Notre seule défense, lors du dernier jugement.
SAINT AUGUSTIN
TRAITÉS SUR L'ÉPÎTRE DE SAINT JEAN AUX PARTHES.
PREMIER TRAITÉ.
DEPUIS CES PAROLES DE JEAN : « CE QUI A ÉTÉ DÈS LE COMMENCEMENT, CE QUE NOUS AVONS ENTENDU, ET CE QUE NOUS AVONS VU DE NOS YEUX », JUSQU'A CES AUTRES : « PARCE QUE LES TÉNÈBRES L'ONT AVEUGLÉ ». (Chap. I, et Chap. 11, 1-11.)
LUMIÈRE ET TÉNÈBRES.
7. De ce que l'Apôtre a dit : « Il est fidèle et juste pour nous purifier de toute iniquité », nul n'a le droit de conclure qu'il laisse le péché impuni; les hommes ne sont pas davantage autorisés à dire : Commettons à loisir le péché ; faisons en toute tranquillité ce que nous voulons; le Christ nous purifie de toute iniquité ; il est fidèle et juste pour nous ôter la souillure de nos fautes; en effet, il t'enlève cette pernicieuse sécurité et t'inspire une crainte salutaire. Tu veux jouir d'une tranquillité fausse, sois plutôt en proie à l'inquiétude ; car, s'il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés, c'est à la condition que tu te déplairas à toi-même et que tu te convertiras au point de devenir parfait. C'est pourquoi tu lis ensuite : « Mes petits enfants , je vous écris ces choses afin que vous ne vous rendiez point coupables de péché ». Mais peut-être, par suite
1. Ps. I, 11, 5.— 2. Rom. III, 4.
de la faiblesse humaine, te laisses-tu aller à quelque faute? Qu'en adviendra-t-il? Eh quoi ! y aurait-il lieu de tomber dans le désespoir? Ecoute : « Cependant », dit l'Apôtre, « s'il arrive que quelqu'un pèche, nous avons pour avocat, auprès de Dieu, Jésus-Christ le juste ; et lui-même est la victime de propitiation pour nos péchés ». Il est donc notre avocat; il met tous ses soins à ne pas te laisser périr. Si, en conséquence de ton infirmité naturelle, une fauté vient à t'échapper, reconnais-le aussi vite, repens-toi, sans tarder, de ta faiblesse, et, en même temps, prononce ta condamnation; en te condamnant toi-même, tu n'auras plus aucune crainte de paraître devant le souverain Juge. A son tribunal se trouve pour toi un avocat : donc, ne tremble pas; puisque tu as fait l'aveu de tes péchés, ta cause est bonne. Dans le cours de notre vie, il nous arrive parfois de confier notre défense à une langue exercée, et, par là, on se sauve; tu te confies au Verbe, et tu périrais ! Crie : « Nous avons un avocat auprès de Dieu ».
8. Voyez comme l'apôtre Jean a conservé l'humilité; évidemment, c'était un homme juste, un grand homme; il puisait au coeur de Jésus des secrets mystérieux. Cet homme, oui, cet homme qui, après en avoir puisé la connaissance au coeur du Christ, nous a révélé la divinité en ces termes: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu (1) », cet homme n'a pas dit : Vous avez un avocat auprès du Père; mais : « S'il arrive que quelqu'un pèche, nous avons un avocat». Il ne dit point :Vous avez un avocat; ni : Vous m'avez pour avocat; ni : Vous avez un avocat dans le Christ lui-même ; il parle du Sauveur, mais non de sa propre personne: « Nous avons », dit-il, au lieu de dire : Vous avez. Il a mieux aimé se ranger dans le nombre des pécheurs, afin d'avoir Jésus-Christ pour avocat, que d'usurper la place du Rédempteur et de prendre place parmi les orgueilleux destinés à périr. Mes frères, nous avons pour avocat, auprès du Père, Jésus-Christ le juste, et lui-même est la victime de propitiation pour nos péchés. Quiconque a cru à ce point de doctrine, n'est point tombé dans l'hérésie; quiconque s'en est tenu là, n'est point devenu schismatique. Car, d'où viennent les schismes? De ce que les hommes disent : Nous sommes des
