Annotations sur la Concorde de Wittenberg (6/9)
Pédobaptisme et sola scriptura
Lors d'un débat consacré au baptême des enfants, le théologien réformé R. C. Sproul a dit de son interlocuteur, le baptiste John Mac Arthur, que " Si vous pouvez prouver votre position à John Mac Arthur par les pages des Saintes Écritures, il changera d'avis sur-le-champ", avant d'en ajouter la raison : c'est qu'il n'avait " jamais rencontré un homme (...) plus résolu à construire sa théologie sur la base des Écritures seules (sola scriptura) que son frère John".
A-t-on conscience de ce que ces malheureuses paroles impliquent ?
Les Écritures, si insuffisantes qu'elles mèneraient inéluctablement au schisme ; si obscures qu'on ne saurait même pas pour qui Jésus a institué le baptême... Rome, qui prétend que les Écritures doivent être éclairées par la tradition orale, n'aurait pas pu rêver de meilleur fossoyeur pour le protestantisme!
Les anabaptistes recourent ainsi à certains textes sur le sens du baptême (surtout 1 Pierre 3. 21) et invoquent beaucoup l'exemple des apôtres (le livre des Actes ne comporte pas explicitement d'exemple de baptêmes de nourrissons). Par ces moyens, les anabaptistes impressionnent assurément beaucoup d'âmes. Il faut donc montrer pourquoi ces arguments, d'apparence très sage, sont en fait irrecevables : c'est que pour savoir qui baptiser, pourquoi baptiser et comment le faire, il nous faut écouter seulement l'ordre du Christ qui institue le baptême. Je n'accuse pas les apôtres d'avoir erré ou d'être de mauvais conseil en la matière ; mais je constate que leurs commentateurs anabaptistes errent et sont de mauvais conseil lorsqu'ils prétendent dresser certains passages et certaines descriptions (parfois laconiques) contre la claire ordonnance du Christ, en Matthieu 28. 19:
Allez donc, et faites disciples toutes les nations, baptisant ceux-ci pour le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit...
Ici, le Christ envoie les siens à l'assaut du monde entier ; il vise les nations comme telles ; ces nations ne sont pas une juxtaposition artificielle d'individus de plus de 18 ans, mais bien plutôt l'ensemble des familles de la terre en toutes les personnes qui les composent (cf. Matthieu 25. 32). Ce sont ces nations qui, dans les personnes que le Seigneur ajoute à l’Église, seront sauvées. Et ces personnes sont celles que nous avons le mandat de baptiser et d'enseigner. Il est alors IMPOSSIBLE - compte tenu de cette nature organique des nations - qu'il ne se trouve pas de nourrissons parmi ces personnes.
Dès lors, tout comme l'institution du baptême par notre Seigneur rend incontestable qu'il faut baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, elle rend incontestable le fait qu'il convient de baptiser même des petits enfants.
A) C'est une très mauvaise idée de recourir à des textes comme 1 Pierre 3. 21 pour abolir cet ordre. Dans le texte de Pierre - dont les anabaptistes abusent - l'apôtre écrit en effet que le baptême sauve, étant ἐπερώτημα d'une bonne conscience devant Dieu. Or les traducteurs rendent souvent ce mot par "engagement". De là, les anabaptistes exultent, en faisant remarquer qu'un nourrisson ne peut pas s'engager ; donc, qu'il ne peut pas non plus être baptisé. Mais cette lecture, aussi rapide que triomphaliste, n'a aucune valeur. En effet, le mot ἐπερώτημα n'apparaît qu'une seule fois dans le Nouveau Testament et sa traduction s'en trouve incertaine. C'est pourquoi d'autres traduisent par "demande", "stipulation", "interrogation", etc. Si certains passages des Écritures sont d'interprétation plus difficile "à cause de quelques mots obscurs", 1 Pierre 3.21 en fait assurément partie ! Fondera-t-on un dogme sur un mot qui, de l'avis général, est difficile à comprendre ?
En outre, quelle que soit la signification précise du mot ἐπερώτημα, Pierre parle de ce qui nous est donné dans le baptême (le salut) et non pas de ce que nous y faisons (3). Autrement dit : les néophytes sont les récipiendaires du baptême; ils n'en sont donc pas les auteurs. A ce titre, si les anabaptistes avaient raison, on devrait dire que les hommes se baptisent, puisque cela traduirait le fait qu'ils s'engagent; mais cela ne se rencontre pas plus sous la plume de Pierre que dans le reste du Nouveau Testament, où les hommes sont baptisés (voie passive); si l'on veut faire de "engagement" le synonyme de "baptême" (ou sa signification profonde) on ne devra pas dire que l'homme s'engage, mais qu'il est engagé par le baptême. Or, un nourrisson ne peut peut-être pas s'engager, mais il peut être engagé.
B) De même, revoir et corriger l'institution du baptême (Matthieu 28. 19) par quelques rapports du livre des Actes à ce sujet mène à d'insolubles problèmes ; car si nous n'y lisons pas explicitement de baptêmes de nourrissons, nous n'y lisons pas non plus de baptême conféré au nom de la Trinité. Pis encore, nous y trouvons systématiquement la référence unique au nom du Seigneur Jésus, ou simplement du Seigneur (Actes 2. 38 / 8. 16 / 10. 48 / 19. 4, etc.) De là, certaines sectes ont d'ailleurs conclu que l'exemple des apôtres prouvait (nonobstant les paroles de Jésus) que la formule correcte, biblique et apostolique était: "Je te baptise au nom du Seigneur Jésus" (4). Contredire l'institution seigneuriale du baptême par quelques comptes rendus de la pratique apostolique est donc une démarche erronée et qui tend à renverser toute la hiérarchie maître/disciples.
