Remarques sur le baptême des enfants

 
 



Quiconque a déjà discuté de l'opportunité et valeur du baptême des enfants avec un membre d'une communauté "baptiste", a déjà été confronté aux syllogismes suivants:
 
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1) Par l'invocation du sola scriptura:
Il ne faut pas faire ce que la Bible ne dit pas.
Il n'y a pas de baptême d'enfant relaté dans la Bible.
Donc, il ne faut pas baptiser les enfants.
2) Par l'invocation du bon sens:
Le bapême est un symble d'engagement à suivre Jésus.
Un enfant ne peut pas s'engager.
Donc, il n'y a pas lieu de baptiser un enfant.
3) Par l'invocation du respect de la liberté individuelle:
Le choix d'une religion n'est pas moins intime qu'un mariage.
Or on s'oppose aux mariages arrangés des enfants.
Donc, on doit aussi s'opposer à l'adhésion imposée au christianisme que constitue le pédo-baptême.
4) Par l'invocation du sentiment:
Le baptême reçu par un adulte devient un très beau souvenir pour toute sa vie et il ressent une grande joie;
Les enfants ne se souviennent pas du jour de leur baptême;
donc, il vaut mieux ne pas les baptiser.
5) Par la suspicion et présomption d'hérésie:
On a déjà vu des fausses doctrines et de vilaines pratiques pénétrer dans l'Eglise.
Il est donc possible que le baptême des enfants en soit une.
Donc le baptême des enfants est une erreur jusqu'à preuve du contraire.
 
 
 
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Il nous semble opportun (quoique nous l'ayons déjà fait par le passé) de donner quelques antidotes à ces assertions. Ainsi:

 
1) Par l'Ecriture:
Il est vrai que l'Ecriture ne rapporte pas EXPLICITEMENT des baptêmes de petits enfants.
MAIS il est tout aussi vrai que --bien que la période de temps couverte par le Livre des Actes le permette pourtant-- il ne se trouve pas dans le Bible d'exemple d'enfant de chrétien ayant été baptisé longtemps après ses parents, sous prétexte qu'il était jusque là trop jeune.
Reste en revanche les témoignages IMPLICITES de Actes 16. 15 - 31, qui ont d'autant plus de force (comme exemples dans lesquels il faut voir toutes sortes de familles) qu'ils ne sont pas une liste exhaustive des baptêmes de familles pratiqués par les Apôtres (voir 1Corinthiens 1. 16).
Et ce témoignage implicite vaut mieux que le néant scripturaire des baptistes, d'autant que si les exemples bibliques devaient être directs pour trancher une telle question, nous serions aussi bien en droit de dire que, peut-être, les enfants des fidèles n'ont pas du tout besoin de baptême (1Corinthiens 7. 14 ayant déjà été interprété en ce sens!), ce qui, de l'aveu des baptistes, est faux.
Enfin, il est de toute façon faux et délirant d'exiger que la Bible mentionne des cas d'espèce de chaque situation. Il suffit en effet qu'elle expose les principes [ce qu'elle fait], par lesquels il est possible de déduire les applications convenables à toute hypothèse.
Or, l'acceptation de la doctrine du péché originel et de la nécessité de renaître en Jésus-Christ (ce que le baptême exprime) pour le salut, mène tout droit à la pratique du baptême des enfants, même si la Bible est laconique (mais pas tout à fait silencieuse), sur le sujet.
Inversement, le principe selon lequel les sacrements ne sont pas destinés aux morts nous amène à réprouver catégoriquement la pratique mormone d'un baptême pour les morts, même si la Bible, lue de manière irréfléchie, pourrait soutenir cette idée (1Corinthiens 15. 29).
 
2) Par le bon sens:
Les enfants ne peuvent pas s'engager, il est vrai. Mais cela ne serait grave que s'il était prouvé que le baptême se réduit à l'engagement de l'homme qui le reçoit, ou que cet engagement constitue un élément essentiel du baptême.
Or ce n'est pas le cas.
Certes, une certaine lecture de 1Pierre 3. 21 est régulièrement invoquée pour affirmer le contraire, mais il  ne suffit pas (nous l'avons vu plus haut) de sortir un verset de son chapeau pour prétendre prouver quelque chose d'aussi grave.
Ce que dit Pierre, en effet, c'est que le baptême (et non la volonté du baptisé) nous sauve; et que ce baptême nous sauve parce qu'IL est l'engagement (et non le lieu de l'engagement du baptisé) d'une bonne conscience envers Dieu.
Ce faisant, Dieu nous sauve parce qu'Il purifie notre conscience de tout péché en Jésus-Christ (voir Hébreux 10. 22) et non en ce qu'Il reçoit de nous la résolution de ne plus pécher.
De plus, si NOUS ne sommes pas capables de comprendre la relation qu'un nouveau-né peut avoir avec Dieu, cela ne signifie pas que cette relation soit inexistente, risible ou méprisable (voir par exemple le Psaume 8, repris par Jésus dans Matthieu 21).
 
3) Par la liberté individuelle:
''L'argument'' de la liberté individuelle mène en réalité tout droit à la doctrine laïciste soutenue par M. Aramouche, et que notre frère, A. Rioux, a réfuté il y a peu.
Car,  considéré sous cet angle, le plus important n'est pas le baptême ou le non baptême mais l'éducation et le statut qui en suivra.
Or, partout la bible déclare que les enfants des fidèles sont acceuillis et éduqués comme chrétiens avec leurs parents (Ephésiens 6; Colossiens 3; 1Jean 2; Hébreux 8; Matthieu 18; Actes 2 & 16, etc;)
Libre aux baptistes de considérer que cet enseignement de la Bible est un scandale, une violation des droits de l'enfants... Mais c'est l'enseignement de la Bible quand même!
 
