St Irénée de Lyon et les fadaises papales
Dans une précédente annotation, j'ai souligné que l’Église chrétienne, en chacun de ses membres, est gardienne de la vérité évangélique.
Mais les partisans de la dénomination romaine rétorquent que, depuis le deuxième siècle au moins, la prétention de la papauté à être la gardienne universelle de la vérité, est confirmée. Les papistes soulignent avec force que st Irénée de Lyon (~130-202) aurait écrit – au sujet de l’Église de Rome:
" (…) avec cette Église, en raison de son origine plus excellente doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout " (1) .
Cela voudrait donc dire que, contrairement à ce que laisse entendre le « nous » du Credo, le gardien de la Vérité ne serait pas simplement L’Église de Dieu – capable, donc, de pouvoir juger n'importe quel évêque -- mais c'est bien plutôt l'évêque de Rome qui garderait la Vérité, au point que tout le peuple de Dieu serait inféodé à sa prédication. La première réaction d'un chrétien devrait être de dire, ici, que « nous » ne sommes pas plus impressionnés par l'autorité personnelle de st Irénée que par celle, ministérielle, des papes qui disent se fonder sur st Irénée... D'ailleurs, st Irénée de Lyon n'ayant pas exercé la fonction de pape, personne ne pourra dire qu'il jouissait d'une infaillibilité particulière en écrivant ces choses.
Mais les partisans de la dénomination romaine rétorquent que, depuis le deuxième siècle au moins, la prétention de la papauté à être la gardienne universelle de la vérité, est confirmée. Les papistes soulignent avec force que st Irénée de Lyon (~130-202) aurait écrit – au sujet de l’Église de Rome:
" (…) avec cette Église, en raison de son origine plus excellente doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout " (1) .
Cela voudrait donc dire que, contrairement à ce que laisse entendre le « nous » du Credo, le gardien de la Vérité ne serait pas simplement L’Église de Dieu – capable, donc, de pouvoir juger n'importe quel évêque -- mais c'est bien plutôt l'évêque de Rome qui garderait la Vérité, au point que tout le peuple de Dieu serait inféodé à sa prédication. La première réaction d'un chrétien devrait être de dire, ici, que « nous » ne sommes pas plus impressionnés par l'autorité personnelle de st Irénée que par celle, ministérielle, des papes qui disent se fonder sur st Irénée... D'ailleurs, st Irénée de Lyon n'ayant pas exercé la fonction de pape, personne ne pourra dire qu'il jouissait d'une infaillibilité particulière en écrivant ces choses.
Néanmoins, il ne serait pas juste d'abandonner précipitamment les écrits de l'évêque de Lyon aux mains des sectateurs romains, et il convient de faire remarquer que ce texte-même, loin de donner raison aux papalistes, confirme, contre eux, notre doctrine.
NB: Pour l'explication qui suit, je suis, essentiellement, l'argumentation déjà soutenue par le père Wladimir Guettée (1816-1892) dans son libre « De la Papauté ». De même, cet article en anglais :
* * *
D'abord, st Irénée affirme, plus haut dans son texte, que la Tradition qu'il défend se trouve également, et pour des raisons similaires, dans toutes les Églises fondées par les Apôtres. « Mais », ajoute-t-il, « comme il serait trop long, dans un ouvrage tel que celui-ci, d'énumérer les successions de toutes les Églises, nous prendrons seulement l'une d'entre elles, l'Église très grande, très ancienne et connue de tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul fondèrent et établirent à Rome. »
Quoi de surprenant dans ces mots ? St Irénée a besoin d'un exemple, il prend pour pour cela une Église « très grande, très ancienne et connue de tous », celle à qui st Paul a écrit, dans laquelle il a vécu un temps et a subi le martyr – ainsi que st Pierre. Certes, st Irénée aurait pu mentionner l’Église de Jérusalem, encore plus ancienne, et non des moindres. Néanmoins, Rome était aussi la capitale de l'empire, le « centre du monde » et, à ce titre, il n'y avait sans doute aucune Église, dans aucune ville, qui pouvait se prévaloir d'une plus grande notoriété.