B) De même, revoir et corriger l'institution du baptême (Matthieu 28. 19) par quelques rapports du livre des Actes à ce sujet mène à d'insolubles problèmes ; car si nous n'y lisons pas explicitement de baptêmes de nourrissons, nous n'y lisons pas non plus de baptême conféré au nom de la Trinité. Pis encore, nous y trouvons systématiquement la référence unique au nom du Seigneur Jésus, ou simplement du Seigneur (Actes 2. 38 / 8. 16 / 10. 48 / 19. 4, etc.) De là, certaines sectes ont d'ailleurs conclu que l'exemple des apôtres prouvait (nonobstant les paroles de Jésus) que la formule correcte, biblique et apostolique était: "Je te baptise au nom du Seigneur Jésus" (4). Contredire l'institution seigneuriale du baptême par quelques comptes rendus de la pratique apostolique est donc une démarche erronée et qui tend à renverser toute la hiérarchie maître/disciples.
De toute évidence, dans l'Évangile (Matthieu 28) Jésus a instruit ses disciples (et nous-mêmes!), un peu comme on formerait des séminaristes, tandis que dans le livre des Actes, Luc nous rapporte en termes plus simples les activités apostoliques. Une même perspective est employée dans un autre texte du Ier siècle, la Didachè, qui, lorsqu'elle veut instruire précisément sur la façon de baptiser, enseigne de le faire "au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit" (Didachè 7. 1) tandis que, lorsqu'elle évoque simplement la nécessité et la réception de ce baptême, elle résume laconiquement son propos en parlant des "baptisés au nom du Seigneur" (Didachè 9. 5).
Si, donc, les mots expressément employés dans le livre des Actes ("au nom du Seigneur") ne peuvent pas renverser l'ordre du Christ ("au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit"), combien moins le silence relatif du livre des Actes peut-il renverser ce même ordre qui, nous l'avons vu, englobe et vise aussi bien les petits enfants que les adultes!
Du reste, dans cette perspective (5), tous les autres arguments de cet ordre s'effondrent ; car si le livre des Actes ne mentionne pas expressément de baptêmes de nourrissons, les anabaptistes doivent nous dire si cela est dû au fait que les apôtres n'ont jamais croisé de nourrissons, ou si c'est parce qu'ils les ont toujours exclus des maisons qu'ils baptisaient.
Dans le premier cas, comment savoir qu'ils ne les auraient pas baptisés, si la situation s'était présentée ?
Dans le second cas, comment expliquer que l'exception notoire des plus jeunes enfants ne soit jamais signalée, lorsque sont rapportés ces baptêmes de maisons entières (Actes 16. 15) ? On voit que dans le premier cas, le silence des Actes n'aide en rien le dogme anabaptiste ; et que dans le second cas, il condamne même ce dogme. Quant à nous, l'ordre du Christ demeure suffisant pour tout, et l'exemple apostolique, loin de désavouer notre compréhension, la conforte par ce que nous venons d'en dire.
A suivre...
Du reste, dans cette perspective (5), tous les autres arguments de cet ordre s'effondrent ; car si le livre des Actes ne mentionne pas expressément de baptêmes de nourrissons, les anabaptistes doivent nous dire si cela est dû au fait que les apôtres n'ont jamais croisé de nourrissons, ou si c'est parce qu'ils les ont toujours exclus des maisons qu'ils baptisaient.
Dans le premier cas, comment savoir qu'ils ne les auraient pas baptisés, si la situation s'était présentée ?
Dans le second cas, comment expliquer que l'exception notoire des plus jeunes enfants ne soit jamais signalée, lorsque sont rapportés ces baptêmes de maisons entières (Actes 16. 15) ? On voit que dans le premier cas, le silence des Actes n'aide en rien le dogme anabaptiste ; et que dans le second cas, il condamne même ce dogme. Quant à nous, l'ordre du Christ demeure suffisant pour tout, et l'exemple apostolique, loin de désavouer notre compréhension, la conforte par ce que nous venons d'en dire.
A suivre...
Bucerian
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(1) Martin Luther, Traité du serf arbitre, Préface.
(2) Ibid.
(3) D'ailleurs,
si le baptême devait être essentiellement l’œuvre du baptisé, l'apôtre,
en écrivant que "le baptême nous sauve" serait en train de dire que les
hommes se sauvent par leur œuvre, qui plus est une œuvre cérémonielle :
sa théologie se situerait alors entre celle du pape, de Pélage et de
Caïphe !
(4) Selon eux "Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit" ne serait qu'une sorte de commentaire destiné à nous expliquer le sens profond du baptême, qu'il faudrait pourtant (formellement) administrer au seul nom du Seigneur Jésus. D'autres sectes plus radicales ne craignent pas d'accuser Matthieu 28. 19 d'être un pur et simple ajout tardif de la part de copistes hérétiques (!)
(5) Il en va de même pour la Cène du Seigneur, qui a été instituée sous les deux espèces (pain et vin) mais que le livre des Actes désigne laconiquement sous le terme "fraction du pain" (2: 42). Une fois encore, la Didachè suit cet usage (9: 2 / 14: 1). On aurait tort de prendre la dernière formule comme un argument en faveur de la communion sous une seule espèce, comme crurent pouvoir le faire, au XVIe siècle, certains "théologiens" papistes.
(5) Il en va de même pour la Cène du Seigneur, qui a été instituée sous les deux espèces (pain et vin) mais que le livre des Actes désigne laconiquement sous le terme "fraction du pain" (2: 42). Une fois encore, la Didachè suit cet usage (9: 2 / 14: 1). On aurait tort de prendre la dernière formule comme un argument en faveur de la communion sous une seule espèce, comme crurent pouvoir le faire, au XVIe siècle, certains "théologiens" papistes.
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