Catholicité de la Confession d'Augsbourg

 



par

Alain Rioux

Maître de philosophie

M.A philosophie

U.N.E.S.C.O/U.Q.A.M

Québec, Canada

14 février 2021 

 


La catholicité de la Confession d’Augsbourg se déduit de sa méthode et de son objet. En effet, en termes de méthode, ce texte se présente comme un enseignement conforme à la tradition chrétienne, à telle enseigne que, tel un refrain, il reprend cette affirmation à presque chacun de ses vingt-huit articles. Or, de même que le Concile de Chalcédoine s’est manifesté, d’abord, comme une précision de l’article théologique du Credo, par la réception du Symbole de Nicée et de sa conclusion, le texte de Constantinople, en résolvant, de cette manière, la question  trinitaire comme récapitulation consubstantielle, dans le Père, unique vrai Dieu, du Fils et de l’Esprit Saint, pour ensuite affirmer l’unicité de la Personne divine du Christ, vrai Dieu et vrai homme, dans sa définition conciliaire, comme spécification du second point nodal du Credo, ainsi la Confession d’Augsbourg nous propose de résoudre les deux point nodaux restant du Symbole de Nicée Constantinople, unique Foi de l’Église chrétienne, ceux concernant le baptême et l’Église, puisque le Credo comporte quatre difficultés théologiques, exigeant la solution du problème de l’un et du multiple : Un Dieu/trois Personnes, Un Seigneur/deux natures, Un baptême/des péchés, Une Église/cat-holique. 

      De sorte qu’au chapitre de son objet, la démarche de l’Augustana se résume à l’explication des articles, baptismal et ecclésial, du Symbole de Nicée-Constantinople. Car, le sola fide, le salut par la Foi seule, sujet principal de ce formulaire, a pour intention d’exposer la possibilité d’une synthèse entre l’unicité du baptême et la permanence multiforme du péché, en analysant le caractère programmatique de l’ablution initiatique, comme un cheminement existentiel marqué au coin du salut par la foi SEULE en Jésus-Christ, signifiée par l’invocation trinitaire baptismale UNIQUE, selon une démarche de repentance, symbolisée par le geste lustral d’immersion/émersion. Ainsi, l’Évangile seul, foi et promesse, est-il le moyen terme autorisant l’unification de la problématique baptismale, d’après Jn.3/16, entre autres: QUICONQUE croit.  

      Ensuite, en ce qui a trait à la question ecclésiale, la conformité à la Tradition du Juxta Scriptura permet-elle de comprendre comment l’Église peut être Une et cat-holique, multiple, puisque toutes et chacune de ses incarnations sont unies par le même principe, approfondi, du Juxta Scriptura, qui implique Écritures et Credo, conformément à l’indication péremptoire de l’incise pascale du Symbole, «  selon les Écritures », qui, parce qu’assise de la Foi, en vertu de I Cor.15, entraîne tout développement du dogme à une exacte soumission à ce principe. Or, c’est justement la revendication des deux transitions et de la conclusion de l’Augustana. Ce qui, loin de la situer en un Sola Scriptura gnostique, aux frontières canoniques incertaines, l’incorpore, au contraire, au sein de la continuité catholique à laquelle elle n’a jamais, malgré les calomnies, fait défaut. 

      C’est pourquoi, tant en ce qui concerne son objet que sa méthode, la Confession d’Augsbourg peut se prévaloir d’une incontestable catholicité, non seulement en vertu de la démarche herméneutique, irrémédiablement officialisée par le Concile de Chalcédoine, d’autant qu’il n’est pas question, en elle, d’un inopportun filioque, mais encore en ce qu’elle rencontre les critères de permanence et de progrès du dogme, sous le signe de l’approfondissement, indiqués par le Commonitorium d’un saint Vincent de Lérins, conformément à la prescription de la péricope du sage avisé, exposée en Matt.13/52.

 

