réformé l’Église ? N'est-il pas vrai qu'il a redécouvert la doctrine de la Justification par la foi seule ? Les Églises protestantes n'ont-elles pas effectivement rompu avec la foi traditionnelle, comme le leur ont amèrement reproché les partisans du pape ?...
Réponse : si, par "foi traditionnelle", on veut dire "tout ce que les partisans du pape reconnaissent eux-même avoir ajouté/retranché/altéré en Occident, au cours du Moyen Âge (comme la communion sous une seule espèce, le célibat des prêtres, etc.)", alors, certes, les protestants ont opéré une rupture.
Mais si, par "foi traditionnelle", on entend "tout ce que l'ensemble des chrétiens ont durablement et solennellement confessé comme étant leur foi (ou leur interprétation de la Bible), c'est-à-dire, essentiellement : le propos du Credo", alors, non seulement les protestants n'ont rien redécouvert et n'ont rien réformé, mais encore, ils sont bien les seuls à avoir fidèlement gardé et transmis cette vraie foi.

En effet, sur quoi a porté la dispute du XVIe siècle, sinon sur cet article du Credo : "je crois la rémission des péchés" - ou, selon les termes du Symbole de Nicée : "Je confesse un seul baptême, pour la rémission des péchés" ?
Ce n'est pas sans raison que la Confession d'Augsbourg, en son article 20 (qui porte sur la question cruciale de la foi et des œuvres), rappelle que la foi évangélique ne saurait se réduire à la connaissance des faits historiques
comme la crucifixion ou la Résurrection (connaissance qu'ont aussi bien les démons et les impies / cf. Jacques 2 : 18-19), mais que cette foi doit impliquer aussi le résultat de ces faits, à savoir cet article : la rémission des péchés (soit le fait que par le Christ nous avons la grâce, la justice et le pardon des péchés).
Or, qui est demeuré fidèle sur ce point ?
Le pape de Rome, qui a recommandé les croisades et les indulgences comme chemins du Ciel, ou Luther qui n'a prêché autre chose que le Christ ? (*)
La Confession (article 6), fournit la réponse à cette question en citant st Ambroise de Milan :
"Il est résolu de Dieu que celui qui croit en Jésus-Christ sera sauvé, non par les œuvres, mais par la foi seule, en recevant gratuitement la rémission de ses péchés."

Pour conclure ce deuxième point :  La foi chrétienne n'a jamais fait naufrage. Dans le cas contraire il faudrait un nouveau prophète, et non un simple commentateur biblique ou un archéologue, pour la restituer.
Or ce "cas contraire" est impossible, non seulement parce que la Révélation est close, mais aussi parce que l’Évangile, par lequel s'étend le Règne du Christ, est impérissable (Actes 5: 38-39).



3. Le Salut pour la gloire de Dieu
(Lecture : Apocalypse 5 : 8-12).

Il nous faut donc recevoir et garder non pas une croyance, mais la foi chrétienne, qui existe et est professée dans le monde, depuis les Apôtres et sur le fondement des Écritures saintes.
mais pourquoi est-il si important de croire cela plutôt qu'autre chose?
C'est que la vraie foi nous apporte, avec le Salut, l'assurance du Salut :
Si le Fils n'était pas Dieu, ou s'il n'était pas homme ; s'il n'avait pas porté nos péchés, si sa justice ne nous était pas gratuitement imputée... personne ne serait sauvé et chacun serait condamné à s'inventer un système bancal, dont son âme ne tirerait jamais aucune paix.

D'autre part, il en va de la gloire de Dieu : il est certain que ceux qui cherchent leur salut en dehors de Lui et de ce qu'il a fait pour les hommes, s'inventent un système au terme duquel ils ne lui rendront jamais la gloire qui lui revient :
le sauveur de l'arien est une créature à laquelle on se propose de rendre les honneurs divins. Pour le pélagien, la créature déchue peut se targuer de détenir une part de mérite pour son Salut - et ainsi une partie de l'honneur qui en découle. En attendant, (et elle pourra attendre longtemps) ladite créature déchue ne trouvera jamais la paix ni la joie que procure la perfection du Christ et de son œuvre.

