Sola Fide.

Nous trouvons, dans les Mémoires de Luther (traduites par Jules Michelet) le compte rendu d'une discussion entre le réformateur de Wittenberg et son collaborateur, Philippe Mélanchthon.
 
En date de l'an 1536, cet échange édifiant nous rappelle combien précieuse est la saine doctrine de l'Evangile et combien il nous faut toujours rester en garde et veiller pour ne pas en être tentés et/ou éloignés, dans notre faiblesse, par les raisonnements et les discours séduisants des hommes.


MELANCHTHON trouve probable  l'opinion de saint Augustin, qui soutient "que nous sommes justifiés par la foi, par la rénovation" et qui, sous le mot de rénovation, comprend tous les dons et les vertus que nous tenons de Dieu (Mélanchthon fait remarquer que saint Augustin n'exprime pas cette opinion dans ses écrits de controverse).
"Quelle est votre opinion?" demanda-t-il à Luther. "Tenez-vous, avec saint Augustin, que les hommes sont justifiés par la rénovation, ou bien par imputation divine?"  -- LUTHER répond.  "Par pure miséricorde de Dieu". -- MELANCHTHON propose de dire que l'homme est justifié principaliter par la foi, et minus principaliter par les œuvres, de sorte que la foi rachète l'imperfection de celles-ci. -- LUTHER. "La miséricorde de Dieu est seule la vraie justification.  La justification par les œuvres n'est qu'extérieure; elle ne peut nous délivrer ni du péché, ni de la mort." -- MELANCHTHON. "Je vous demande ce qui justifie saint Paul et le rend agréable à Dieu, après sa régénération par l'eau et l'esprit." -- LUTHER. "C'est uniquement cette régénération même. Il est devenu juste et agréable à Dieu par la foi, et par la foi il reste tel à jamais." MELANCHTHON. "Est-il justifié par la seule miséricorde, ou bien l'est-il principalement par la miséricorde et moins principalement par ses vertus et ses œuvres?" -- LUTHER. Non pas. Ses vertus et ses œuvres ne sont bonnes et pures que parce qu'elles sont de saint Paul, c'est-à-dire d'un juste. Une œuvre plaît ou déplaît, est bonne ou mauvaise, à cause de la personne qui la fait." -- MELANCHTHON. "Mais vous enseignez vous-même que les bonnes œuvres sont nécessaires, et saint Paul qui croit, et qui en même temps fait les œuvres, est agréable à Dieu pour cela. S'il faisait autrement, il lui déplairait. -- LUTHER. "Les œuvres sont nécessaires, il est vrai, mais c'est par une nécessité sans contrainte, et tout autre que celle de la Loi. Il faut que le soleil luise, c'est une nécessité également; cependant, ce n'est pas par suite d'une loi qu'il luit, mais bien par nature, par une qualité inhérente et qui ne peut être changée: il est créé pour luire. De même le juste, après la régénération, fait les œuvres, non pour obéir à quelque loi ou contrainte,  car il ne lui est pas donné de loi, mais par une nécessité immuable.   Ce que vous dites de saint Paul, qui, sans les œuvres, ne plairait pas à Dieu, est obscur et inexact, car il est impossible qu'un croyant, c'est-à-dire un juste, ne fasse ce qui est bien". -- MELANCHTHON. "Sadolet nous accuse de nous contredire en enseignant que la foi seule justifie, et en admettant néanmoins que les œuvres sont nécessaires. -- LUTHER. "C'est que les faux-frères et les hypocrites, faisant semblant de croire, on leur demande les œuvres pour confondre leur fourberie..." -- MELANCHTHON. Vous dites que saint Paul est justifié par la seule miséricorde de Dieu. A cela, je réplique que si l'obéissance ne venait s'ajouter à la miséricorde divine, il ne serait point sauvé, conformément à la parole (I Cor. IX.): "Malheur à moi, si je ne prêchais pas l'Evangile!" . -- LUTHER: "Il n'est besoin de rien ajouter à la foi; si elle est véritable, elle est à elle seule efficace toujours et en tous points. Ce que les œuvres valent, elles ne le valent que par la puissance et la gloire de la foi, qui est, comme le soleil, resplendissante et rayonnante par nécessité de nature. " -- MELANCHTHON. Dans saint Augustin, les œuvres sont incluses dans ces mots: Sola fide. -- LUTHER. "Quoi qu'il en soit, saint Augustin fait assez savoir qu'il est des nôtres, quand il dit: "Je suis effrayé, il est vrai, mais je ne désespère pas, car je me souviens des plaies du Seigneur." Et ailleurs dans ses Confession: "Malheur aux hommes, quelque bonne et louable que leur vie puisse être, s'ils ne sollicitent la miséricorde de Dieu...". -- MELANCHTHON. "Est-elle vraie cette parole: 'La justice est nécessaire au salut'? -- LUTHER. Non pas dans ce sens que les œuvres produisent le salut, mais qu'elles sont les compagnes inséparables de la foi qui justifie. C'est tout de même qu'il faudra que je sois là en personne, lorsque je serai sauvé."
"J'en serai aussi", dit l'autre qu'on menait pour être pendu, et qui voyait les gens courir à toute jambe vers le gibet... La foi qui nous est donnée de Dieu régénère l'homme incessamment et lui fait faire des œuvres nouvelles, mais ce ne sont pas les œuvres nouvelles qui font que l'homme est régénéré... Les œuvres n'ont pas de justice par elles-mêmes aux yeux de Dieu, quoiqu'elles ornent et glorifient accidentellement l'homme qui les fait... En somme, les croyants sont une création nouvelle, un arbre nouveau. Toutes ces manières de dire usitées dans la Loi, telles que: 'Le croyant doit faire de bonnes œuvres', ne nous conviennent donc plus. On ne dit pas: 'le soleil doit luire, un bon arbre doit porter de bons fruits, trois et sept doivent faire dix. Le soleil luit par sa nature, sans qu'on le lui commande; le bon arbre porte de même ses bons fruits; trois et sept ont de tous temps fait dix; il n'est pas besoin de le commander pour l'avenir."


Bucerian

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