Commentaires

Anonyme a dit…
Le Concile oecuménique de Chalcédoine est l'unique antidote contre le gnosticisme du libéralisme théologique. Car, il a fourni à l'Église la formulation réglementaire de l'Évangile scripturaire, au moyen du Symbole de Nicée-Constantinople. En outre, il lui a octroyé la méthode herméneutique, orientant la tâche de toute théologie future, convenant aux souhaits des ss. Vincent de Lérins, Augustin et Anselme: la résolution rationnelle de la problématique de l'un et du multiple, comportée par le Credo, selon les Écritures.
Anonyme a dit…
Merci pour cet article qui replace le témoignage évangélique du XVIieme siècle dans sa juste perspective, et nous arrache aux productions "confessionnelles" désordonnées. Hélas, cette vision claire et cohérente de la symbolique heurte trop d'intérêts et de sectes pour rencontrer l'approbation qui s'impose, pourtant.
Domus a dit…
Il est toujours navrant de constater qu’après plus de 490 ans d’existence la Confession d’Augsbourg a toujours et encore besoin qu’on la défende ! Serait-ce son lot d’être incomprise ?
Il est vrai que ses adversaires ne désarment pas : mépris, ignorance ou tout simplement indifférence…
C’est dire si ce remarquable article qui fait la démonstration de sa parfaite catholicité est le bienvenu !
Anonyme a dit…
Non seulement la Confession d'Augsbourg est catholique mais elle est l'unique précision catholique OFFICIELLE du dogme, depuis l'époque des grands conciles se clôturant au VIIe siècle. Les "Réformateurs" auraient dû étreindre, détirer-"stresser"-la Tradition de plus près, répudier l'adjonction du "filioque" au Credo-sans pour autant nier la procession "ab utroque", énoncée en un contexte strictement théorique-et questionner le schisme romain de 1054. Luther s'est rapproché de cette attitude dans son livre " De la papauté de Rome", sans, hélas, prendre toute la mesure de cette approche. Car, les notions de "Sola Scriptura" et de "Sola Fide", posés comme principes herméneutiques, sont des axiomes gnostiques, responsables de la démultiplication confessionnelle qui afflige la Chrétienté.
Anonyme a dit…
Pour rattacher cette juste perspective canonique à la vie liturgique :
Le Symbole embrasse certainement toute la foi, à partir de la structure TRINITAIRE des paroles baptismales (Matthieu 29. 19). Cela ne faisait-il d'ailleurs pas écrire à St Athanase que le Seigneur, envoyant ses disciples baptiser les nations, avait planté son Église en la Sainte Trinité ? (Lettres à Sérapion, III, 6).
Les précisions conciliaires subséquentes visent plus particulièrement le mystère de l'INCARNATION, mis en exergue par les paroles du deuxième sacrement de l'initiation chrétienne : l'eucharistie (Matthieu 26.26, etc.). Cela ne faisait-il pas écrire à St Hilaire de Poitiers, que si le Christ a vraiment assumé la chair (...) nous mangeons la chair de son corps dans le Sacrement et par là, nous sommes un ?... (De la Trinité VIII. 6).
La Confession d'Augsbourg, récapitulant les articles de la vraie religion chrétienne, célèbre à son tour la façon dont la participation à tout Sacrement est Salutaire, à savoir par la foi en la Parole de l'Evangile, ainsi que l'écrivait st Augustin :
"D"où vient à l'eau cette vertu si grande ?(...) Uniquement de la Parole, non pas tant parce qu'on la prononce, mais parce qu'on y croit" ((Traités sur st Jean, LXXX. 3).
Et, de même :
"Pourquoi prépares-tu dents et ventre? Crois, et tu as mangé."
(Item, XXV,10 et 12).
Anonyme a dit…
De plus, comme cela a été noté sur ce même blog (dans la série de réflexions sur une communion orthodoxe), non seulement les conciles œcuméniques explorent les nœuds du Credo, mais ils le font aussi à l'occasion de remises en questions par des personnages dont l'importance ne permet pas le silence.
D’Éphèse à Augsbourg, c'est une guerre des patriarcats et de tout l'épiscopat (comme le note encore la conclusion de la célèbre Confession) :
Nestorius patriarche de Constantinople, Dioscore, patriarche d'Alexandrie, la pentarchie dans son entier face à Maxime le Confesseur, et enfin la papauté de Rome, autant de figures de l’Église ancienne qui ont osé éructer contre la foi catholique, et ont nécessité une réponse aussi solennelle qu'œcuménique...
Car, à mon avis, il n'est pas raisonnable de monter en épingle des minables, comme d'aucuns ont cherché à le faire avec Servet, allant jusqu'à relater ses folies dans des confessions pour donner l'impression de sauver la foi en le réfutant.
Anonyme a dit…
Tout cela (exploration de l'ensemble des nœuds du Symbole par des luttes face à des autorités dévoyées) signifie que la Confession d'Augsbourg, dont la réception générale est attestée par la Concorde de 1536, a très vraisemblablement été le dernier épisode de ces conciles œcuméniques. On se souvient en effet que le denier article de la Confession se terminait par un redoutable avertissement (*), avertissement dont l’épiscopat n'a tenu aucun compte, de sorte à n'être plus rien - sauf peut-être aux yeux des chamans avec lesquels il élève désormais ses incantations superstitieuses...
________

(*) Maintenant nous n'entreprendront pas de dépouiller les évêques de leur autorité ; nous nous contenterons de demander et de supplier qu'ils ne contraignent plus les consciences à pécher. S'ils refusent, s'ils méprisent notre prière : qu'ils réfléchissent bien qu'ils devront en rendre compte à Dieu, puisque par leur obstination ils causeront la division et le schisme, alors qu'il serait de leur devoir d'aider à le prévenir.
Anonyme a dit…
Concernant le filioque, Rome fait valoir (catéchisme de 1994), que :
"§ 247. L’affirmation du filioque ne figurait pas dans le symbole confessé en 381 à Constantinople. Mais sur la base d’une ancienne tradition latine et alexandrine, le Pape S. Léon l’avait déjà confessée dogmatiquement en 447 (cf. DS 284) avant même que Rome ne connût et ne reçût, en 451, au Concile de Chalcédoine, le symbole de 381 (...)". Néanmoins, si l’Église ancienne avait reconnu à Rome le droit de définir unilatéralement des dogmes, comment expliquer que Chalcédoine n'ait pas amendé le texte de Constantinople, au moment où il le consacrait ?
Anonyme a dit…
La méthode chalcédonienne, après avoir été suivie aux VIe et VIIe siècles, fut ignorée entre Nicée II (787) et Augsbourg (1530). De sorte que, toute la production officielle de cet intervalle est, dogmatiquement, nulle et non avenue, d'autant que tous les conciles de cette période se sont tous, peu ou prou, anathématisés, avec ou sans schisme...

C'est pourquoi, la Confession d'Augsbourg est la dernière production officielle de l'Église qui compte doctrinalement jusqu'à ce jour, ainsi qu'en a eu conscience le bref épisode de la Concorde de Wittenberg, de 1536.

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