C'est là tout ce que résumera l'auteur de la Confession d'Augsbourg (en parlant principalement de l'article de la rémission des péchés) dans l'Apologie qu'il en écrira l'année suivante :

"L'objet de cette discussion est une grande chose : il s'agit de l'honneur du Christ; et il s'agit de savoir d'où les hommes de bon sens tirent un ferme et sûr réconfort, si c'est en Christ ou dans nos œuvres que nous devons mettre notre confiance. Si c'est dans nos œuvres, le Christ est dépouillé de son honneur de médiateur et de propitiateur. Au jour du Jugement de Dieu, nous reconnaîtrons que cette confiance est vaine, et que les consciences tombent de là dans le désespoir. Si c'est à cause de notre amour, et non à cause du Christ, gratuitement, que la rémission des péchés et la réconciliation nous échoient, personne ne les obtiendra à moins d'avoir observé toute la Loi, parce que la Loi ne justifie pas, tant qu'elle peut nous accuser. Puisque la justification est la réconciliation à cause du Christ, il est donc évident que c'est par la foi que nous sommes justifiés, car il est absolument certain que c'est par la foi seule que nous recevons la rémission des péchés" (Apologie de la Confession d'Augsbourg, article 4).

 

Conclusion : 

La Confession d'Augsbourg souligne l'importance du confessionnalisme, rehausse le sens de l’Église - ainsi que l'ancrage dans la foi de toujours - pour la paix des consciences, à la plus grande gloire de Dieu... autant de raisons qui me font penser que le dernier dimanche de juin mériterait assurément d'être le véritable Dimanche évangélique.

En attendant, que la droite compréhension de la Bible, dont nos pères ont témoigné hier, continue d'être notre foi, aujourd'hui et jusqu'au dernier jour !

Amen.


Bucerian


_____________________________

(*) Comme le reconnaît même un jésuite comme Franz Posset, Luther fut loin d'être le premier ou le seul à comprendre ainsi la foi commune ; décrivant le parcours spirituel du "Réformateur", Mélanchthon écrivait en effet ceci :

"Il (Luther) l'écoutait (le frère supérieur) discuter de beaucoup de choses concernant la foi, et il déclara qu'il avait été conduit au Credo (ad symbolorum), dans lequel il est dit : "Je crois au pardon des péchés". (Le frère supérieur) avait interprété cet article  (du Credo) d'une telle manière qu'il ne fallait pas seulement croire en général que certaines personnes sont pardonnées, comme David ou Pierre (chose que les démons croient également) mais que c'était le commandement de Dieu que nous, en tant qu'individus, croyions que nos péchés sont pardonnés. Et il démontra (à Luther) que cette interprétation était confirmée par une parole de st Bernard, et lui indiqua même le passage du sermon de l'Annonciation où ces mots se trouvaient."
- Philippe Melanchthon, Corpus Reformatorum, 6: 159.

"Mais il faut encore que vous teniez pour certain que c'est par lui aussi (Christ) que vos péchés vous sont pardonnés. En effet, d'après l'Apôtre, l'homme est justifié gratuitement par la foi (Rom. III, 28)."
- Bernard de Clairvaux, Sermons sur l'Annonciation, I. 3.


Franz Posset
The real Luther
, Concordia Publishing House, 2011,
pages 154-155.


Commentaires

Anonyme a dit…
Votre méditation constitue une remarquable démonstration de la catholicité de la Foi pro-testante/confessante. Car, cet article illustre, hors de tout doute raisonnable, que le pro-testantisme n'émane pas d'une rupture mais d'un approfondissement de la Tradition chrétienne.
Philippe Jaunet a dit…
Même avis que le commentateur précédent. Merci pour ce très bel article.

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