L'Ecriture seule, toujours professée





Les théologiens catholiques romains affirment souvent que le sola scritpura (l'Ecriture seule) est une invention des Réformateurs inconnue avant eux.
Cet article serait source d'individualisme (= moi seul avec ma Bible) et donc de schismes.

Mais il convient d'expliquer ici ce que veut dire au juste "l'Ecriture seule". Car l'autorité dans l'Eglise doit se comprendre de deux manières distinctes: il y a l'autorité objective et l'autorité directive.

L'autorité objective, c'est ce que l'autorité directive aura à interpréter et ce sur quoi elle fondera ses affirmations, ses dogmes (= le "matériel doctrinal", en quelques sortes).
L'autorité directive, c'est ''l'instance'' qui sera chargée d'interpréter les données de l'autorité objective, et d'en tirer l'enseignement.

Ainsi, pour le catholicisme romain, l'autorité objective (= la source d'où l'on tire et sur laquelle on fonde les articles de foi) c'est l'Ecriture et la tradition, les deux formant "un tout inséparable".
Toujours pour le catholicisme, l'autorité directive (= ce qui a compétence pour interpréter les données de l'autorité objective) c'est ordinairement le Magistère et, extraordinairement, le Pape.

Or il ressort des Confessions Protestantes que le Sola Scriptura (= l'Ecriture seule) concerne simplement l'autorité objective (ce qui est interprété et qui sert de fondement aux affirmations de l'autorité directive).
Et si l'on dit que l'Ecriture s'interprète toute seule (= Scriptura sacra sui ipsius interprès), c'est en ce sens seulement que l'autorité directive ne peut pas invoquer une insuffisance ou une obscurité insurmontable de l'Ecriture pour lui adjoindre d'autres normes ayant le caractère de d'autorité objective.

Maintenant, si les protestants avaient admit avec Rome (et Constantinople) que l'autorité objective consiste également en la Bible et la tradition, en quoi serait-il advenu moins de schismes et d'individualisme?
En rien. D'ailleurs, le schisme existe chez eux aussi: Rome et Byzance sont séparés depuis 1000 ans!
Ensuite, à l'intérieur de ces deux courants, vous trouverez encore des sectes: gallicans, traditionnalistes, vieux calenderistes, etc;
En d'autres termes: ils sont mal placés pour donner des leçons!

Ces quelques remarques ayant été faites, il convient à présent de citer un article d'une confession de foi Protestante, tout à fait représentative de ce qu'enseigne l'ensemble des Protestants, et ce afin de mieux comprendre notre propos.
Nous citerons ici les 39 Articles anglicans, et plus exactement son article 6, qui porte sur le sujet:



VI. De la Suffisance des Saintes Écritures pour le Salut.

L’ÉCRITURE Sainte contient tout ce qui est nécessaire pour le salut: de sorts qu’on ne doit point exiger d’un homme qu’il croie comme article de Foi, ou qu’il considère comme essentiel ou nécessaire au salut, la moindre chose de ce qui ne s’y lit pas, ou qui ne peut pas se prouver par elle. Sous le Nom d’Écriture Sainte, nous comprenons les Livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament, sur l’autorité desquels, il n’y a jamais eu de doute dans l'Église.

Des Noms et du Nombre des Livres Canoniques.

LA Genèse,
L’Exode,
Le Lécitique,
Les Nombres,
Le Deutéronome,
Josué,
Les Juges,
Ruth,
Le Premier Livre de Samuel,
Le Second Livre de Samuel,
Le Premier Livre des Rois,
Le Second Livre des Rois,
Le Premier Livre des Chroniques,
Le Second Livre des Chroniques,
Le Premier Livre d’Esdras,
Le Second Livre d’Esdras,
Le Livre d’ Esther,
Le Livre de Job,
Les Psaumes,
Les Proverbes,
L’Ecclèsiaste ou te Prêcheur,
Le Cantique des Cantiques,
Les Quatre grande Prophètes,
Les Douze Petits Prophètes.

Et quant aux autres Livres, (comme dit Saint Jèrome,) l’Église les lit à la vérité, pour en tirer des modèles de conduite, ainsi que des règles pour les moœrs; mais pourtant elle ne les fait servir de fondement à aucune doctrine. Et ce sont les livres suivants:

Le Troisième Livre d’Esdras,
Le Quatrième Livre d’Esdras,
Le Livre de Tobie,
Le Livre de Judith,
Le Reste du Livre d’Esther,
Le Livre de la Sapience,
Le Livre de Jésus, fils de Sirach,
Baruch te Prophète,
Le Cantique des Trois Enfants,
L’Histoire de Susanne,
L’Histoire de Bel et du Dragon,
La Prière de Manassé,
Le Premier Litre des Maccabées,
Le Second Litre des Maccabées.

Nous recevons tous les Livres du Nouveau Testament, selon qu’ils sont communément reçus, et nous les tenons pour canoniques.



