CONCORDE DE WITTENBERG: 1536 - 2016

Les Réformateurs en communion de chaire et d'autel. Wittenberg, mai 1536. 


" Voici, oh! qu'il est agréable, qu'il est doux Pour des frères de demeurer ensemble!"
Psaume 133.1

Signée en mai 1536, la Concorde de Wittenberg est un document auquel a souscrit l'ensemble des Réformateurs - et des Églises de leur temps. Elle marque ainsi la réception générale de la Confession d'Augsbourg et témoigne de l'unité évangélique (1), non moins que ne le fit la formule d'union de 433, pour le concile d'Éphèse (2).

Le 480e anniversaire de cette Concorde est donc pour nous l'occasion de nous réjouir et d'adorer notre grand Dieu et Sauveur. A notre époque, troublée par tant de sectes et d'apostasie, ce précieux héritage apparaît en effet comme un don qui nous interpelle et nous encourage, autant qu'il nous engage.



I. La nature de notre unité


L'attitude des Réformateurs nous interpelle, d'abord, par le soin qu'ils ont manifesté - par la Grâce de Dieu - aux mises en garde scripturaires, contre l'esprit de sectes (1Corinthiens 1/ 10).

On sait combien ce point a préoccupé les pères, depuis les premiers temps de l’Église et nous ne pouvons nous résigner à mépriser ou abandonner leur regard, profond et exigeant, sur l'unité:

"Vous ne devez avoir avec votre évêque qu’une seule et même pensée… Votre vénérable presbyterium vraiment digne de Dieu est uni à l’évêque comme les cordes à la lyre et c’est ainsi que du parfait accord de vos sentiments et de l’harmonie de votre charité, s’élève un chant vers Jésus-Christ. Que chacun de vous entre dans ce chœur. Alors, dans l’harmonie de la concorde, vous prendrez par votre unité même le ton de Dieu, et vous chanterez tous d’une seule voix par Jésus-Christ, les louanges du Père qui vous entendra et, à vos bonnes œuvres, vous reconnaîtra pour les membres de son Fils. Il vous est bon de vous tenir dans une irréprochable unité : c’est par là que vous jouirez d’une constante unité avec Dieu lui-même."
(Ignace d'Antioche, Lettre aux Éphésiens: 4, 2) 

Parlant de l'unité des chrétiens, un prédicateur contemporain a dit qu'elle était un fait impossible à mettre en doute, sous peine de nier l’efficacité de la prière du Seigneur pour les siens (Jean 17). Ce prédicateur a ensuite indiqué en quelle manière consistait, selon lui, cette unité, disant que tel croyant pouvait rencontrer un inconnu (baptiste, mennonite ou autre) et découvrir, en parlant avec lui, qu'il s'agissait d'un vrai croyant. Et là, pour cet inconnu, l'amour du fidèle s'embraserait comme pour un frère, à tel point qu'il serait capable de donner sa vie pour lui! Voilà en quoi consistait, selon ce prédicateur, l'unité de l’Église.
Un tel enseignement contient, de toute évidence, de nombreuses parts de vérité. La plus importante étant que l'unité de l’Église chrétienne est un fait préalable à toute activité chrétienne. A ce titre, on ne peut que déplorer les attitudes consistant à chercher l'unification de chrétiens plutôt qu'à affirmer simplement leur unité dans la vérité.
De plus, il est vrai que l'unité des élus est un fait spirituel qui s'enracine dans la subjectivité de chacun. 
Néanmoins, nous voyons que les Réformateurs (et les pères avant eux!) avaient soin de ne pas réduire ou limiter l'unité évangélique à ce seul aspect et qu'ils avaient conscience de la nécessité, toute logique, de tenir ensemble un même discours, de confesser ensemble une même foi, par laquelle ils pourraient se reconnaître mutuellement et s'accueillir au Sacrement. En d'autres termes, pour eux comme pour nous, l'unité chrétienne doit aussi se décliner de façon objective.



