De l'Eglise catholique et des sectes (4)
CHAPITRE I
(suite)
L’Église, dans sa dispensation néotestamentaire, a été établie au Ier siècle après Jésus-Christ, et s'est développée organiquement depuis lors.
3. Étendue de notre certitude
La tâche de l’Église ne se réduit pas à faire connaître l'existence (et la composition) du Canon. Car s'il y a un seul Seigneur (celui qui nous parle dans les Écritures, c'est-à-dire: le Canon) cela est lié avec une seule foi (celle que confesse l’Église sur la base de ce Canon, c'est-à-dire: le Credo, ou Symbole) dont est gardien chaque membre du peuple élu, consacré dans un seul baptême (cf. Éphésiens 4: 5).
Ainsi, par l’Écriture, l'Esprit de Dieu a suscité une foi qui se confesse (Ésaïe 55: 11// Romains 10: 10), non seulement à l'échelle individuelle, mais ecclésiale (Jude 3). Le peuple de Dieu a donc toujours indiqué et transmis la Parole du Dieu Trinité ( = les Écritures) et le message central qui fait l'unité de ces 66 Livres, savoir Jésus-Christ (Jean 5: 39). Par confession de foi, je parle donc de l'expression d'une certitude vivante et divine qui est telle que le Chrétien ne peut pas dire, sous couvert d'une fausse modestie (qui serait plutôt de la défiance): "Ma foi se limite à dire que ces 66 livres viennent de Dieu, mais pour le reste (ce qu'il y a à en comprendre), je n'ai qu'une certitude relative ; il me semble bien que la Trinité soit biblique, mais peut-être que je me trompe (il y a des pentecôtistes modalistes) et le débat reste ouvert, etc". Non ! Plutôt, comme l'a écrit Luther: "L'Esprit saint n'est pas un sceptique; ce ne sont pas des choses douteuses ou de simples opinions qu'il a écrites en nos cœurs, mais des assertions plus certaines et plus fermes que la vie même et que toute expérience" (1). C'est pourquoi Auguste Lecerf a pu écrire que: "C'est par elle (l’Église) que les réformateurs ont connu l'existence d'une Écriture sainte, d'un Nouveau Testament, d'un Rédempteur, d'une Incarnation, de la trinité sainte, du Père céleste", et que l'Esprit saint leur a fait savoir que "le contenu du Symbole, l'inspiration des Écritures, le Canon du Nouveau Testament sont des affirmations de faits et d'enseignements divins" (2).
C'est que l’Écriture seule (sola scriptura) ne doit pas être confondue avec une sorte d’Écriture stérile; l’Écriture n'a pas vocation à laisser nos esprits béats, ni à rester un juge suprême ne jugeant de rien du tout ; au contraire, l’Écriture suscite la foi, dont elle est la mesure et la règle. A ce titre, de même que, lorsqu'on dit que l'homme est justifié par la foi seule (sola fide) cela ne veut pas dire que l'homme justifié soit dépourvu de charité et de bonnes œuvres (il en produit au contraire nécessairement), de même aussi, lorsqu'on dit que l’Église a pour autorité l’Écriture, et l’Écriture seule (sola scriptura) cela ne veut pas dire que l’Église soit dépourvue de toute production et de toute parole doctrinale (elle en produit au contraire nécessairement). Cela veut simplement dire que la confession de l’Église (qui accompagne nécessairement l'audition de la Parole de Dieu) ne repose pas sur une autorité que l’Église détiendrait en dehors de l’Écriture, mais qu'elle a au contraire pour seul et unique fondement cette Parole de Dieu (dont elle est et reste distincte), tout comme les bonnes œuvres du pécheur justifié (qui accompagnent la foi) ne sont pas le fondement de la justice du fidèle, mais découlent de la foi qui le justifie. Il en va ici de l’Écriture (la Parole de Dieu) et du Credo (confession de l’Église) un peu comme du soleil et de la lune : le premier est la seule source produisant notre lumière, tandis que la seconde est une roche qui ne resplendit pas d'elle-même. Et pourtant, recevant la lumière du soleil, la lune se met à briller dans la nuit, réfléchissant les rayons du soleil lui-même !
Nous trouvons clairement la confirmation de tout cela dans le Symbole "Quiconque", reconnu par tous les Protestants, et où la foi de l’Église (relative à la personne et l’œuvre du Christ - et non au seul fait de l'inspiration des Écritures) est présentée comme un point nécessaire au Salut. De même, Calvin n'a pas hésité à écrire que la connaissance de Jésus-Christ est définie dans le Symbole de Foi qui nous "vient des Apôtres, par tradition orale ou écrite" (3).
Dans le même sens, Luther n'a pas hésité à affirmer que ni le Décalogue, ou le Pater, ni la Foi (le Credo) n'ont été imaginés par un homme "de sa tête" mais qu'ils ont été révélés et donnés par Dieu lui-même (4). Il est vrai que, par une habitude très occidentale (5), l'un et l'autre se référaient ainsi au "Symbole des Apôtres" plutôt qu'au seul Symbole canoniquement universel (celui de Nicée-Constantinople). Néanmoins, puisque nul ne contestera que les vérités de l'un et l'autre Symbole sont substantiellement les mêmes (6), il suffit d'observer ici que les "Réformateurs" n'ont jamais séparé l'Écriture de la doctrine qui en découle et qui ont été transmises conjointement, ou inséparablement, par une même Église (1Timothée 3: 15).
A suivre...
Bucerian
(1): LUTHER, Martin, Traité du Serf
Arbitre. Gallimard, Paris, 2001
(2): LECERF, Auguste Introduction à la
dogmatique Réformée, II. vii Je sers, Paris, 1938.
(3): Catéchisme de Genève, (édition latine de 1545) Q. 15. Kerygma. Aix-en-Provence, 1991.
(4): LUTHER, Martin, Grand catéchisme, 4e partie, La Foi des Églises Luthériennes, CERF, Paris, 1991.
(5): Rome agit de la même façon, ainsi que nous pouvons le voir dans son dernier catéchisme:http://www.vatican.va/archive/FRA0013/_INDEX.HTM
(6): MELANCHTHON, Philippe, Apologie de la Confession d'Augsbourg, article 3. La Foi des Eglises Luthériennes, CERF, Paris, 1991.
Commentaires
Cette Foi apostolique a traversé les persécutions, pendant près de trois siècles, et a trouvé sa vitesse de croisière à Chalcédoine, avec le Symbole de Nicée-Constantinople et la méthode d'approfondissement de la Foi, subodorée par un saint Vincent de Lérins, laquelle consiste en une précision des quatre articulations du Credo, conformément à un Canon scripturaire définitif, sanctionné au IVe siècle, comme en fait foi le "Quini-sexte" de 692.
C'est cette Foi qui constitue la doctrine commune du sacerdoce universel de baptisés, dont personne ne peut récuser les paramètres, sans s'exclure soi-même des prérogatives herméneutiques de tout fidèle chrétien. De sorte que, le coranisme exégétique, ou solipsisme théologique, dont le modernisme s'est toujours gaussé, n'a jamais traduit l'attitude catholique de l'orthodoxie dogmatique. Ce qui discrédite et le modernisme et le fondamentalisme, pour laisser place à la Foi catholique de toujours et pour toujours.