* * *


De ce texte, nous devons relever deux points importants:

--le premier, c'est qu'il n'y est pas textuellement dit "sola scriptura" (= l'Ecriture seule); pas plus, d'ailleurs, qu'on ne trouve cette expression sous la plume de Luther, à qui les catholiques reprochent d'avoir inventé cette doctrine "alors qu'elle n'est pas écrite dans la Bible"...
Mais, si cet article de la Confession anglicane ne formule pas textuellement le sola scriptura, elle en exprime bien la doctrine, et même de manière explicite, tout comme l'a fait Luther.
Plus que d' un sola scriptura, l'article en question parle (et s'intitule) de la suffisance des Saintes Ecritures pour le salut.
Et c'est bien ici ce que nous avons évoqué plus haut, savoir, que l'autorité directive (qu'il s'agisse du pape ou du sacerdoce universel) ne doit soutenir ultimement ses assertions que sur l'Ecriture, et non sur l'Ecriture et la tradition (aux frontières floues).
Pour cela, évidemment, il faut que l'Ecriture soit suffisante.

-- le deuxième point qu'il convient de noter dans cet article (lequel représente fidèlement les croyances des Protestants), c'est que la Bible, inspirée par Dieu, prime, mais ne supprime pas les autres normes.
La référence aux livres apocryphes, ici considérés comme utiles mais non décisifs, le prouve.
Or, ce qui a été dit de ces textes non-inspirés vaut pour tous les autres:
ils peuvent être utiles, mais on ne peut les invoquer pour fonder un dogme.
Autrement dit, ils ont une autorité indicative, mais pas décisive.
Et ce point répond aux absurdes accusations des catholiques qui veulent que, au nom du "sola scriptura", on ne conserve plus aucun texte dans l'Eglise, que l'on méprise toute l'oeuvre des pieux docteurs, et, pour tout dire clairement: que l'on bascule dans une sorte d'iconoclasme doctrinal.

Ainsi, si l'Eglise ne reconnaît qu'une seule norme normante elle n'écarte pas les normes normées, la différence fondamentale entre les deux est que la première (la norme normante) est digne de foi par elle-même, n'est pas révisable et juge de tout (c'est l'Ecriture);
au contraire, les secondes (normes normées), si elles sont présumées de bonne foi, restent toutefois subordonnées à l'Ecriture sur laquelle elles s'appuient et à laquelle elles doivent se montrer fidèle.
Ainsi par exemple, après avoir affirmé la suffisance de l'Ecriture (art 5) et de son autorité exclusive (art 4) pour ce qui touche au service de Dieu et à notre salut, la confession de La Rochelle (réformée) déclare recevoir les trois Symboles parce qu'ils sont conformes à la Parole de Dieu.(art 5).


* * *

Ceci ayant été posé, il convient maintenant de voir si les Réformateurs ont vraiment inventé cette doctrine, ou si elle est au contraire la doctrine traditionnelle de l'Eglise chrétienne.
Quoique nous pourrions ici citer beaucoup de docteurs anciens, nous n'en citerons que quelques uns (en laissant le lecteur face à sa conscience et le laisser accepter ou rejeter les calomnies papales):


St Cyprien de Carthage, lettre 74 à Pompeius:

"Mais, d'où vient cette tradition? A-t-elle pour elle l'autorité du Seigneur et de l'Évangile ? Vient-elle des apôtres et de leurs Épîtres ? C'est en effet ce qui est écrit que l'on doit faire. Dieu l'atteste, et nous en avertit, lorsqu'Il dit à Josué, fils de Navé : "Le livre de cette loi ne s'éloignera point de votre bouche, mais vous le méditerez jour et nuit, afin d'être attentif à faire ce qui y est écrit".


St Jean Chrysostome, Homélie 9 sur 2 Timothée:


Cette Ecriture, étant inspirée de Dieu, est utile. Qui peut en douter? « Elle est utile pour instruire, pour reprendre, pour, corriger, afin que, l'homme de Dieu soit parfait et parfaitement disposé à toutes sortes de bonnes oeuvres ». — « Utile pour instruire ». L'Écriture nous apprendra ce que nous devons savoir, et nous laissera ignorer ce que nous devons ignorer. Si nous avons des erreurs à réfuter, des désordres à redresser, l'Ecriture nous fournira les principes nécessaires. Elle sera bonne aussi pour consoler et pour encourager.


St Augustin, de la doctrine chrétienne II. 9



Il est remarquable en effet que les passages les plus clairs de l'Ecriture renferment tout ce qui concerne la foi et les moeurs, je veux dire l'espérance et l'amour, dont nous avons parlé dans le livre précédent. Après s'être ainsi en quelque sorte familiarisé avec le langage des saints livres, ou entreprend de pénétrer dans les obscurités qu'ils renferment, et d'en faire jaillir la lumière; les passages les plus clairs servent à interpréter ceux dont le sens serait voilé, et les vérités incontestables, à établir avec certitude celles dont on pourrait douter encore.

Commentaires

Voici un paradoxe: la doctrine de sola scriptura n'est pas biblique.