II. Le fondement de notre unité


Les croyants doivent objectivement partager la foi qui est célébrée dans les Sacrements, et vécue dans la prière commune:
1) La foi au Dieu Trinité (selon l'invocation baptismale faite sur chacun: Matthieu 28/ 19).
2) La croyance à la création de toutes les choses, visibles comme invisibles (nature des sacrements: eau/pain/vin/ pour personnes: corps et âme).
3) Vraie humanité du Christ, conçu de l'Esprit saint et né de la Vierge (ceci est mon corps/mon sang...)
4) Mort rédemptrice du Christ, sous Ponce Pilate (donné/versé pour vous)
5) Résurrection corporelle du Christ comme prémices des hommes (immersion/émersion baptismale (Romains 6/3-14) Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père (Matthieu 26/ 29)).
6) Affirmation de l’Église (un seul pain, une seule coupe/ Notre Père...)
7) Rémission des péchés, comme finalité de tout cela (Jean 3/ 16), selon les termes de la prière (Pardonne-nous nos offenses...), des paroles sacramentelles (celui qui croira sera sauvé: Marc 16/ 16; ceci est mon corps donné pour vous, etc.)
Il serait évidemment absurde qu'une personne, dont l'esprit est manifestement fermé à cette vérité chrétienne, soit reçu dans le culte de l’Église chrétienne. Plus qu'absurde, même, cela serait scandaleux; car, ce n'est pas seulement la vérité sur Jésus qui est subjectivement présente dans L’Église - ou dans l'esprit de ses membres -, mais le Seigneur Jésus lui-même, vrai Dieu et vrai homme, Lui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie,  est objectivement présent, par l'opération indicible de son Esprit, afin de vivifier l’Église et soutenir chacun de ses membres (Matthieu 28/ 20). 
Voilà ce qui doit nous encourager dans la prière!

Sans doute ce mystère est-il célébré le plus solennellement dans l'eucharistie: non comme un mime palliant à l'absence d'un être cher, mais comme une expression véritable d'une présence vivifiante.
La manifestation sacramentelle de l’Église Une coïncide donc avec la manifestation, tout aussi sacramentelle, de la Présence du Sauveur (1Corinthiens 10/16-17).   

  
Cette double objectivité de notre union avec et dans le Christ Ressuscité - que l'eucharistie récapitule - est le trésor que la Concorde de Wittenberg réaffirme et dont elle témoigne.


Conclusion


Nous l'avons dit, l'unité la plus manifeste (qui n'est pas exclusive de la vérité la plus pure!) n'est pas pour nous un but à atteindre, mais un bien à conserver. Si nous n'avons aucune part à la prétention des architectes de l’œcuménisme, d'établir l'unité entre les chrétiens (le Seigneur assure celle-ci!) nous devons cependant lutter contre les entreprises charnelles de dissolution de cette unité.
Car ces pulsions, malheureusement, existent (1 Corinthiens 3/ 4)! Certes, nous croyons qu'elles n'auront pas raison de l’Église; pourtant, elles s'expriment avec beaucoup de force, au point que beaucoup ont même été tenté de nier, obscurcir et mépriser les témoignages de cette unité, de sorte à jeter et abandonner les chrétiens dans des luttes qui n'avaient pas lieu d'être.
On a dit, par exemple, que la Concorde dont nous célébrons aujourd'hui le 480e anniversaire, aurait été une astuce politique et charnelle, ou que certains signataires auraient été dupés et ne s'en seraient aperçu que plus tard...
C'est donc le lieu de soutenir que cette Concorde fut aussi réelle que durable (3), au point qu'il est de notre devoir, pour le bien de tous, d'en conserver la mémoire et de nous y tenir paisiblement.
   