St Irénée poursuit en disant que la Tradition s'est conservée à Rome, à travers une succession légitime de pasteurs, de sorte qu'en comparant la doctrine de l’Église romaine de son époque avec les élucubrations des groupuscules gnostiques, il ressortira que ceux-ci sont des factions illégitimes. Et il poursuit en disant : « Car toute Église, c'est à dire les fidèles qui sont de partout, sont obligés de « CONVENIRE AD » cette Église, à cause de la «POTENTIOREM PRINCIPALITATEM » ; dans cette Église, la tradition qui vient des Apôtres a été conservée par ceux qui sont de partout ».
« Ad hanc enim ecclesiam propter potentiorem principalitatem necesse est omnem convenire ecclesiam, hoc est eos qui sunt undique fideles, in qua semper ab his qui sunt undique conservata est eaquae est ab apostolis traditio. »
Les sectateurs romains (comme on le voit dans l'extrait de leur catéchisme) aiment rendre « convenire ad » par « s'accorder avec ». Les fidèles de partout devraient donc nécessairement s'accorder avec Rome en raison de la « potentiorem principalitatem », en quoi ils voient sa primauté du siège romain.
Pourtant, dans la Vulgate par exemple, lorsqu'il est question de s'accorder avec quelqu'un, ce n'est pas « convenire ad » qui est employé, mais « convenire cum ». Ainsi, en Matthieu 20. 13 :
''Il répondit à l'un d'eux: Mon ami, je ne te fais pas tort; n'es-tu pas convenu avec moi d'un denier? '' (convenisti mecum) .
Mais « Convenire ad » s'emploie plutôt pour désigner des réunions physiques, comme en Actes 20. 7:
'' (...) Il se tenait dehors, dans des lieux déserts, et l'on venait à lui de toutes parts. ' (conveniebant ad).
St Irénée est donc en train d'expliquer qu'en raison de la situation de Rome, les fidèles de partout sont obligés de s'y rendre (et non de s'accorder avec). Cela est encore souligné par l'usage de l'adverbe « undique » (de partout) plutôt que par « ubique » (partout) ; car st Irénée ne dit pas que les fidèles qui sont partout doivent convenire ad Rome mais que les fidèles qui sont de partout doivent « convenire ad » Rome, ce qui renforce l'idée de déplacement et de provenance plutôt que d'entente universelle.
Naturellement, les fidèles viennent à Rome de toutes parts en raison de la situation de cette ville : « POTENTIOREM PRINCIPALITATEM » (la plus puissante principauté). Et cela s'accorde avec ce qui a été dit, à savoir que st Irénée prend Rome pour établir sa démonstration, parce que sa place privilégiée dans l'empire fait d'elle le lieu le mieux connu de tous (2). Or, st Irénée écrit que dans cette Église, la tradition qui vient des Apôtres a été conservée par ceux (ab his) qui sont de partout .
Ce passage nous montre donc que, pour st Irénée de Lyon, ce n'est pas le charisme particulier de l’Église romaine qui a préservé la vraie foi, chez les membres du sacerdoce universel, mais que c'est au contraire le sacerdoce universel des baptisés qui a préservé la vraie foi dans l’Église particulière de Rome – cette dernière ayant été comme incessamment contrôlée et régulée par les fidèles venus (pour régler leurs affaires civiles) de partout.
Bucerian
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(1)
Citation tirée du Catéchisme de l’Église
catholique romaine
§ 834. Le même texte est invoqué par le concile Vatican I
(Denzinger § 3057). St Irénée écrit ces choses dans Contre
les Hérésies
III, iii, 2.
(2) A l'appui de
cette lecture, Wladimir Guettée (De la papauté) faisait
valoir que les pères d'un concile, en 341, à Antioche, avaient eu
un raisonnement similaire à celui de st Irénée, en décrétant
(canon IX) que :
« Il
faut que les évêques qui sont établis dans chaque province sachent
que l'évêque de la ville métropole est chargé du soin de toute la
province, parce que tous ceux qui ont des affaires viennent de
toutes parts à la métropole. C'est pourquoi il a paru
convenable de lui accorder un honneur supérieur »
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