De la succession apostolique et du Symbole

 


Les Églises épiscopaliennes affirment que la succession apostolique, c'est-à-dire la chaîne ininterrompue qui relie les évêques aux apôtres, est le gage de la fidélité de l’Église à travers le temps. Cependant, l'éclatement durable des communions épiscopales (Latins contre Orientaux, puis Anglicans, etc.) ainsi que leur incapacité à s'entendre ne serait-ce que sur la liste exacte du Canon scripturaire, pose de graves questions sur la fidélité réelle de ces dynasties depuis au moins l'époque carolingienne.
De même, les épiscopaliens imaginent que la succession en question est le cadre nécessaire à l'existence de la vraie Église. Si cela était vrai, cela voudrait dire qu'un évêque au moins doit être infaillible (afin de préserver la flamme de la succession) et qu'il doit disposer des ressources nécessaires pour ressemer un tissu pastoral à l'échelle planétaire en cas de chute générale (comme celle qui s'est produite au temps du pape Honorius Ier). Autrement, on risquerait de se trouver avec une Église incapable de célébrer le sacrement eucharistique (conclusion de certains "Vieux Croyants" moscovites) ou réduite à une partie du monde (conclusion des donatistes au Ve siècle et des Palmariens aujourd'hui).

Dans ces conditions, on imagine aisément ce que pourrait être l'embarras des fidèles d'aujourd'hui, contraints d'engager des recherches généalogiques impossibles sur la réalité historique des successions alléguées par les uns et par les autres, pour (peut-être?) trouver, reclus dans une cellule d'un pays lointain, un "évêque caché", resté seul légitime...
C'est donc le lieu de rappeler que la succession apostolique, loin d'être une fin en soi, n'a jamais été plus qu'un argument apologétique au service de la foi de l’Église. Au IIe siècle, un st Irénée pouvait faire valoir simplement, et avec raison, que l'unanimité des Églises, constamment représentées par des évêques dûment installés, témoignait de l'origine apostolique de leur foi commune. Mais il est évident qu'après deux mille ans de convulsions et de divisions, les assertions contradictoires des clans épiscopaux ne servent qu'à jeter le discrédit sur chacun d'eux.

Est-ce à dire, pourtant, que l'idée de la succession apostolique est absolument vide de sens ? Je ne crois pas. Certes, cette succession n'est pas le cadre nécessaire de l’Église (seule la foi biblique l'est); mais cette "succession apostolique" ne devrait pas moins être le cadre normal de l’Église, puisqu'à moins d'une catastrophe générale (*) on devrait s'attendre à ce que les Églises soient présidées par des pasteurs se succédant dans la paix et l'unanimité générales, depuis les apôtres.
Est-ce à dire, alors, que l'argument d'un st Irénée ne peut plus avoir cours aujourd'hui ?
Il le peut, mais sous une autre forme. C'est ici qu'intervient le Symbole de Nicée-Constantinople, qui est à la chrétienté ce que le dévoilement du calendrier judiciaire, par Cnaeus Flavius, fut pour le droit romain : la publication officielle du catalogue des dogmes, autant que de leur formulation définitive, par le corps indivis des Évêques légitimes de la Grande Église. J'ai dit que cette antique unanimité était le témoignage de l'apostolicité de la foi: la voilà à jamais gravée dans le marbre, garantissant l'apostolicité de la doctrine - donc de l’Église - qui en partage les termes, tous les termes, rien que les termes.
Rome - qui n'y trouve pas son pape, les Orientaux - qui n'y trouvent pas leurs icônes, les Palmariens - qui n'y trouvent pas leur nouvelle adresse, ne peuvent sans doute pas assumer ces conditions. Nous, si.


Bucerian

 
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(*) De ce point de vue, la fin d'un tel ordre a une certaine dimension eschatologique, et même une dimension eschatologique certaine.


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