Annotations sur la Concorde de Wittenberg (8/9)


Calvin écartant de la Cène les "libertins" spirituels.


La discipline chrétienne



La Concorde en elle-même ne dit pas grand chose de la discipline de l’Église. Néanmoins, la réunion des Réformateurs en mai 1536 fut aussi l'occasion d'aborder ce sujet, puisqu'un document relatif à la gestion des Églises et de leur rapport aux pouvoirs publics fut alors ébauché (1). Ce texte commence par affirmer qu'il est du devoir des ministres de l’Évangile de condamner le culte impie et de promouvoir celui qui est selon la piété.
S'il faut donc toujours faire preuve de la douceur nécessaire à son application (Galates 6: 1, ss) la discipline n'en reste pas moins "indispensable pour veiller aux bonnes mœurs et au bon ordre" (2).
Ainsi, la vocation de la discipline chrétienne est double : d'une part, elle est l'ordre auquel doit se conformer la vie privée des membres de l’Église (les bonnes mœurs); d'autre part, elle est l'ordre auquel doit se conformer la vie publique de l’Église elle-même (le bon ordre).
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I. Au chapitre moral, la discipline doit veiller au respect de la Loi divine, résumée par le Seigneur dans l'impératif d'aimer Dieu et le prochain (Matthieu 22. 37-40). Il est ainsi du devoir des ministres de l'Évangile (afin que le Nom du Seigneur ne soit pas moqué et que les âmes ne soient pas égarées) non seulement de prêcher la foi orthodoxe (1Tim 4: 6 / 2Tim 2: 15), mais aussi de réfuter les doctrines fausses (1Tim 1: 3/ 4: 7/ 2Tim 2: 25).
Qu'on se souvienne ici du fait que le Symbole de Nicée avait pour appendice la condamnation de la doctrine arienne ; que si cet appendice n'est plus explicitement d'usage dans la récitation liturgique, il reste d'actualité dans la dogmatique ecclésiastique. Ceci illustre combien l’Église, en prêchant la vérité, condamne l'erreur.
De même, il incombe non seulement de rappeler les bonnes mœurs chrétiennes mais aussi de condamner la dissolution et les débordements de certains (2Tim 4: 2). La Réforme protestante a vigoureusement rejeté les inventions prônées par les sectes monacales médiévales, et la "piété" malsaine qui en procédait (cf. Colossiens 2: 16-23). C'est avec la même fermeté qu'il convient de traiter aujourd'hui l'impiété contemporaine et ses fondements mondains.
Enfin, lorsque les hommes hérétiques ou sans retenue n'écoutent pas les avertissements, voire, lorsqu'ils officialisent et autorisent au grand jour ce que Dieu condamne tout aussi ouvertement dans Sa Parole, il est du devoir des pasteurs et des Églises fidèles de rompre toute communion avec les prévaricateurs (2 Jean 10, 11; Tite 3: 10-11/ 2Tim 3: 5/ 1Co 5: 9-13, etc.).
C'est pour cela qu'il a été (et qu'il est encore à présent) nécessaire de repousser l'erreur du mouvement des "Attestants" et de tous ceux qui regardent l'orthodoxie comme une simple option, et l'apostasie comme une simple opinion, appelées toutes deux à se tolérer dans une même association (3).

II. Au chapitre des ministères, le protestantisme a dû combattre l'abominable orgueil papal et sa prétention à la domination universelle. Contre cette perversion, les anciens ont dû rappeler l'égalité de tous les pasteurs (ou évêques) ainsi que de toutes les Églises (4). Cet article doit encore aujourd'hui être maintenu sans la moindre ambiguïté et ne pas être considéré avec dédain, comme une question "aujourd'hui dépassée " ; car, aujourd'hui plus que jamais, le pape de Rome affirme très sérieusement être le chef de l’Église catholique et le détenteur de la vérité salutaire - chose qu'une âme pieuse ne peut pas tolérer.
L'erreur oecuméniste consiste dans ce cas à souligner le fait que Rome, depuis le concile Vatican II, a ouvert les portes de son Église. Elle les a ouvertes, certes, mais elle a pris soin de laisser les clés sur la serrure (5) ; et elle les refermera sur ceux qui se seront suffisamment approchés de ses autels. Je pense ici aux entremetteurs de couples mixtes qui ne pensent qu'à faire accueillir les leurs à la messe (6) ; aux pasteurs qui organisent des rassemblements et célébrations, tels des chemins de croix, en commun avec les prêtres romains (7) ; aux dénominations entières qui, aujourd'hui, répètent mensongèrement que Rome prêche le même Évangile que l'Église de toujours, et qu'il faut se repentir d'avoir soi-disant déchiré la tunique sans couture (8)... Les portes massives de Rome se refermeront, et si quelques-uns de ces prophètes aveugles parviennent à en réchapper, ce ne sera pas sans y laisser des âmes. Des âmes dont ils devront rendre compte. Et ils feraient bien d'y réfléchir ! Je pense particulièrement (ici encore) à ceux comme les "Attestants" qui persistent à jouer avec le feu en imaginant présomptueusement qu'ils auront, face au mastodonte impérial romain, des résultats plus glorieux que ceux auxquels ils sont parvenus face à la misérable petite goule libérale.

