Eglise et esprit individualiste
I. Présence et action objective du Seigneur dans l’Église
1. L'esprit individualiste n'envisage de relation qu'entre le Seigneur et chaque croyant séparément. Dans ce cadre, l’Église est une notion superflue et indifférente:
qu'elle existe ou non,
qu'elle soit une ou divisée en mille morceaux,
reste, encore et toujours, ce même fait: la relation Dieu/individu.
Pour s'accommoder des mots de l’Écriture, on parlera alors d'Eglise mais dans un sens finalement tout abstrait, en envisageant la seule Église invisible, que chacun imagine à son image.
2. Un tel esprit s'accorde mal avec les Promesses évangéliques:
"Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d'eux" (Matthieu 18. 20).
Car, dans la pensée individualiste, cette Promesse se réduit finalement à ceci:
"Là où deux ou trois sont assemblés en mon Nom, je suis, encore, toujours et simplement, avec celui qui croit".
Dans le cas d'une petite Église composée d'un vrai fidèle et d'un hypocrite, la Promesse serait vidée de sens:
ce serait comme s'il n'y avait pas d'assemblée du tout, et le propos de l’Écriture s'en trouverait renversé.
3. Il ne faut donc pas imaginer une somme d'individus autosuffisants, juxtaposés les uns aux autres, mais considérer l’Église visible comme un organisme (1Co 12) avec lequel, en tant que tel, Dieu est en relation.
A l'intérieur de cet organisme, certes, seuls les vrais croyants vivent [de] cette relation à Dieu, tandis que les membres illégitimes finiront par être retranchés, selon Jean 15. 1-6.
Mais en attendant, ils se trouvent dans cet organisme de sorte que, même une assemblée composée d'un fidèle et d'un hypocrite, reste une assemblée pour laquelle s'applique la promesse mentionnée plus haut (Matthieu 18. 20).
Conséquence: il y a donc une présence et action objectives de Dieu dans l’Église en tant que telle, non pas considérée de façon abstraite ou invisible, mais comme Église visible et locale.
II. Applications liturgiques
On fera au moins trois applications de ce principe: pour la prière, le baptême, l'eucharistie.
1. La prière: Un individualiste ne comprendra pas pourquoi Jésus fait une promesse d'exaucement comme celle de Matthieu 18. 19.
Or, il n'est pas question pour nous de nier l'efficacité de la prière que le croyant fait seul chez lui;
cependant, la prière "individuelle" est écoutée d'autant que le croyant se situe dans la communion des saints ("Notre Père", Matthieu 6. 9), laquelle communion est incarnée, en principe, dans la vie d'une Église bien visible.
2. Le baptême: L'esprit individualiste, c'est l'esprit de secte (voir notre I § 1).
Et l'on sait combien l'anabaptisme est propice aux sectes d'autant que pour l'anabaptisme, il ne semble pas y avoir de relation Dieu/Église, mais, uniquement, une relation Dieu/individus.
La société spirituelle (ecclésiale, mais aussi familiale), en tant que telle, est ignorée.
Conséquence: l'enfant est mis en "stand by" jusqu'au moment où il pourra débuter, pour lui, une relation avec Dieu (je formule ainsi car, dans 99% des cas, l'anabaptisme est arminien).
Or, il semble bien que la Bible appréhende le sujet autrement:
L'enfant, en tant que membre de la cellule familiale d'un chrétien, a sa place dans l'organisme "Église", où Dieu est présent et où il agit. Ce faisant, l'individualisme est doublement désavoué.
Et que l'enfant soit converti à Dieu dès le baptême, ou plus tard (ou jamais?), cela est une autre question.
3. Pour l'eucharistie: Les papistes ont déraillé en songeant que leur prêtre serait une sorte de sorcier, capable de transformer du pain quand bien même il serait seul chez lui (Th d'Aquin, Somme théologique, III, a Q. 78 a 1, ad 4).
A cela, tous les Protestants objectent que l'efficace du sacrement repose sur la Parole du Seigneur (Conf. Helv. Post. xxi. 1// Livre de concorde § 1052) et que ces Paroles ne sont pertinentes que dans un cadre liturgique, c'est-à-dire lorsque l'Eglise est assemblée (LdC § 1054 // Conf. Helv. Post. xxi. 12).
Donc, selon les principes énoncés plus haut, le Christ est présent dans l'Assemblée, pour l'Assemblée, même si seuls les vrais croyants s'en nourrissent effectivement --tandis que les indignes prennent le sacrement (avec ce qu'il signifie) pour leur jugement, leur correction et que, lorsqu'ils persévèrent dans le mal, ils sont finalement retranchés de l'Eglise.
Conclusion:
Sans être constituée de "rites magiques", la vie de l’Église, établie sur la Parole agissante de Dieu, est manifestée et entretenue dans des actes spirituels, qui ont une force objective pour tous ses membres.
Une force, non seulement didactique mais spirituelle, redoutable, pour le meilleur ou pour le pire:
--> Le croyant y trouve, en effet, la vie et l'incorruptibilité.
--> L'incroyant y trouve, non pas rien, mais le jugement, un esprit d'endurcissement et la mort (Jean 13. 27// 2Thessaloniciens 2. 10-11, etc.)
Et cela semble perceptible quand on considère les dérives démoniaques qui se manifestent dans nos sociétés apostates, et ce dans des domaines où la grâce "commune" permet à des sociétés pourtant païennes de se maintenir dans le bon sens le plus élémentaire...
Bucer
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