Marine Le Pen et le cardinal de Richelieu
Qui, plus que Philippe le Bel, mérite d'être considéré comme la figure par excellence de la souveraineté de la France?
Chercherait-on un champion qui fut chef de l’État, on le trouverait en la personne de ce roi.
Chercherait-on quelqu'un qui sut s'opposer aux prétentions d'un théocrate agitant les âmes depuis l'étranger, on le trouverait dans ce remarquable chef, vainqueur de Benedetto Caetani.
Chercherait-on un héros qui brisa "un État dans l’État", on le trouverait dans ce pourfendeur de l'ordre du Temple.
Comment expliquer, alors, que Madame Marine Le Pen -- imitant l'attitude de l'entourage de sa nièce --, soit venue glorifier la personne du cardinal de Richelieu et suggérer un odieux parallèle entre protestants et islamistes [hier soir, sur TF1]?
En fait, la réponse est peut-être fort simple: historiquement, la souveraineté de la France s'est affirmée, non pas à partir du XVIIe siècle contre les protestants, mais dans la lutte (notamment de Philippe le Bel) contre les prétentions de l'empereur du Saint-Empire et celles de la papauté romaine.
Or il y a, dans l'arrière boutique de l'extrême droite, des gens si fanatiquement papistes et si sots qu'ils ne peuvent absolument pas voir la contradiction (pourtant flagrante) entre souverainisme et ultramontanisme. Loin s'en faut qu'ils souffrent qu'on la leur rappelle.
Pis encore: dans leur hystérie, ils s'imaginent que l'ultramontanisme est dans l'ADN de la France, au point que quiconque n'est pas soumis à Rome n'est pas français (!)
On comprendra qu'un candidat d'extrême droite, en perte de vitesse dans les sondages, se garde de contrarier le public d'hurluberlus dépeint ci-dessus...
Bucerian
Commentaires
Qu'elle y prenne donc garde, car c'est bien ce qu'elle a cherché à faire en sacrifiant la mémoire des saints au bon plaisir de quelques maurrassiens.
Du reste, je ne compte pas m'attarder beaucoup sur son triste cas, vu qu'elle ne sait même pas en quoi consiste la laïcité dont elle se fait la championne. Le mieux serait qu'elle retourne réviser ses notions de droit avant de se faire historienne...
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2016/08/26/25002-20160826ARTFIG00144-laicite-en-plus-du-voile-le-fn-veut-interdire-les-croix-et-les-kippas-en-public.php
Pour le reste, chacun est en droit de plaider la cause des oppresseurs et même des dragonnades, s'il lui plaît; mais les huguenots ne furent persécutés ni en raison du baron des Adrets, ni en raison de tel ou tel débordement isolé et encore moins en raison de la traite négrière; ils furent persécutés en raison de leur foi et furent victimes d'une volonté exterminatrice. C'est donc un relativisme moral symptomatique d'une époque dégénérée de vouloir renvoyer dos à dos l'oppressé et le tyran.
En ce qui a trait aux Rochelais, il semble qu'une foi incarnée par une imposant dispositif militaire relève davantage de la sociologie que de la théologie. Richelieu l'avait si bien compris qu'il s'empressa d'octroyer l'Édit de grâce d'Alès, après l'écrasement de la rébellion de la Rochelle, à la différence de l'infâme félon, Louis XIV, qui, véritable suppôt de Satan, révoca l'Édit de Nantes. Donc, la démarche de Richelieu fut avant tout politique, sans intentions théologiques avérées. Le révisionnisme historique n'est pas relativisme, tandis qu'il est à craindre que l'hagiographie n'émane du plus puéril manichéisme...
Pour ce qui est des anciens, il semble évident que le désarmement des protestants ne faisait avait pour conséquence de les livrer au bon vouloir des soudards absolutistes et absolument tridentins, c'est-à-dire à un esprit génocidaire, comme cela s'est vu avec la révocation de l'édit de Nantes (à moins que des experts autoproclamés ne décident qu'elle n'a jamais eu lieu).
En effet, même si Marine a été maladroite, une relecture de l'Histoire montre bien que c'est la raison d'État et non pas la religion qui motivait Richelieu. Car, s'il a voulu abaisser la puissance militaire du parti réformé, il s'est bien gardé de remettre en cause l'Édit de Nantes, alors qu'au même moment, il subventionnant les princes luthériens, en lutte contre l'Autriche catholique.
De sorte qu'on doit comprendre l'admiration de Marine, pour Richelieu, en raison de son sens de l'État et non pas en vertu d'un quelconque fanatisme, selon une compréhension très anachronique du passé...
Du reste, alors qu'un président de la république est censé réunir et arbitrer, elle se présente avec, en arrière plan, une scène de guerre civile (Richelieu devant le siège de La Rochelle) et tient des propos par lesquels elle s'assure de cliver au maximum.
Tout un programme...
Je ne souhaite pas aller au-delà et transformer ce billet en contribution à la campagne électorale de qui que ce soit.