De l'Eglise catholique et des sectes (3)

 Chapitre 1
(suite)


Que l’Église, dans sa dispensation néotestamentaire, a été établie au Ier siècle après Jésus-Christ, et s'est développée organiquement depuis lors... 

 



2. Tentation individualiste


L'Église, qui est un peuple de croyants baptisés, repose sur la Parole de Dieu, contenue dans les 66 Livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Or, le progrès technique (imprimerie, internet, etc.), conjugué à l'alphabétisation généralisée, permet au plus grand nombre d'accéder au contenu des Écritures, même seul, chez soi. Ce n'est pas un problème (loin de là!) à condition de ne pas s'égarer par orgueil dans l'illusion de l'autosuffisance. En effet, un homme devenu croyant après avoir soigneusement lu chez lui les Écritures, serait justifié, sauvé, par la foi seule (Jean 3: 16). C'est à tort, cependant, qu'il se croirait autorisé à ignorer, voire à mépriser l’Église aux soins de laquelle le Seigneur recommande ceux qu'il appelle (cf. Actes 9: 6). Et c'est au point que Calvin a pu dire de telles gens que : "il est normal qu'ils reçoivent le salaire d'une telle séparation, et ils sont captifs des erreurs et des illusions qui les conduisent à ne plus savoir où ils en sont" (1).

Il n'est pas difficile de montrer que l'individualisme théologique ( = moi seul avec ma Bible!) est incohérent et, donc, faux ; en effet, celui qui adopte cette position se croit autosuffisant alors que, si ce lecteur est entré au contact de ce Canon (2) (qui n'est pas tombé du ciel en un seul bloc !) c'est parce qu'une Église, dans l'Histoire, a reçu, discerné et transmis ces livres en témoignant de leur unité intentionnelle (Jésus-Christ), malgré leur diversité de genres et d'époques. Autrement dit: s'il est vrai que, selon Calvin,l'autorité que nous reconnaissons aux livres saints repose sur le témoignage intérieur du Saint-Esprit (3) il est tout aussi juste d'affirmer, avec Bavinck, que "le Saint-Esprit ne dépose pas sur la canonicité de tel ou tel écrit" (4).
Car il serait malhonnête de prétendre que chaque Chrétien, séparément, aurait lu les centaines d'ouvrages à prétention divine (5) et aurait dressé, chacun de son côté, une liste identique de 66 livres (à la façon dont, selon la légende, 72 savants Juifs (6) auraient miraculeusement traduit, chacun de son côté et à l'identique, la Bible en grec (7)).
De telles prétentions, en plus d'être délirantes, seraient démenties par les faits: on sait en effet que, jusqu'au IVe siècle, certaines Églises particulières ont contesté l'inspiration de certains livres (Hébreux, Jacques, 2 Pierre, 2 et 3 Jean, Jude et Apocalypse!) (8). Au contraire, d'autres recevaient dans le Canon l'épître de Barnabée, la Didachè ou le Pasteur d'Hermas (9).

Le témoignage intérieur du Saint-Esprit, qui atteste à nos cœurs que ces 66 livres sont la Parole de Dieu n'exclut donc pas le ministère de l’Église dont la tâche est de transmettre le Canon et de témoigner de son origine divine, ainsi que l'écrit Auguste Lecerf : "C'est l'accord unanime de l’Église qui nous fait connaître le fait qu'il y a un Canon scripturaire auquel elle se soumet et c'est le Saint-Esprit qui scelle cette affirmation de l’Église dans le cœur des fidèles par son témoignage créateur de foi" (10).
Ainsi, d'une part, le Canon biblique ne tire pas son autorité de l’Église ou d'un décret de ses évêques mais de Dieu seul ; ce Canon s'est en effet imposé (malgré les réticences de quelques-uns, pour certains livres) à travers l'Histoire dont Dieu est le seul Maître. Mais, d'autre part, il est tout aussi vrai que le Canon (comme liste) n'est pas discerné par chaque individu isolément, ou par lui-même et pour lui-même : si la liste des 66 livres s'est imposée à travers l'Histoire, c'est dans la conscience du peuple Chrétien que Dieu dirigeait par son Esprit. 

Prétendre que le solipsisme théologique ( = moi seul avec ma Bible!) serait une démarche légitime n'a donc pas de sens. Car, de quelle Bible parle-t-on ? Si chacun est autonome, pourquoi discuter sur la base de ces 66 livres plutôt que sur la liste mutilée qu'en avait retenu Marcion, au IIe siècle? (11).

A suivre...

Bucerian



(1): CALVIN, Jean, Institution de le Religion Chrétienne, IV. i, 5. Kerygma. Aix-en-Provence, 2009. Le texte utilisé ici est celui de l'Institution mise en Français moderne par Mme Marie de Védrines et M. le Professeur Paul Wells, que je tiens à remercier pour m'avoir autorisé à reproduire en fin de cet ouvrage un paragraphe entier de l'Institution.
(2): Canon veut dire règle, mesure, norme. On désigne ainsi la liste des 66 livres de la Bible.
(3): CALVIN, Jean, Institution de la Religion Chrétienne, I. vii, 4, 5. Kerygma. Aix-en-Provence, 1978.
(4): BAVINCK, Herman, Reformed Dogmatics, I, § 154. Baker Academic, Grand Rapids, MI, 2003. Cité sous cette forme par Auguste Lecerf, dans son Introduction à la dogmatique Réformée.
(5): Selon st Irénée de Lyon (c./ les hérésies, I: 20), une masse de livres ont été mis en circulation par les hérétiques. On en trouve des exemples de nos jours, comme les Évangiles de Thomas, de Judas, etc.
(6): 70, selon Flavius Josèphe, dans les Antiquités Juives, XXI, ii, 7.
(7): D'où le nom de "Septante", dont on désigne cette Bible.
(8): On appelle ces livres "antilégomènes", c'est-à-dire que leur autorité a été contestée.
Voir Eusèbe de Césarée,Histoire ecclésiastique III, 25, 1-7.
(9) Ainsi, st Irénée,
Contre les hérésies, IV. 3.
(10): LECERF; Auguste,
Introduction à la dogmatique Réformée, II, vii. Je sers, Paris, 1938.
(11): Cet hérésiarque rejetait tout l'Ancien Testament et ne gardait du Nouveau que des passages de st Luc et st
Paul.

Commentaires

Anonyme a dit…
Le solipsisme théologique n'est qu'une attitude gnostique, laquelle s'estime supérieure à la Foi commune, attestée, entre autres, par Héb.13/8-9, Jd.3, Ac.5/33-42, Eph.4/4-7, Rom.12/6, II Pie.1/19-21 ou I Tim.3/15. A l'inverse, la notion de sacerdoce universel de baptisés, qui autorise quiconque à lire et interpréter les Écritures, ne saurait s'inscrire à l'extérieur de l'universalité du sacerdoce des baptisés: la TRADITION du Symbole de Nicée-Constantinople et de SON Canon scripturaire, auquel il est subordonné. De sorte que, la notion de libre-examen n'est qu'une forme dévoyée du "sensus fidei", dont la liberté exégétique de tout un chacun n'est jamais, par ailleurs, qu'un avatar, selon I Cor.12 ou Gal.1/8-9.

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