Explication de l'oraison dominicale (9)
Dans cette prière, nous
demandons à Dieu de nous préserver et délivrer de toute espèce de mal,
tant du corps que de l’âme, tel que la peste, la famine, les discordes,
les guerres, les fléaux destructeurs et aussi les tourments de
l'enfer.
Remarquez que cette prière
occupe le dernier rang dans l'Oraison dominicale. Pourquoi ? Parce
qu'il se trouve une quantité de personnes qui n'invoquent Dieu et les
saints que pour obtenir la délivrance de leurs maux, sans avoir à cœur
ni la gloire, ni le nom, ni la volonté du Seigneur. Uniquement
préoccupées de leurs propres intérêts, elles intervertissent l'ordre et
le but de la prière, commençant par où l'on doit finir et n'arrivant
jamais aux trois premières demandes. La raison en est simple : elles
veulent à tout prix être délivrées de leurs souffrances. Que la gloire de
Dieu y soit intéressée ou non, peu leur importe. Que sa volonté
s'accorde ou qu'elle ne s'accorde pas avec leurs vœux, elles n'en ont
nul souci.
Nous, au contraire, voici
comme nous devons prier : « O mon Père ! accablé de maux et de
souffrances, en butte aux misères et aux afflictions de ce monde,
oppressé par la crainte de l'enfer, je viens à toi. Sauve-moi, si
toutefois cela peut servir à ta gloire et à la réalisation de tes vues.
Sinon que ta volonté soit faite et non la mienne ; car ta gloire et ta
volonté me sont plus chères que ne le sont ma paix et mon bonheur dans
le temps et dans l'éternité. » Une prière conçue dans de tels
sentiments ne peut qu'être agréable à Dieu et sera certainement exaucée.
Toute requête au contraire qu'on présente dans des dispositions
différentes, déplaît à Dieu et n'est point écoutée. Puisque cette
vie n'est qu'un tissu de maux qui donnent lieu à des tentations sans
cesse renouvelées, ne prions Dieu de nous délivrer du mal qu'à cause des
péchés qui en résultent, et dans le
seul désir que sa volonté s'accomplisse, que son règne vienne et que son saint nom soit glorifié.
Amen.
Le mot Amen est d'origine hébraïque. Il signifie en français : en vérité, oui certainement ; et exprime la foi dont doit être animé celui qui prie ; car Jésus dit : Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez; et cela vous sera accordé (Marc XI, 24); et ailleurs : Quoi que vous demandiez en priant Dieu, si vous croyez, vous le recevrez (Matth. XXI, 22). C'est pour s'être opiniâtrée à croire, que la femme cananéenne
obtint ce qu'elle avait désiré, et reçut du Seigneur ce témoignage
approbatif : O femme ! ta foi est grande; qu'il te soit fait comme tu le souhaites (Matth. XV, 28). Et saint Jacques nous adresse ce sévère avertissement : Que si quelqu'un demande une chose à Dieu, qu'il la demande avec foi, ne doutant nullement, car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité du vent et jeté çà et là. Qu'un tel homme ne s'attende point de recevoir aucune chose du Seigneur (Jacq. I, 5-7). Ainsi, comme dit le sage (Ecclés. VII, 9) : La fin de la prière vaut mieux que le commencement. Car votre amen prononcé
avec foi est le sceau royal que Dieu vous permet d'apposer à votre
pétition, et qui d'avance vous en garantit le succès. Mais si le cachet
manque, ou qu'il soit contrefait, votre placet est nul et Dieu le
regarde comme non avenu. Quiconque donc se dispose à prier doit
préalablement s'examiner, pour voir s'il a la confiance que Dieu
l'exaucera, ou si le doute assiège son cœur. Et s'il se trouve qu'il n'est pas pleinement convaincu de l'efficacité de la prière, s'il craint de s'abuser
en y attachant l'espérance du succès, s'il n'y recourt, comme à une
