Du baptême des enfants, selon st Irénée

 


 

Dans la controverse relative au baptême des enfants, les anabaptistes tentent de sortir de leur position inconfortable en poussant l'audace jusqu'à accuser l’Église ancienne de leur propre crime : celui d'avoir innové et abandonné la tradition apostolique. Mais où et quand l’Église ancienne aurait-elle initié son "erreur" ? Où se trouve la controverse qu'un tel "changement" aurait nécessairement provoqué à son début ? Ce sont là des questions auxquelles les anabaptistes doivent répondre - chose dont ils sont bien incapables.
Et pour cause ! Leurs accusations sont gratuites et invraisemblables. C'est ce que j'entends montrer par ces quelques remarques concernant le témoignage de st Irénée de Lyon.


Remarques préliminaires :

1. St Jean était un Apôtre. Son devoir n'était pas seulement d'enseigner la vérité, mais aussi de dénoncer et de combattre les erreurs qui apparaissaient dans le monde.

2. Or st Jean a vécu jusque vers l'an 100, et n'a jamais laissé aucun avertissement contre le baptême des enfants.

3. Si on veut considérer le baptême des enfants comme une funeste erreur ( et non des moindres, vu qu'elle s'est imposée partout pendant plus de mille ans !) il faut donc conclure que cette "erreur" n'a été pratiquée par aucun des évêques établis par les Apôtres, au moins jusqu'en l'an 100 après Jésus-Christ.

Le témoignage :

Dans son deuxième livre contre les hérésies, st Irénée écrit ceci :

« Il (le Verbe) n'a ni rejeté ni dépassé l'humaine condition et n'a pas aboli en sa personne la loi du genre humain, mais il a sanctifié tous les âges par la ressemblance que nous avons avec lui. C'est, en effet, tous les hommes qu'il est venu sauver par lui-même —, tous les hommes, dis-je, qui par lui renaissent en Dieu : nouveau-nés, enfants, adolescents, jeunes hommes, hommes d'âge. C'est pourquoi il est passé par tous les âges de la vie : en se faisant nouveau-né parmi les nouveaunés, il a sanctifié les nouveau-nés; en se faisant enfant parmi les enfants, il a sanctifié ceux qui ont cet âge et est devenu en même temps pour eux un modèle de piété, de justice et de soumission; en se faisant jeune homme parmi les jeunes hommes, il est devenu un modèle pour les jeunes hommes et les a sanctifiés pour le Seigneur. » (Contre les hérésies, II, 22: 4).

Vers l'an 180, Irénée trouvait donc tout à fait normal et évident que des nouveau-nés renaissent en Dieu.

Première remarque
(Nouvelle naissance et baptême)

Contrairement à ce que voudraient croire certains anabaptistes, cette affirmation implique le baptême de ces nouveau-nés. Car l'auteur tient le baptême pour le lieu de notre nouvelle naissance. Il écrit par exemple :

De même encore, lorsqu'il donnait à ses disciples le pouvoir de faire renaître les hommes en Dieu, il leur disait : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » 
Contre les hérésies, III : 17.
Plus bas, dans le même chapitre :
Car nos corps, par le bain du baptême, ont reçu l'union à l'incorruptibilité, tandis que nos âmes l'ont reçue par l'Esprit. C'est pourquoi l'un et l'autre sont nécessaires, puisque l'un et l'autre contribuent à donner la vie de Dieu.
Ailleurs, le même auteur écrit :
C'est pourquoi le baptême de notre nouvelle naissance a lieu par ces trois articles. Il nous offre une nouvelle naissance en Dieu le Père par son Fils dans l'Esprit Saint.
St Irénée de Lyon, Démonstration de la Prédication apostolique, 7.

Deuxième remarque
(Article indiscuté)

Lorsque st Irénée évoque le baptême des nouveau-nés, il ne le fait pas dans le cadre d'une controverse portant sur ce sujet. Il évoque simplement cette pratique, comme étant une chose évidente et normale, soulignant par elle la vérité de l'Incarnation du Sauveur (qui était combattue par les gnostiques).