L'une des facettes les plus importantes de cette doctrine est la "suffisance" de l'Écriture. Il ne serait pas nécessaire, selon la sola scriptura, de croire à une doctrine qui ne se retrouve pas dans les Écritures. On voudrait nous faire croire que la Bible est un "manuel d'instruction" qui aurait été rédigé comme un tout, un genre de code qui aurait tout prévu, alors qu'en réalité la Bible n'est qu'un ramassis de différents livres reconnus comme inspirés par le peuple juif et l'église chrétienne. La Bible ne prétend pas être la révélation complète et ultime. Au contraire, ce que la Bible enseigne, c'est que Jésus-Christ est la révélation complète et ultime, de sorte que nous pouvons légitimement nous enquérir par tout moyen de ce que Jésus nous a enseigné en parole et en action, que ce soit au moyen d'écrits inspirés ou au moyen de la tradition orale. Au plan de la révélation, la doctrine de sola scriptura accorde davantage d'importance à la Bible qu'au Christ.

Par ailleurs, remarquons que sola scriptura n'est enseignée nulle part dans les Écritures. Vous avez invoqué quelques citations des pères de l'Église, mais aucune de la Bible elle-même. Or si la Bible ne l'enseigne pas, il n'est pas nécessaire de la croire, n'est-ce pas?
Bonsoir Daniel;
je vous invite à poursuivre cette discussion sur notre forum où je vais copier votre message.
Domus a dit…
Quand on lit votre texte sur la doctrine de l'Ecriture seule contestée d'ailleurs sous le prétexte que cette expression ne se trouve pas textuellement dans la Bible, ne peut-on pas se dire que, tout ceci étant si bien exposé, l'affaire est entendue et que l'on peut passer à autre chose? Hélas, quand on constate que l'autorité directive de Rome a décrété pour elle-même et une fois pour toutes: «...que la Sainte Tradition, la Sainte Ecriture et le Magistère de l'Eglise, selon le très sage dessein de Dieu, sont tellement reliés et solidaires entre eux qu'aucune de ces réalités ne subsiste sans les autres...» (1), on en reste pantois! L'idée que la Sainte Ecriture ne puisse subsister sans la « sainte » Tradition est outrageante, et seuls des cerveaux vraiment fatigués de prélats à bout de souffle peuvent la concevoir!
C'est bien le Saint Esprit qui nous dit qu'Il nous conduit dans toute la vérité (Jn.16.13). C'est bien encore le Saint Esprit qui nous dit qu'Il a inspiré toute l'Ecriture (2Tim 3.16). C'est bien toujours le Saint Esprit qui nous dit qu'Il ne nous cache rien (Ac.20.27). De fait, il n'est pas de doctrine mieux fondée que celle de la suffisance de Sa Parole, comme vous l'exposez si justement notamment par le rappel bien à propos l'article 6 des 39 articles. Et Roger Mehl ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit: «Recourir au secours de la Tradition pour éclairer l'Ecriture, c'est refuser d'accepter que Dieu se rende témoignage à lui-même dans l'Ecriture. Si nous entendons ce témoignage que Dieu se rend à lui-même, nous possédons tout ce qui est utile pour notre salut». (2)
Or par qui, outre le Saint Esprit, la Vérité est-elle personnifiée à la perfection sinon par le Seigneur Jésus-Christ Lui-même (Jn 14.6), par sa Parole (Jn 17.17) et par Dieu le Père Lui-même (Ps 31.6 – Es. 65.16)? Se rendent-ils donc compte ces pontifes romains que c'est à l'Esprit Saint qu'ils s'opposent en le désavouant? Le «vide» spirituel n'existant pas, on ne peut avoir affaire qu'à l'Esprit du Seigneur ou qu'à l'esprit du prince de ce monde. Se mettant à l'Ecole du Saint Esprit quand cela leur convient, - donc peu souvent -, mais ne s'interdisant pas de faire l'école buissonnière quand ils la jugent incompatible avec leurs enseignements et leurs agissements, - donc très souvent -, ils se placent ipso facto sous le joug d'un «autre esprit» qui ne peut être que celui du père du mensonge qu'ils supportent très bien.
Ayant ainsi récusé l'autorité souveraine du Saint Esprit et adjoignant à Sa Parole, telle de pitoyables béquilles, les nouveautés douteuses de sa Tradition produites par la clique non moins douteuse des parrains de son Magistère, le trône pontifical révèle sa vraie nature: il n'est que le banc bien vermoulu des moqueurs dont la fin nous est annoncée (Ps 1.1 – Gal. 6.7). La doctrine de l'Ecriture seule que les Réformateurs ont restaurée et qui n'est autre que celle de l'Ecriture elle-même étant étrangère à ce siège prétendument apostolique, il est normal qu'elle lui soit aussi insupportable.
Il n'est pas nécessaire d'être devin pour prédire qu'en ce domaine vous devrez donc encore «cent fois sur le métier remettre votre ouvrage». Seuls s'en plaindront de vos lecteurs ceux qui croiront toujours qu'une seule parole de pape a plus de poids que toutes celles de la Bible réunies.
Fraternellement en Christ.
(1) Dei Verbum ch.II, §2, Concile Vatican II, 1965.
(2) «Du catholicisme romain – Approche et Interprétation», Cahiers Théologiques N°40 - 1957.

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