1. Jean, I, 1.
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justes, et qu'ils ajoutent : Nous sanctifions nous-mêmes ceux qui n'ont pas la conscience pure; nous justifions les impies; c'est nous qui demandons et qui obtenons. Pour Jean, que dit-il? « S'il arrive que quelqu'un pèche, « nous avons pour avocat, auprès du Père , Jésus-Christ le juste ». Mais, dira quelqu'un, les saints n'intercèdent-ils pas en notre faveur? Les évêques et ceux qui gouvernent le peuple chrétien ne prient-ils point pour lui ? Remarquez, s'il vous plaît, les paroles de l'Ecriture, et vous verrez que les chefs du peuple se recommandent eux-mêmes à ses prières; car voici ce que l'Apôtre disait à ses disciples : «Vous aussi, priez pour nous (1) ». L'Apôtre prie pour le peuple, et le peuple prie pour l'Apôtre. Nous prions pour vous, mes frères; à votre tour, priez pour nous. Que tous les membres du corps prient les uns pour les autres, et que le chef intercède pour eux tous. Il n'est donc pas étonnant que l'apôtre Jean ajoute quelques mots pour fermer la bouche à ceux qui sèment la désunion dans l'Eglise de Dieu. Il venait de dire . « Nous avons Jésus-Christ le juste ; il est lui-même la victime de propitiation pour nos péchés ». Mais il devait y avoir un jour des hommes qui se diviseraient et diraient : « Le Christ est ici; non, il est là (2) »; des hommes qui voudraient faire voir, dans une portion du troupeau, celui qui l'a racheté tout entier et en possède l'ensemble ; aussi a-t-il immédiatement ajouté . « Et non-seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux de tout le monde ». Qu'est-ce à dire, mes frères? Certainement « nous l'avons a trouvée dans les campagnes couvertes de forêts (3) » ; l'Eglise se rencontre au milieu de toutes les nations. Voilà donc que le Christ « est la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux de tout le monde ». Voilà que l'Eglise se trouve dans toutes les parties du monde ; ne te mets donc pas à la remorque de gens qui ne justifient qu'en apparence, et qui, réellement retranchent de l'unité. Place-toi, au contraire, sur cette montagne qui a rempli le monde entier (4); car le Christ est « la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais pour ceux de: tout le monde », qu'il a acheté au prix de son sang.
1. Coloss. IV, 3.— 2. Matth. XXIV, 13.— 3. Ps. CXXXI, 6.— 4. Dan. II,35.
TRAITÉS SUR L'ÉPÎTRE DE SAINT JEAN AUX PARTHES.
PREMIER TRAITÉ.
DEPUIS CES PAROLES DE JEAN : « CE QUI A ÉTÉ DÈS LE COMMENCEMENT, CE QUE NOUS AVONS ENTENDU, ET CE QUE NOUS AVONS VU DE NOS YEUX », JUSQU'A CES AUTRES : « PARCE QUE LES TÉNÈBRES L'ONT AVEUGLÉ ». (Chap. I, et Chap. 11, 1-11.)
LUMIÈRE ET TÉNÈBRES.
7. De ce que l'Apôtre a dit : « Il est fidèle et juste pour nous purifier de toute iniquité », nul n'a le droit de conclure qu'il laisse le péché impuni; les hommes ne sont pas davantage autorisés à dire : Commettons à loisir le péché ; faisons en toute tranquillité ce que nous voulons; le Christ nous purifie de toute iniquité ; il est fidèle et juste pour nous ôter la souillure de nos fautes; en effet, il t'enlève cette pernicieuse sécurité et t'inspire une crainte salutaire. Tu veux jouir d'une tranquillité fausse, sois plutôt en proie à l'inquiétude ; car, s'il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés, c'est à la condition que tu te déplairas à toi-même et que tu te convertiras au point de devenir parfait. C'est pourquoi tu lis ensuite : « Mes petits enfants , je vous écris ces choses afin que vous ne vous rendiez point coupables de péché ». Mais peut-être, par suite
1. Ps. I, 11, 5.— 2. Rom. III, 4.
de la faiblesse humaine, te laisses-tu aller à quelque faute? Qu'en adviendra-t-il? Eh quoi ! y aurait-il lieu de tomber dans le désespoir? Ecoute : « Cependant », dit l'Apôtre, « s'il arrive que quelqu'un pèche, nous avons pour avocat, auprès de Dieu, Jésus-Christ le juste ; et lui-même est la victime de propitiation pour nos péchés ». Il est donc notre avocat; il met tous ses soins à ne pas te laisser périr. Si, en conséquence de ton infirmité naturelle, une fauté vient à t'échapper, reconnais-le aussi vite, repens-toi, sans tarder, de ta faiblesse, et, en même temps, prononce ta condamnation; en te condamnant toi-même, tu n'auras plus aucune crainte de paraître devant le souverain Juge. A son tribunal se trouve pour toi un avocat : donc, ne tremble pas; puisque tu as fait l'aveu de tes péchés, ta cause est bonne. Dans le cours de notre vie, il nous arrive parfois de confier notre défense à une langue exercée, et, par là, on se sauve; tu te confies au Verbe, et tu périrais ! Crie : « Nous avons un avocat auprès de Dieu ».
