Convient-il à Dieu de se faire homme?
St Augustin (Sermon 124: 3-4) répond à ceux qui s'offusquent de l'humilité de Dieu, et qui ne font ainsi que manifester leur orgueil:
Quoi! dit-on, je pourrais voir un Dieu dans la chair, un Dieu né d'une femme, un Dieu crucifié, flagellé, mort, déchiré et enseveli? Loin de moi d'avoir de telles idées sur bien! Elles sont indignes.
— Assez d'opiniâtreté, fais parler ton cœur. Le superbe regarde l'humilité comme indigne de Dieu; c'est ce qui éloigne la guérison de ces malheureux. Ah! ne t'élève point; si tu veux guérir, descends. Ta religion devrait s'effrayer si nous disions que le Christ incarné est devenu muable. Mais la Vérité même te crie que, considéré comme Verbe, le Christ est immuable. « Au commencement, est-il dit, était le Verbe, et le Verbe était en Dieu ; » ce n'était pas la parole qui fait du bruit et qui passe, car « le Verbe était Dieu. » Ainsi ton Dieu demeure immuable. O piété sincère! ton Dieu te reste; ne crains rien, il ne périt pas, il ne te laissera pas périr non plus, il te reste. Il naît d'une femme, mais comme homme, car comme Verbe il a créé sa propre mère : lui qui était avant de naître a donné l’être à celle de qui il a reçu la vie. Il a été enfant, mais selon la chair. Il a pris le sein et il a grandi, il s'est nourri d'aliments solides et a parcouru tous les âges jusqu'à celui d'homme fait; mais selon la chair. Il s'est fatigué et endormi, mais selon la chair. Il a souffert de la faim et de la soif, mais selon la chair. Il a été saisi, garrotté, flagellé, couvert d'outrages, enfin attaché à la croix et mis à mort, mais selon la chair. Que crains-tu? « Le Verbe de Dieu demeure éternellement. » Repousser cette humilité d'un Dieu, c'est ne vouloir pas guérir de l’enflure mortelle de l'orgueil.
4. C'est ainsi que dans sa chair Jésus-Christ Notre-Seigneur a rendu l'espérance à la nôtre. Il s'est assujetti à ce que nous connaissions, à ce qui était commun sur cette terre, à naître et à mourir, car la naissance et la mort y étaient le partage de tous. Mais on ne rencontrait ici ni la résurrection ni l'éternelle vie. En échange donc de choses viles et terrestres, il a apporté des richesses précieuses et célestes; et si tu redoutes sa mort, aime sa résurrection. Dans ta détresse il est venu à ton secours; car ton salut était sans appui. Attachons-nous donc, mes frères, et appliquons-nous à ce salut que le monde ne saurait donner et qui est éternel; vivons ici comme des étrangers: Songeons que nous ne faisons qu'y passer, et nous pécherons moins. Au lieu de nous plaindre rendons plutôt grâces au Seigneur notre Dieu, de ce qu'il a voulu que le dernier jour de la vie fût à la fois rapproché et incertain. Qu'importait à Adam d'avoir vécu jusqu'ici, s'il était mort aujourd'hui? Peut-on appeler long ce qui finit? Nul ne peut rappeler le jour d'hier, et demain pèse sur aujourd'hui afin de le faire disparaître. Puisque nous sommés ici pour si peu de temps, appliquons-nous à bien vivre, afin d'arriver au lieu d'où nous ne sortirons plus. Maintenant même, pendant que nous parlons, nous marchons. Les paroles se précipitent et les heures s'envolent : ainsi en est il de toute notre vie, de tous nos actes, de nos honneurs, de nos adversités et de nos prospérités présentes. Tout passe; mais ne craignons pas : « Le Verbe de Dieu demeure éternellement. » Tournons-nous vers le Seigneur etc.
Bucerian
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