Euthanasie, Canada


Justice certaine ou certaine justice? 





Rien de plus dangereux que cet axiome reçu
- Il faut consulter l'esprit de la loi.
(Beccaria, Des délits et des peines, chapitre IV) 



D’évidence, l’arrêt Carter contre Canada pèche contre deux principes juridiques fondamentaux. En premier lieu, le droit à mourir dans la dignité n’implique nullement l’habilitation juridique du médecin ou du corps médical à tuer. Car, en tant que citoyen, tout individu est sujet à la loi, même en dehors du pays d’attache. A ce titre, la décision de la Cour Suprême, en la matière, a pour conséquence de créer deux catégories de citoyens, les médecins et les autres, ceux qui peuvent tuer ou non. Ce qui est inadmissible en tout État de droit moderne. Car, le médecin n’est pas un bourreau, qui agit au nom de l’État, et sur sa commission expresse, afin de protéger le bien commun, puisqu’en l’occurrence, le suicide assisté ne peut relever que du droit privé, en aucune façon de l’universalité de la loi, sous risque de faire basculer l’État dans la barbarie… Au contraire, la loi doit protéger et contraindre tout citoyen, sous risque de sombrer dans le privilège, voire le mépris. Ainsi, le caractère universel de l’obligation légale est oblitéré par ce jugement.
Deuxièmement, la fragilité de l’argument autorisant l’aide médicale à mourir est stupéfiante. En effet, elle pose comme prémisse l’hypothèse d’un risque accru de suicide, en cas de maintien de la prohibition de l’aide à mourir, alors que celui-ci est, par essence, libre, donc indéterminé. De quelle lumières surnaturelles a donc bénéficié la cour, pour ainsi prévoir ce qui est indéterminé, sui generis : la liberté? De sorte que, ce jugement relève d’un arbitraire digne de l’Ancien régime. Il est fini le temps où on gouvernait par lettres de cachet ou par ukases, même, et surtout, sous prétexte de Vertu. L’épisode de la Terreur est, à ce titre, suffisamment parlant… En conséquence, cet arrêt viole la reductio ad rem, fondement moderne de toute législation. Car, si la présomption d’innocence a remplacé la présomption de culpabilité, alors la loi ne doit s’appliquer et, raison de plus, s’élaborer, qu’en ce qui a trait à des faits avérés. Or, comment établir la probabilité du suicide, compte tenu de l’indétermination de la liberté qui le précède, fatalement?
C’est pourquoi, deux alternatives s’offrent au législateur : ou bien, la réouverture du dossier constitutionnel, ou bien la création de zones de non-droit, sortes de no man’s land, où le médecin bénéficierait de la complaisance de l’État, en ce qui concerne l’aide à mourir dans la dignité. De sorte que, l’universalité de l’obligation légale ne serait plus violée, ni son assise prosaïque, avec cette particularité que le médecin non plus ne serait pas protégé par la loi. Ainsi, n’importe quel citoyen, dans ces zones, pourrait aussi bénéficier de la tolérance de l’État, pour l’exécution d’une certaine justice… 

A. Rioux

Commentaires

Anonyme a dit…
L'article premier, de la Charte de 1982, formule que la garantie des droits peut être limitée. Or, compte tenu que le premier devoir de l’État consiste non pas à protéger la somme des droits individuels, ce qui mènerait inévitablement à l’anarchie, mais à promouvoir le bien commun, source desdits droits, alors, puisque le premier bien est la vie des citoyens, l’État ne peut en aucun cas autoriser quiconque à tuer, directement, indirectement, inciter à tuer, abréger la vie, euthanasier, assister le suicide etc… Sinon, l’État ne défendrait plus le bien commun, dont la protection de la vie des citoyens est son ultime devoir. Ainsi, l’arrêt de la cour suprême Carter c. Canada ruine le fondement même de toute société démocratique et contrevient, de la sorte, à l’article premier de la constitution de 1982.
Anonyme a dit…
Comment appeler société une communauté politique composée de la somme des droits individuels, non plutôt orientée par le bien commun, qui consiste en la protection de la vie de ses citoyens (salus plebs suprema lex), laquelle vie est la condition de possibilité de l'existence de tous les autres droits?
De sorte que, pour régler définitivement la question de l’euthanasie, le gouvernement fédéral n’a qu’à promulguer une loi définissant la société, comme communauté politique arrimée au bien commun, lequel bien consiste, prima faciae, en la protection de la vie de ses citoyens. Ainsi, les juges de la cour suprême devront tenir compte de cette définition, s’appliquent à l’article premier de la Charte de 1982. Alors, il ne sera plus question de hiérarchiser les droits mais plutôt de les situer dans le cadre légal qui les réalise: l’État. Enfin, cette proposition n’est pas plus saugrenue que la fameuse loi sur la « clarté référendaire », laquelle définit les conditions constitutionnelles d’une sécession d’un province, sans rouvrir la Constitution, alors, pourquoi, n’en serait-il pas de même pour la définition du concept de société politique?

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