8. Voyez comme l'apôtre Jean a conservé l'humilité; évidemment, c'était un homme juste, un grand homme; il puisait au coeur de Jésus des secrets mystérieux. Cet homme, oui, cet homme qui, après en avoir puisé la connaissance au coeur du Christ, nous a révélé la divinité en ces termes: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu (1) », cet homme n'a pas dit : Vous avez un avocat auprès du Père; mais : « S'il arrive que quelqu'un pèche, nous avons un avocat». Il ne dit point :Vous avez un avocat; ni : Vous m'avez pour avocat; ni : Vous avez un avocat dans le Christ lui-même ; il parle du Sauveur, mais non de sa propre personne: « Nous avons », dit-il, au lieu de dire : Vous avez. Il a mieux aimé se ranger dans le nombre des pécheurs, afin d'avoir Jésus-Christ pour avocat, que d'usurper la place du Rédempteur et de prendre place parmi les orgueilleux destinés à périr. Mes frères, nous avons pour avocat, auprès du Père, Jésus-Christ le juste, et lui-même est la victime de propitiation pour nos péchés. Quiconque a cru à ce point de doctrine, n'est point tombé dans l'hérésie; quiconque s'en est tenu là, n'est point devenu schismatique. Car, d'où viennent les schismes? De ce que les hommes disent : Nous sommes des
1. Jean, I, 1.
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justes, et qu'ils ajoutent : Nous sanctifions nous-mêmes ceux qui n'ont pas la conscience pure; nous justifions les impies; c'est nous qui demandons et qui obtenons. Pour Jean, que dit-il? « S'il arrive que quelqu'un pèche, « nous avons pour avocat, auprès du Père , Jésus-Christ le juste ». Mais, dira quelqu'un, les saints n'intercèdent-ils pas en notre faveur? Les évêques et ceux qui gouvernent le peuple chrétien ne prient-ils point pour lui ? Remarquez, s'il vous plaît, les paroles de l'Ecriture, et vous verrez que les chefs du peuple se recommandent eux-mêmes à ses prières; car voici ce que l'Apôtre disait à ses disciples : «Vous aussi, priez pour nous (1) ». L'Apôtre prie pour le peuple, et le peuple prie pour l'Apôtre. Nous prions pour vous, mes frères; à votre tour, priez pour nous. Que tous les membres du corps prient les uns pour les autres, et que le chef intercède pour eux tous. Il n'est donc pas étonnant que l'apôtre Jean ajoute quelques mots pour fermer la bouche à ceux qui sèment la désunion dans l'Eglise de Dieu. Il venait de dire . « Nous avons Jésus-Christ le juste ; il est lui-même la victime de propitiation pour nos péchés ». Mais il devait y avoir un jour des hommes qui se diviseraient et diraient : « Le Christ est ici; non, il est là (2) »; des hommes qui voudraient faire voir, dans une portion du troupeau, celui qui l'a racheté tout entier et en possède l'ensemble ; aussi a-t-il immédiatement ajouté . « Et non-seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux de tout le monde ». Qu'est-ce à dire, mes frères? Certainement « nous l'avons a trouvée dans les campagnes couvertes de forêts (3) » ; l'Eglise se rencontre au milieu de toutes les nations. Voilà donc que le Christ « est la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux de tout le monde ». Voilà que l'Eglise se trouve dans toutes les parties du monde ; ne te mets donc pas à la remorque de gens qui ne justifient qu'en apparence, et qui, réellement retranchent de l'unité. Place-toi, au contraire, sur cette montagne qui a rempli le monde entier (4); car le Christ est « la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais pour ceux de: tout le monde », qu'il a acheté au prix de son sang.
1. Coloss. IV, 3.— 2. Matth. XXIV, 13.— 3. Ps. CXXXI, 6.— 4. Dan. II,35.
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