La papauté romaine et les conciles de l'Eglise (4/7)

Avant de se prétendre infaillible, Rome ferait bien de se montrer cohérente. Car :

De la Mère du Seigneur est assumée la nature, non la faute (Assumpta est igitur de matre Domini natura, non culpa). Ces mots de Léon Ier, évêque de Rome, sont écrits dans un document scellé de toute l'autorité ecclésiastique imaginable, à savoir le Tome à Flavien, considéré depuis le quatrième concile universel comme un monument de l'orthodoxie. Aucun doute ne peut être entretenu sur le sens de telles paroles, que leur auteur a d'ailleurs paraphrasé dans son Cinquième sermon sur la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Au chapitre 5 de ce sermon, Léon affirme en effet que: Jésus-Christ, seul entre tous les enfants des hommes a conservé son innocence en naissant, parce que lui seul a été conçu exempt du péché de la concupiscence charnelle. Un tel passage, dans une lettre dogmatique de l'évêque de Rome, porte évidemment un coup fatal au dogme de l'Immaculée Conception (promulgué par le pape de Rome en 1854) selon lequel: La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception (...), préservée intacte de toute souillure du péché originel.
Deux paroles contradictoires d'une même autorité réputée infaillible prouvent infailliblement la non-infaillibilité de cette autorité.

Et ce qu'il y a de plus grave pour le Vatican, c'est que cette anecdote est loin d'être le point le plus accablant dans les actes du quatrième concile œcuménique...

Le concile de Chalcédoine, en 451

Les courtisans de Rome invoquent souvent ce concile pour appuyer leurs thèses. En premier lieu, ils font valoir que Léon le Grand et ses représentants y tinrent une place de premier ordre. En deuxième lieu, ils font valoir que Léon joua un si grand rôle dans la défense de la vraie foi (le Tome à Flavien) que les Pères conciliaires l'acclamèrent comme une colonne de l'orthodoxie, disant que: Pierre (avait) parlé par la bouche de Léon. Toutes ces choses ont certes de quoi éblouir les âmes mal renseignées, mais un examen plus sérieux montre que ces divers “arguments” ne servent pas les prétentions romaines.

Premièrement : il est sans doute vrai que Léon le Grand fut, par l'intermédiaire de ses légats, l'acteur principal du concile. Mais le caractère exceptionnel de cette situation suffit à invalider les prétentions de ceux qui y voient la place due par principe au pape de Rome.

Deuxièmement: s'il est tout à fait vrai que les participants au concile acclamèrent Léon et dirent que Pierre avait parlé par sa bouche, il serait totalement faux d'en déduire que cela proclamait, ou même annonçait le dogme infaillibiliste élaboré et défini, des siècles plus tard, à Rome. En réalité, cet épisode prouve même que les prétentions papales (soi-disant chef infaillible de l’Église, qui ne peut être jugé par personne, etc.) sont contraires à l'esprit des participants au concile. Les chrétiens d'Orient, ayant très bien expliqué pourquoi, je ne peux que citer ici la réponse qu'ils firent sur ce point, au XIXe siècle, à l'encyclique que leur avait adressée le pape Pie IX: La lettre du pape Léon au quatrième concile œcuménique, convoqué à Chalcédoine, tout orthodoxe qu’elle était, n’en devait pas moins subir un mûr examen, si elle était ou non d’accord avec la profession de foi du premier et du deuxième concile œcuménique, comme aussi avec la foi exposée par saint Cyrille au troisième concile œcuménique, ce que montrent les actes dudit quatrième concile. Les délibérations sur la lettre ayant été terminées, Anatole de Constantinople, questionné pour savoir si elle était orthodoxe et d’accord avec les décrets des trois conciles œcuméniques, répondit qu’elle était en plein accord aussi bien avec le saint Symbole des 318 et 150 Pères, qu’avec ce qui a été décrété par saint Cyrille au concile d’Éphèse. Ainsi, vous voyez que ce n’est pas d’après la lettre de Léon, examinée par les Pères, qu’on a prononcé le jugement sur l’hérésie d’Eutychès et mis un terme aux troubles qu’elle a suscités, mais d’après les décrets des conciles de Nicée, de Constantinople et d’Éphèse. Or, quel est celui qui prévaut, de celui qu’on examine et qu’on juge, ou bien de celui qui examine et qui juge ? Léon, quoique orthodoxe et saint, dans sa lettre au concile n’a rien dit de son chef, mais il n’a fait qu’exposer dans sa profession ce qu’ont déjà dit les Pères des conciles précédents. Aussi est-il de toute impossibilité d’en déduire aucune conclusion en faveur de la suprématie du pouvoir absolu, ce que rêvent les Romains, en s’appuyant sur la lettre de saint Léon au quatrième concile (...) Lorsque les Pères du quatrième concile demandèrent la lecture de la lettre de saint Cyrille d’Alexandrie et que la lecture fut donnée, le concile s’écria : “C’est ainsi que croit saint Cyrille, c’est ainsi que nous croyons, nous ; que la mémoire de Cyrille soit immortelle !” Puis lorsque la lettre de saint Léon eut été lue aussi, les Pères s’écrièrent de plus belle : “C’est la foi des Pères de l’Église ; c’est celle des apôtres ; Pierre a dit cela par la bouche de Léon”. Là-dessus ils ont ajouté : “C’est ainsi qu’enseignaient les apôtres.” Tout cela prouve évidemment que c’est à cause du plein accord des croyances de Léon avec la doctrine de Cyrille que les Pères ont reconnu Léon orthodoxe. Or, la lettre de Cyrille n’ayant pas donné de suprématie à Cyrille, celle de Léon n’en a pas donné non plus à Léon. (Réponse de l’Église orthodoxe d’Orient à l’encyclique du pape Pie IX, adressée par S. S. aux chrétiens orthodoxes grecs en janvier 1848, Librairie Friedrich Klincksieck, 1850).