 Troisième remarque
(Irénée, témoin de sa génération)

Il serait artificiel d'imaginer st Irénée tombant du ciel en 180 pour écrire son livre. Cet évêque, que l'on qualifierait sans doute aujourd'hui "d'ultra-conservateur" est né à Smyrne vers l'an 120, dans un foyer chrétien. Il a grandit dans l’Église, il a vu ce qui s'y faisait : en 125, en 130, en 135, etc. C'est cette religion, dans laquelle il a été baigné dès l'enfance, qu'il décrit et défend, une fois évêque, contre les contrefaçons gnostiques.

Quatrième remarque
(Irénée, témoin de son monde)

St Irénée veille toujours à souligner l'unanime croyance des Églises fondées par les Apôtres, et à y inscrire scrupuleusement sa propre voix. Son but est qu'il n'y ait aucun doute sur l'origine et la nature de la Tradition qu'il défend. Il écrit par exemple :
(...) la Tradition des apôtres, qui a été manifestée dans le monde entier, c'est en toute Église qu'elle peut être perçue par tous ceux qui veulent voir la vérité. Et nous pourrions énumérer les évêques qui furent établis par les apôtres dans les Églises, et leurs successeurs jusqu'à nous (...) - Contre les hérésies III.

Appliqué à notre affaire, cette scrupuleuse référence à l'universalité implique qu'en plus d'être pratiqué par st Irénée, le baptême des enfants (qu'il évoque) était pratiqué par toutes les Églises de son temps. Autrement dit : les contemporains de st Irénée étaient tous favorables au pédobaptisme.

Cinquième remarque
(Irénée, témoin de la catholicité)

Couplées ensemble,  les deux dernières remarques signifient que ce ne sont pas seulement les Églises contemporaines d'Irénée en l'an 180 qui étaient toutes pédobaptistes, mais que c'étaient les Églises contemporaines d'Irénée tout le temps de sa vie.
Pour autant qu'il savait (et notre homme savait manifestement beaucoup de choses, qu'il avait apprises aux pieds de l'évêque Polycarpe de Smyrne, lui-même élève de st Jean...), son Église de Smyrne et toutes les Églises en sa communion avaient donc toujours trouvé normal que des nouveau-nés soient baptisés.

 

Conclusion :

Irénée et ses contemporains pouvaient manifestement dire, d'un bout à l'autre du monde, que "de mémoire d'homme", le baptême des nourrissons avait toujours été pratiqué.
Là où le bât blesse, pour les baptistes, c'est que pour des hommes du début du IIe siècle (comme st Polycarpe, né vers 70), "de mémoire d'homme" voulait dire : "Quand les Apôtres étaient là".

On pourra évidemment toujours accuser st Irénée (et toute la chrétienté de son temps avec lui!) de n'avoir été qu'un menteur, un escroc, un conspirateur ayant habilement insinué des choses dans ses écrits afin de tromper les gens qui les lieraient quinze ou vingt siècles plus tard. Mais si on met de côté ces accusations gratuites, fantaisistes et d'ailleurs totalement irrecevables (cf. 1Timothée 5: 19), il ne reste aucun recoin de l'histoire à l'ombre duquel la prétendue "erreur" du baptême des enfants aurait pu faire sournoisement son nid.

 

Bucerian

Commentaires

Anonyme a dit…
Voilà, à notre avis, les deux meilleurs arguments pour établir l'universalité baptismale:

"Si donc la Parole est jointe à l'eau, le Baptême est réel, quand même la foi n'y est pas; car
la foi ne fait pas le Baptême, mais elle le reçoit. (Grand Catéchisme/Luther)
***
"For even those who believe before Baptism, or become believing in Baptism, believe through the preceding outward Word, as the adults, who have come to reason, must first have heard: He that believeth and is baptized shall be saved, even though they are at first unbelieving, and receive the Spirit and Baptism ten years afterwards." (Articles de Smalkade)

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