Livres carolins, sur les notions d'image, de ressemblance et d'égalité

 


Le dogme du culte des images, décrété au VIIIe siècle par quelques orientaux appuyés par le pape de Rome, rencontra à cette époque l'opposition radicale de l’Église latine (concile de Francfort, en 794). A ce propos, on doit se souvenir que durant tout le moyen âge, le droit canon ne retint pas autre chose en cette matière que l'assertion de Grégoire le Grand, selon qui les images avaient un rôle pédagogique, et non pas cultuel.
Je vous propose aujourd'hui un extrait des célèbres Livres carolins (Livre 1, chapitre 7), consacré à réfuter les erreurs de ceux qui avaient sombré dans l'erreur. Dans ce passage, l'auteur examine et met en relief la différence entre image, ressemblance et égalité.

Quelle est la différence entre l’image, la ressemblance et l’égalité.

Puisque, avec l’aide de Dieu et selon la saine et équilibrée doctrine des saints Pères, nous avons traité de la manière dont il faut comprendre que Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance, il est maintenant utile de brièvement examiner la différence entre image, ressemblance et égalité. Cela permettra à ceux qui, sous prétexte d’adorer des images, se laissent emporter par des assertions vaines et débridées, croyant que ces trois termes désignent presque une seule et même chose, de reconnaître les différences et de comprendre l’erreur dans laquelle ils tombent. Ceux qui liront cela avec application pourront ainsi en tirer un bénéfice intellectuel.

Ces trois notions doivent donc être distinguées : tout ce qui est une image est une ressemblance, mais tout ce qui est une ressemblance n’est pas une image. De même, bien qu’une image ne manque jamais de ressemblance, une ressemblance peut souvent exister sans être une image. De plus, on reconnaît que ni la ressemblance ni l’image ne nécessitent toujours l’égalité, bien que l’égalité puisse parfois s’associer à l’image et à la ressemblance. Ces trois concepts, bien qu’appartenant à une seule et même catégorie de relation, possèdent cependant entre eux des propriétés spécifiques que d’autres notions n’ont pas.

Caractéristiques propres à l'image, la ressemblance et l'égalité.

Il est propre à l’image d’être toujours exprimée à partir d’un autre, tandis que la ressemblance et l’égalité ont pour propriété de demeurer dans leur propre substance, sans être exprimées à partir d’un autre, mais d’être désignées ainsi en raison de leur assimilation ou égalité à d’autres choses. Par ailleurs, l’image ne permet pas d’être envisagée en termes de degrés, alors que la ressemblance et l’égalité le permettent. Ainsi, on peut dire « plus ressemblant » ou « moins ressemblant », « plus égal » ou « moins égal », mais il n’est pas possible de dire « plus image » ou « moins image ».

En effet, dans leur interrelation, que les Grecs appellent antistrophe, il existe une certaine subtilité contradictoire qui serait longue à explorer en détail. Cependant, afin que la différence entre ces trois noms devienne plus claire, il convient de citer les paroles du bienheureux Augustin. Il dit :

« Là où il y a une image, il n’y a pas forcément une ressemblance ni une égalité. Là où il y a une égalité, il y a nécessairement une ressemblance, mais pas forcément une image. Là où il y a une ressemblance, il n’y a pas forcément une image ni une égalité. »

Prenons un exemple : dans un miroir, il y a une image, car elle est exprimée à partir de ce qu’elle reflète ; il y a aussi nécessairement une ressemblance, mais il n’y a pas égalité, car beaucoup de choses manquent à l’image qui sont présentes dans l’objet qu’elle exprime.

De même, là où il y a égalité, il y a nécessairement ressemblance, mais pas forcément une image, comme entre deux œufs semblables. En eux, il y a égalité, et il y a aussi ressemblance.

 Sur les distinctions entre image, ressemblance et égalité.

Quelles que soient les propriétés qui appartiennent à l’un de ces concepts (image, ressemblance, égalité), elles peuvent aussi appartenir aux autres. Cependant, l’image n’existe pas dans tous les cas, car aucune d’elles n’est nécessairement exprimée à partir de l’autre. Là où il y a ressemblance, il n’y a pas toujours image, ni toujours égalité. Par exemple, tout œuf, en tant qu’œuf, est semblable à tout autre œuf. Cependant, un œuf de perdrix, bien qu’il soit semblable à un œuf de poule en tant qu’œuf, n’est pas son image, car il n’est pas exprimé à partir de celui-ci. Ce n’est pas non plus une égalité, car il provient d’une autre espèce d’animal.

Là où il est dit « non toujours », il faut comprendre qu’il peut y avoir des cas où cela est possible. Par conséquent, il peut exister une image dans laquelle se trouve aussi une égalité, comme on le trouve chez les parents et les enfants. Dans ce cas, il peut y avoir image, égalité et ressemblance, si l’intervalle de temps est exclu. En effet, l’enfant est exprimé comme une ressemblance de son parent, et cette ressemblance est appelée une image. Elle peut même être si parfaite que cette ressemblance est appelée égalité, à l’exception du fait que le parent précède l’enfant dans le temps, ce qui montre qu’une égalité peut exister, mais pas en tous points, car une image nécessite aussi un ordre temporel.

De même, il peut y avoir ressemblance et égalité sans qu’il y ait image, comme dans le cas des deux œufs similaires. Il peut aussi y avoir ressemblance et image sans qu’il y ait égalité, comme nous l’avons montré avec l’exemple du miroir. Il peut également y avoir ressemblance là où il y a image et égalité, comme nous l’avons mentionné à propos des enfants, à l’exception de la différence temporelle par laquelle le parent précède.

Ainsi, ayant brièvement exposé ces règles sur les différences, nous passons maintenant, de manière ordonnée, aux témoignages de la loi divine. Nous examinerons s’ils ont été incorrectement usurpés par certains, ou s’ils ont été correctement exposés à travers les enseignements des vénérables Pères. Cela permettra de démontrer que les prétentions des adversaires, qui ont abusé de ces concepts pour soutenir leurs erreurs, sont sans fondement. Que les lecteurs désireux d’un bon usage de ces réflexions puissent ainsi accéder à une compréhension plus éclairée.



 Bucerian

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