Evangile de la prospérité (3/5)
Le pouvoir de Dieu ne s'arrête pas à la morgue.
(Marc 16. 18).
L'évangile de prospérité affirme qu'un chrétien en bonne santé spirituelle n'est pas censé traverser certaines épreuves comme la pauvreté ou la maladie. Charismatiques, ils affirment non seulement chasser le "péché de pauvreté" (sic) mais aussi pouvoir guérir (par une "parole de foi") quiconque souffrirait en sa chair. Quant à ceux qui restent malades malgré leurs bons soins, on les taxe d'incrédulité, de dureté de cœur, etc.
Inutile de dire quels effets une telle "théologie" peut avoir sur des âmes déjà durement éprouvées dans leur chair !
Certes, il est trop évident que la richesse de l'âme ne se mesure pas à l'aune du porte monnaie (Apocalypse 2. 9) ; mais qu'en est-il de la santé ? Une partie de nous aimerait penser ici comme les amis de Job ; mais, l'Écriture démontre que même des vrais croyants peuvent subir la maladie (2 Rois 20. 1 ; Jean 11. 1, ss ; Galates 4. 13-14; Philippiens 2. 27, etc.). Ainsi, Dorcas, dont la bonne santé spirituelle est attestée dans et par l'Écriture, tomba malade et mourut (Actes 9. 36-37). Les prospéristes diront peut-être que c'était afin de mieux ressusciter (v. 38-43). Je réponds que :
1° Dorcas est tombée malade quand même, et que l'Écriture ne présente pas cela comme une anomalie exceptionnellement provoquée pour mettre en scène une résurrection.
2° Ainsi, personne autour de Dorcas ne semble avoir été étonné de ce qu'une telle chose puisse arriver ; personne autour d'elle n'a pu la guérir par une "parole de foi", et personne n'a été étonné non plus de cette impuissance. Enfin, personne dans son entourage n'a été blâmé pour n'avoir pas su faire un tel miracle.
3° Pierre a ressuscité Dorcas, sans lui demander instamment si elle l'en croyait capable.
Le premier point nous rappelle qu'en ce monde, les saints peuvent subir la maladie et être dirigés vers les soins de la médecine de leur époque (1 Timothée 5. 23 [*] ; 2 Timothée 4. 20) .
Le deuxième point nous rappelle que tous n'ont pas reçu le don de faire des miracles (2 Corinthiens 12. 30). A ce titre, au jugement dernier, il sera dit :"j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger" - car il est habituellement en notre pouvoir de nourrir un malheureux ; en revanche, il sera simplement dit : "j'étais malade, et vous m'avez visité", car si quelques-uns ont le don des miracles, le seul pouvoir commun à tous les chrétiens reste celui de la charité par laquelle ils se visitent et se soutiennent dans les épreuves (Matthieu 25. 35-36).
Le troisième point démontre que les prospéristes, qui accablent des malheureux pour leur manque de foi, font preuve d'immaturité et d'hypocrisie.
D'immaturité, parce que si l'évangélisation devait consister à éradiquer toute misère et faire du chrétien un croisement improbable entre Highlander et L'oncle Picsou (sans oublier Harry Potter...), la conclusion serait qu'un vrai chrétien peut tout au plus (et très exceptionnellement) connaître une dormition de quelques jours (Dorcas, Lazare, les deux témoins de l'Apocalypse...), mais qu'il ne peut pas décéder pour connaître la corruption dans une tombe (cf. Hébreux 11. 5, etc.).
De l'hypocrisie, parce que quand un ministre échoue à accomplir un miracle pour lequel il a été mandaté, il ne peut pas en rejeter simplement la faute sur ceux qui sollicitent son intervention (Matthieu 17. 19-20).
Si donc les prospéristes sont comme les apôtres, qu'ils n'hésitent pas à employer leurs pouvoirs aussi à la morgue. Du reste, s'ils veulent blâmer des malades pour leur non-guérison, qu'ils se blâment eux-mêmes, aussi sévèrement et publiquement qu'ils en ont l'habitude. Or il est évident qu'une telle démarche serait sans doute émouvante de sincérité, mais bien peu rentable pour une méga-church. On comprend que les prospéristes s'en gardent, intéressés qu'ils sont à sauver leur sordide prospérité...
A suivre...
Bucerian.
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[*] Jean Chrysostome, dans ses Homélies sur 1 Timothée (Homélie 16), écrit à propos de ce passage :
"Et
comment, dira-t-on, n'a-t-il pas fortifié l'estomac de son disciple, lui dont les
vêtements ressuscitaient les morts ? Car il est clair qu'il le pouvait. Pourquoi donc ne
l'a-t-il pas fait ? Afin que si nous voyons aujourd'hui de grands hommes, des hommes
vertueux affligés de maladies, nous n'en soyons pas
scandalisés, car c'est pour leur avantage qu'il en arrive ainsi. (...) Il le laisse donc soumis aux lois de la médecine, afin qu'il modère aussi ses
pensées et que les autres ne soient pas scandalisés, mais qu'ils apprennent que Paul et
Timothée étaient de notre nature, eux qui ont fait de tels progrès dans la vertu".
Commentaires
Il est vrai pourtant qu'on à peine à rester sérieux lorsqu'on entend les injonctions passionnées de Kenneth Copeland...