Bucerian
 

(1) Pierre Chaunu (Le Temps des Réformes) estime que la Concorde a réuni 80/100 du protestantisme, soit l'ensemble des Églises.
(2) Formule entre st Cyrille d'Alexandrie et Jean d'Antioche, condamnant le nestorianisme et témoignant de la réconciliation des différentes écoles de l’Église ancienne, dans la foi défendue lors du 3e concile œcuménique.
(3Cela ressort, entre autres, des faits suivants - qu'il serait bien difficile de contester:
a) Un an après la signature de la Concorde, lors de l'assemblée de Smalkalde, l'enseignement des différents participants, signataires de la Concorde, fut examiné et donna pleine satisfaction à tous.
b) En 1540, les termes de la Concorde étaient tellement en vigueur qu'ils furent directement inclus dans la Confession d'Augsbourg (dite: Variata) et ce avec l'approbation de l'ensemble des docteurs (dont Luther) et des princes, pour servir aux discussions officielles avec les sectateurs romains.
c) Strasbourg et d'autres villes signataires furent membres de la Ligue de Smalkalde jusqu'à sa dissolution, en 1548 (soit deux ans après la mort de Luther!), chose qui aurait été impossible si la Concorde avait été dénoncée par l'une des parties.
d) Le souvenir de la Concorde est demeuré public, dans le Livre de Concorde des "Églises Luthériennes" (Solida Declaratio, 7).






Commentaires

Domus a dit…
Quelle bonne nouvelle serait d'apprendre qu'à l'occasion de la rédaction de la nouvelle Confession de foi de l'Eglise Protestante Unie de France ses auteurs auraient l'intention d'inclure dans un article une référence explicite à la Concorde de Wittenberg !
Se référer de cette façon à la Concorde afin de confesser la foi en l'Eglise Une serait démontrer que l'unité de l'Eglise réalisée dans le passé est renouvelable aujourd'hui pourvu que l'indéfectible soumission à la Parole de Dieu dont ont fait preuve les signataires de Wittenberg soit le ciment de l'unité reconnu par tous.

Ne serait-il pas temps de saisir cette occasion ?...
yves a dit…
Je crains malheureusement que les rédacteurs de l'EPUdF n'en soient bien trop loin, eux qui ont manifesté par leur synode de 2015 qu'il ne reconnaissaient plus - sans doute depuis longtemps déjà - l'autorité de la Parole de Dieu. Prenons garde aux apparences, pas plus que l'Eglise romaine ne saurait y prétendre, c'est bien abusivement que la dite "Eglise Protestante Unie" se veut "protestante" et "unie" comme telle, elle qui semble avoir tourné le dos à peu près à tous les articles de la Concorde de Wittenberg...

Reste qu'à l'inverse le texte de cette concorde pourrait plutôt être reprise comme point d'un nouveau rassemblement par tous ceux des protestants français qui ne peuvent plus se reconnaître dans cette EPUdF mais demeurent hélas complètement dispersés. Encore faudrait-il que ce point de rassemblement leur soit rendu visible par quelque manifestation publique dont je n'ai à ce jour pas eu l'écho.
Domus a dit…
En l'état actuel des choses, je ne pense pas non plus que l'Eglise Protestante Unie de France soit disposée à faire de la Concorde de Wittenberg le point d'ancrage de l'Unité du Protestantisme au point de vouloir l'inclure officiellement dans sa future Confession de foi dans un article dédié à ce sujet.
Cependant, Dieu nous dit dans sa Parole qu' «... Il n'éteindra pas la mèche qui brûle encore... » (Esaïe 42.3, Matthieu 12.20). En vertu de quoi, il m'a semblé que l'occasion d'un rapprochement entre Concorde de Wittenberg et EPUdF à propos de l'unité protestante pouvait être saisie par de petites mèches qui brûleraient encore au sein de l'EPUdF. Y en a-t-il ? Seul Dieu le sait. Disons seulement que le synode de Sète de 2015 nous a plutôt donné l'impression d'une marche forcée tous feux éteints.

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