loterie, que pour tenter la fortune : oh! alors qu'il s'abstienne. Sa requête ne serait point acceptée. Vous ne pouvez rien donner à l'homme dont la main se retire au moment où vous vous disposiez à y verser vos largesses. Dieu, de même, ne
peut déposer ses grâces dans le cœur mal affermi, flottant et inquiet,
qui se tourne à gauche et à droite, au lieu de se tenir tranquille pour
recueillir les dons de sa munificence. D'ailleurs voyez combien par une
pareille conduite on offense Dieu ! Un de vos frères a sollicité votre
secours dans les termes les plus émouvants. Déjà il a reçu de votre
bouche les assurances les plus encourageantes, mais il termine, comme
pour se narguer de votre empressement, par vous déclarer en face qu'il
n'attend rien de vous. Je vous vois, tout rouge d'indignation, retirer
votre main, révoquer vos promesses et vous faire violence pour ne pas
châtier l'insolent qui s'est ainsi joué de vous. Et Dieu souffrira-t-il,
qu'une supplique à la main et l'incrédulité dans le cœur, on vienne le braver jusque dans son sanctuaire? Il est le Dieu de toute
vérité. Il s'est engagé de la manière la plus solennelle à nous accorder
tout ce que nous lui demanderons au nom de son Fils. Et l'on ose
l'aborder avec la crainte, avec la presque certitude de faire une
démarche inutile ! N'est-ce pas déclarer menteur le Saint des saints?
n'est-ce pas se faire de la prière une arme pour l'insulter ? n'est-ce
pas lui renvoyer, comme un défi, les paroles suppliantes qu'il a
lui-même placées sur nos lèvres.
Amen veut dire : vraiment, en vérité, certainement. Nous marquons par ce mot la confiance assurée que nous avons d'être exaucés. C'est comme si nous disions : « Mon Dieu et mon Père, je ne doute point que tu ne m'accordes les choses que je t'ai demandées. Ce n'est pas que je fonde mon espérance sur les mérites de ma prière, mais je m'appuie sur ton commandement et sur tes promesses. C'est toi qui m'as ordonné de prier ainsi. Or je sais que tu es un Dieu de vérité, et que le mensonge n'habite point en toi. Quelle que soit donc ma propre indignité, l'immutabilité de ta parole me rassure : je crois et ne doute point que ma prière ne soit amen et ne demeure ». Je ferai remarquer à cette occasion qu'il est d'une extrême importance que notre espoir d'être exaucés repose sur Dieu seul et non sur nous. Plusieurs ne veulent pas croire que leurs prières soient exaucées tant qu'ils ne sentent pas (ou imaginent sentir) qu'elles ont été faites d'une manière digne et convenable ;
ils les annulent ainsi, car ils ne peuvent les faire de tout leur cœur ;
leurs lèvres prient, et leur cœur dit que c'est en vain qu'ils
demandent. Ils bâtissent sur eux-mêmes, sur le sable ; ils seront tous
rejetés. Aucune de nos prières n'est telle qu'elle devrait être, aucune n'est en elle-même digne d'être exaucée; la parole et la vérité de Dieu peuvent seules
justifier nos espérances. Car si Dieu ne nous avait ordonné de prier
avec promesse de nous écouter, toutes les créatures ensemble ne
pourraient, par leurs supplications réunies, obtenir un seul grain de
sable. Qu'on sache donc que les bonnes prières ne sont pas celles qui se distinguent par leur longueur, par leur
multiplicité, par leur onction, par leur ferveur, ni par leur
spiritualité ; mais ce sont celles qui, toutes imparfaites et toutes
défectueuses qu'elles puissent être en elles-mêmes, s'appuient
exclusivement et avec une ferme confiance sur les infaillibles promesses
de l’Éternel. En un mot : Ce qui constitue le mérite de vos prières, c'est la parole et la promesse de Dieu, non votre ferveur et votre dévotion. Croire fermement à sa parole est la seule véritable dévotion, sans laquelle toute autre n'est qu'erreurs et illusions.
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