De même, dans sa tyrannie, Rome prétend contraindre les pasteurs et évêques au célibat. Le droit au mariage doit être maintenu avec force contre Rome, comme un emblème (dans le ministère public de l’Église) de l'autorité de la Parole de Dieu (Tite 1: 5-6) ainsi que de la liberté chrétienne - qui permet à chacun de se marier.
Néanmoins, on ne saurait ignorer que du sein même des dénominations "protestantes", depuis environ cent ans, l'affirmation d'un ministère pastoral féminin tente pareillement de faire du ministère public de l’Église l'emblème de revendications mondaines et contraires à l'ordre divin (1Tim 2: 11-14). Une communion orthodoxe ne saurait alimenter le scandale d'une telle innovation (du reste désavouée et démasquée par les Écritures telles que comprises unanimement pendant ~19 siècles) et au contraire doit laisser ceux qui s'aventurent dans de tels désordres en porter la peine.

A suivre...

Bucerian


___________________

1. Gordon A. Jenson: The Wittenberg Concord, Creating Space for Dialogue, Fortress Press, 2018.
2. Comme l'affirme le Catéchisme de Genève, § 371.
3. Le mouvement R3, cousin helvétique des Attestants français, écrit ainsi, dans son "Manifeste bleu" (Préambule) : "Nous reconnaissons que l'Église se décline en de multiples couleurs et que, parmi celles-ci, nous représentons  une des couleurs qui elle-même se décline en de multiples nuances. 
Nous valorisons les apports positifs d'autres couleurs: (...) la couleur libérale (nous apprend), l'importance d'un dialogue fécond avec la culture (...)".
4. Martin Luther, dans l'un de ses derniers ouvrages (en 1545) intitulé: Contre la papauté de Rome, fondée par le diable, rappelle notamment les affirmations de saint Jérôme, dans sa lettre 146:
Il ne faut pas s'imaginer que l'Église romaine soit une Église différente de l’Église universelle. Les Gaulois, les Bretons, les Africains, les Persans, les Indiens, tout l'Orient et tous les peuples barbares n'adorent qu'un même Jésus-Christ et ont une même règle de vérité. Si c'est l'autorité que l'on recherche, l'univers est plus grand qu'une seule ville. Un évêque, de quelque ville du monde qu'il soit évêque, de Rome ou de Guebio, de Constantinople ou de Reggio, d'Alexandrie ou de Tunis, porte partout le même caractère; c'est la même dignité et le même sacerdoce. Riche ou pauvre, il ne devient ni plus considérable par ses richesses, ni plus méprisable par sa pauvreté. Tous les évêques sont les successeurs des Apôtres.
5. Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, a ainsi  souligné que le concile devait s'ancrer dans la tradition et être pensé dans la continuité de celle-ci (et non pas comme une rupture). De quelle tradition parle-t-on ? De celle qui est radicalement contraire à la foi que nous protestons.
6. Source, ici.
7. Initiatives qui n'existent pas seulement chez les libéraux, mais aussi chez les plus conservateurs... Cette passion pour "l'unité des chrétiens" est d'autant plus malvenue de la part de mouvements qui n'ont pas hésité à briser toute unité protestante par leurs opinions anabaptistes.
8. La position chrétienne orthodoxe doit au contraire se borner à ce qu'a admirablement formulé la Déclaration de Cambridge, en 1996 :
" Nous nions aussi qu’une institution, se prétendant une Église, puisse légitimement être reconnue comme telle si elle récuse ou condamne l’article de foi: Sola Fide."

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