Prosélytisme vs témoignage passif : l'alternative faussée du pape François

J'ai dénoncé, dans de récents articles, l'ambition papale de créer un monde de paix et de sécurité au moyen du dialogue entre les religions. Je n'ignore pas que d'autres avant moi ont soulevé la question de l'incompatibilité entre cette entreprise et celle de l'évangélisation, source de tensions; et que le pape François a alors eu l'occasion de développer son propos à ce sujet...
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Plusieurs choses doivent être objectées à cette vision des choses:

1) François oppose astucieusement l'évangélisation, qu'il assimile à la notion de "témoignage", au prosélytisme. Or le terme de "témoignage" est très riche: on peut en effet témoigner de bien des façons, notamment par son comportement (une vie pieuse et confiante, paisible et charitable). La Bible nous dit d'être des témoins du Christ, donc il faut l'être aussi dans nos vies, par les fruits que nous portons. Mais la Bible emploie aussi des termes moins ambigus pour nous parler de l'évangélisation: tout comme Jean le Baptiste, Jésus prêchait (κηρύσσειν) la repentance et la rémission des péchés par son Nom (Matthieu 4. 17); après sa résurrection, le Christ a envoyé ses disciples proclamer (κηρύξατε) la bonne nouvelle à toute la création (Marc 16. 15). Clairement, il ne s'agit pas simplement ici de vivre pieusement dans son coin en attendant qu'un païen prenne l'initiative de la parole pour demander quel est le fondement d'une vie si pieuse; le Christ envoie au contraire son peuple déclarer un message au monde, de lui dire de croire et se repentir. Dans le livre des Actes, évoqué par le pape François, la première chose qui se produit lorsque l'Esprit descend sur les disciples, c'est qu'ils parlent pour annoncer les merveilles de Dieu dans toutes les langues (Actes des Apôtres, chapitre 2)!
François ou tout autre homme peut considérer ce mandat et cette activité avec dédain, les dénigrer comme n'étant que du "prosélytisme", et imaginer pouvoir nous prodiguer une plus haute sagesse: celle du dialogue interreligieux. Mais le fait restera le même: nulle part Jésus n'a envoyé son Église établir un "village mondial" fondé sur le dialogue et la coopération entre les religions. Au contraire, il envoie son Église pour faire disciples les nations (Matthieu 28. 19), et cela par la Parole qui doit être prêchée ou parlée autant que vécue (Romains 10. 14).
Cela implique aussi de dire aux païens qu'ils ont des dieux dont les yeux ne voient point, dont les bouches ne parlent point, dont les oreilles n'entendent point et qui sont incapables de sauver ou de délivrer de la mort, car il n'y a pas d'autre nom qui ait été donné sous le ciel par lequel nous devions être sauvés, que celui de Jésus-Christ (cf. Psaume 115 / Actes 4. 11). 
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2) Comme il le reconnaît dans sa conférence, le fondement doctrinal du pape François ne consiste pas en la Parole du Christ mais en celle de François d'Assises: "Prêchez l'Évangile et, si nécessaire, utilisez des mots". Je ne suis pas un grand connaisseur de François d'Assises; je dois avouer que j'ignore donc si cette phrase est une hyperbole injustement tirée de son contexte, s'il s'agit d'une sottise impie dite dans un moment d'égarement ou s'il s'agit véritablement du centre de sa pensée - ce qui en ferait une véritable racine de l'idéologie de l'actuel pape de Rome.
C'est sans doute le lieu de rappeler que les chrétiens que nous sommes ont autorité bien différente de celle du pape; il s'agit de l'autorité de la Parole de Dieu, l'Écriture canonique, seule règle infaillible de notre foi. Nous voyons, en de telles circonstances, l'utilité du principe protestant de la sola Scriptura, de l'Écriture seule!
J'imagine néanmoins que certains verront dans la parole de François d'Assise une similitude avec ce que dit l'apôtre Pierre, dans sa première lettre, au début de son troisième chapitre:
Femmes, soyez de mêmes soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n'obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leurs femmes. 
Or il convient de noter ici que Pierre parle de maris qui sont rebelles à la Parole; ce sont des désobéissants (ἀπειθοῦσιν): ce terme ne désigne pas tant des gens qui ignorent l'existence de l'Évangile et qui ne peuvent donc pas y croire, que ceux qui, connaissant l’Évangile, y restent incrédules. Pierre nous dit qu'ils désobéissent, ou qu'ils restent incrédules à la Parole
Or, pour refuser de croire en la Parole, encore faut-il l'avoir entendue, n'est-ce pas?
Loin d'établir la règle d'évangéliser sans dire un mot, ce passage des Écritures canoniques confirme donc que la Parole est d'abord annoncée à tous, mais que certains rebelles n'y seront finalement gagnés que par le moyen (entre autres, car il reste la prière, etc.) du comportement (ici, celui des épouses) venant les convaincre du caractère de cette Parole. Ils seront gagnés à la Parole sans davantage de paroles, et non pas: ils ne seront gagnés à aucune Parole.


Conclusion:

François tente d'amalgamer "proclamation de l'Évangile" et "prosélytisme" (au sens péjoratif du terme). Pourtant, si cette dernière démarche est réprouvée par le Seigneur (Matthieu 23) la première est ordonnée par Lui (Matthieu 28)! A tel point que même lorsque certains annonçaient la Parole avec de mauvais motifs, l'apôtre s'en réjouissait finalement malgré tout: en définitive, la Parole n'était-elle pas prêchée (Philippiens 1. 14-18)? Nous sommes loin ici de la mentalité de ceux qui stigmatisent la proclamation de l’Évangile, quand bien même elle aurait les motivations les plus pures...


Bucerian

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