Enfin, on ne peut parler des rapports de la papauté romaine avec le concile universel, sans mentionner le 28e canon adopté par ce concile. Ce canon (qui est rejeté par Rome) disposait que : Suivant en tout les décrets des saints Pères et reconnaissant le canon des cent cinquante évêques lu depuis peu (il s'agit du second concile œcuménique), nous avons pris les mêmes résolutions au sujet des privilèges de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les Pères ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome ses privilèges, parce que cette ville était la ville impériale. Par le même motif, les cent cinquante évêques ont accordé que la nouvelle Rome, honorée (par la résidence) de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges que l'ancienne ville impériale doit avoir les mêmes avantages dans l'ordre ecclésiastique et être la seconde après elle, en sorte que les métropolitains seulement des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulate) et de la Thrace, et les évêques des parties de ces diocèses occupées par des barbares, seront sacrés par le saint siège de l’Église de Constantinople, tandis que, dans les diocèses susnommés, chaque métropolitain sacre régulièrement, avec les évêques de l'éparchie, les nouveaux évêques de cette éparchie, ainsi que cela est prescrit par les saints canons. Mais, comme on l'a dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'archevêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de Constantinople.

Comment des évêques papalistes, qui auraient voulu professer (comme le fera le concile Vatican I, en 1870) la primauté de droit divin du pape de Rome, auraient-ils ensuite pu rédiger un tel canon - qui confirme tout ce qui a été noté par Calvin, à propos du 3e canon de Constantinople ? On doit donc conclure que le concile de Chalcédoine, loin de soutenir les prétentions de la papauté moderne, les ruine entièrement.


A suivre...

 

Bucerian

Commentaires

Anonyme a dit…
Ce n’est pas d’hier que Rome se moque de la vérité. D’abord, l’Ecriture fut reniée depuis le schisme de 1054, par diverses obligations ecclésiastiques: célibat sacerdotal, confession auriculaire et, particulièrement, au Concile de Trente. Ensuite, l’adjonction du « filioque » au Credo, en contravention avec les Conciles œcuméniques d’Ephése, de Chalcédoine et de Constantinople III, sans parler du rejet frivole du Quinisexte révèle son respect de la Tradition de l’Eglise. Enfin, la simple probité a été bafouée, lorsqu’on a accusé Luther de s’en remettre à l’Ecriture seule, alors qu’à Worms, en 1521, il a notoirement affirmé qu’on ne pouvait se fier aux conciles ni au pape SEULS mais que l’Ecriture devait atteste la théologie, thèse que reprendra la Confession d’Augsbourg. De sorte qu’il est évident que Rome n’a jamais eu d’autre fidélité que son caprice, dont les frasques de Bergoglio nous donnent un exemple navrant.

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