L'autorité temporelle
Question d'un lecteur :
La Bible commande d'être soumis aux autorités. Mais comment reconnaître l'autorité légitime ? Et quand cette autorité trahit sa mission, quels sont les moyens de résistance du chrétien?
Éléments de réponse :
On s'est effectivement demandé, depuis l'antiquité, ce qui distinguait un royaume dûment établi d'un vulgaire équipage de pirates. Certains ont suggéré que le respect de la justice et du bien commun distinguaient le roi d'un vulgaire capitaine de forbans. Dès lors, quand le roi se mettait à agir comme un brigand, il devenait soi-disant licite de lui résister, voire par les armes.
A l'appui de telles idées, on a fait remarquer que les Écritures saintes commandent aux fidèles d'être soumis aux autorités publiques, d'autant que celles-ci sont établies pour le bien (Romains 13). De là, si l'autorité ne remplissait pas sa mission (exemple : un État totalitaire qui persécute les justes) il devenait légitime de s'opposer à elle et de lui résister par la force.
Pourtant, nous savons que l'empire romain n'était pas un exemple de justice et de respect de la personne (notamment des apôtres, massacrés sous Néron). Les chrétiens ont semblablement pu faire l'expérience de l'ire des empereurs décidés à se faire adorer comme des dieux, sous peine de mort. Or, contrairement à l'exemple profane laissé par un Spartacus, ni les apôtres ni l’Église n'ont jamais prêché ou théorisé la résistance par les armes (ni la délégitimation de l’État).
Il apparaît ainsi que l'existence d'un ordre étatique est un bien en soi (comme l'était l'empire de Néron), du fait qu'il écarte le pire des fléaux : la guerre civile. Sans doute un tel ordre impliquera de facto un minimum de respect de la justice (sans quoi l’État s'effondrerait immédiatement), mais il ne semble pas légitime pour quelqu'un de décréter que ce minimum n'est pas satisfait (pour légitimer une révolte, par exemple) du fait de telle ou telle faute, même grave.
Quel est donc le critère pour reconnaître l'autorité légitime et la distinguer d'avec une simple mafia ?
Il semble tout simplement que l'autorité légitime se distingue par le fait qu'elle émet la monnaie (Luc 20. 22-26) tandis que la mafia ne fait que la convoiter et l'utiliser.
Que faire, donc, si une telle autorité abuse de son pouvoir, et exige (comme le faisaient les empereurs de Rome) une juridiction sur les âmes et les consciences en plus de celle exercée sur les corps et les biens ?
La fidélité au Christ requiert sans doute que l'âme chrétienne résiste ; mais cette résistance ne peut être qu'une objection de conscience, menée dans la prière et conduisant potentiellement au martyre (Actes 5. 29) - et non une résistance violente nécessitant d'usurper le glaive temporel, monopole de l'autorité légitime (cf. Matthieu 26. 52).
La fidélité au Christ requiert sans doute que l'âme chrétienne résiste ; mais cette résistance ne peut être qu'une objection de conscience, menée dans la prière et conduisant potentiellement au martyre (Actes 5. 29) - et non une résistance violente nécessitant d'usurper le glaive temporel, monopole de l'autorité légitime (cf. Matthieu 26. 52).
Bucerian
Commentaires
La monnaie implique l’échange, donc la liberté d’appropriation des biens. Si cette liberté n’est pas limitée que par celle d’autrui, alors la pertinence de la monnaie devient nulle. Car, la notion d’échange implique la vente et l’achat, dont la monnaie est la mesure. Or, pour éviter le vol, cet échange doit être libre. De sorte que, la liberté est le bien ultime de la cité, dont l’ordre n’est que le respect. Ainsi, toute contrainte qui viole la liberté n’est plus force mais violence, ni l'État, autorité mais maffia de gangsters.