 
4) par le sentiment:
Le sentiment, ou plutôt, la sentimentalité, n'est d'aucun poids lorsque l'on veut trancher un article de foi ou un problème dans la pratique de l'Eglise.
Et si les baptistes ont besoin de se consoler, qu'ils pensent donc au fait qu'il est émouvant de voir un petit d'homme, encore incapable de rien, être aimé de Dieu et acceuilli gratuitement dans l'Eglise, par pure libéralité de Dieu.
 
 
5) La présomption d'hérésie:
C'est, peut-être, le point le plus important. Il ne nous indique pas seulement la solution pour le conflit anabaptiste, mais pour toute l'attitude que nous devons avoir envers l'Eglise et son témoignage.
Car, contrairement à ce que certains esprits paranoïaques se figurent, l'attitude du chrétien envers ses prédecesseurs (et parfois martyres) ne doit pas être une attitude de suspicion et de défiance.
Il est vrai que certaines erreurs ont pu exister, ici et là, sur certains points (et ces erreurs ne se sont généralement pas imposées sans grandes disputes, comme le montre la querelle iconoclaste).
Mais un article qui a été reçu et pratiqué dans le monde entier sans susciter aucune querelle doit être considéré comme a priori orthodoxe. C'est cette "présomption d'orthodoxie" que les contestataires ont la charge de renverser, par des preuves solides et non par des indices ou des considérations plus ou moins vraisemblables.
  Autrement, il n'y aurait plus qu'à se faire une raison et admettre qu'il est impossible aux chrétiens de tomber d'accord sur le moindre article puisque, même sans preuve, on trouvera toujours des discuteurs pour tout contester et engendrer des schismes.



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Ceci établi, nous devons rappeler l'intérêt du baptême des enfants et son bon usage.
Car il est des situations que les baptistes ont raison de dénoncer: ce sont les cas où des incroyants font baptiser leur enfant par superstition, ou pour faire plaisir aux grands parents, ou pour continuer une tradition dont ils ne comprennent pas le sens.
Les croyants doivent donc toujours garder à l'esprit que, selon les préceptes du Christ (Mathieu 28. 19):

1) il faut baptiser les enfants;
2) il faut les catéchiser;
3) il faut leur donner un témoignage d'une foi vivante et d'une vie de prière.

-- Les baptiser, parce qu'il est nécessaire qu'ils se sachent concernés, interpellés, impliqués, englobés par et dans la vie chrétienne;
-- les catéchiser, parce qu'il est bon qu'ils connaissent et sachent  articuler leurs convictions;
-- Leur apporter un témoignage familial vivant de la vie en Christ, parce qu'il n'y a pas de sens à poser dans leur vie une Parole et à les instruire à son sujet, s'ils ne perçoivent jamais la foi chrétienne comme une réalité vivante et vivifiante.


Bucer

Commentaires

Domus a dit…
Excellente exposition de la question ! Cela dit, il faudrait quand même que les baptistes nous disent ce qui sauve dans 1 Pierre 3.21 puisque, selon eux, ce n'est pas le baptême. Or, si ce n'est pas le baptême qui sauve, cela ne peut être que l'engagement d'une bonne conscience, puisqu'il n'y a pas d'autre alternative dans ce verset. Soutenir que cet engagement d'une bonne conscience devant Dieu est assimilable à la foi, n'est-ce pas faire dire au texte ce qu'il ne dit pas ? Comme l'engagement d'une bonne conscience n'est qu'entière disposition humaine, cela revient à dire que les baptistes défendent le salut par les œuvres ce qui est le renversement de l'Evangile
Tout à fait exact, cher Domus! Finallement, nous sommes confrontés à du pélagianisme pur et dur.
Anonyme a dit…
Que font les défenseurs du pédobaptisme de la nécessité de renaître par l'Esprit ? En effet, le baptême n'est pas la renaissance par l'Esprit, car auquel cas tout baptisé montrerait les fruits de l'Esprit ; et nous savons tous que cela n'est, hélas, pas le cas.

L'engagement d'une bonne conscience est effectivement être assimilable à la foi.

Mais je pourrai retourner l'argument, comme ceci ; le baptême ne peut être une oeuvre dont on ne peut se glorifier que s'il n'est pas décidé par le baptisé.
Le baptême d'un adulte, dans votre conception, puisque le désir en émanerait de ce même adulte, serait l'engagement de cette bonne conscience. Le baptême serait donc, en dernier ressort, son oeuvre, ou du moins impulsé par son oeuvre. Est-ce à dire que son oeuvre l'a sauvé ?

Vous me direz peut-être : "le baptême d'eau n'est pas oeuvre humaine ; il est oeuvre de Dieu !". Mais le baptême du Saint-Esprit, que l'on reçoit bel et bien suite à ce fameux engagement de la bonne conscience, est-il moins oeuvre de Dieu ?
1) Il y a beaucoup d'adultes qui sont baptisés et ne marchent pas non plus selon l'Esprit de Dieu.

2) Le baptême (adulte comme enfant)est toujours, avant tout, l'engagement de Dieu envers le croyant de ne pas le condamner, et de le sauver par Jésus-Christ.

3)Le baptême du Saint Esprit est œuvre de Dieu et non de l'homme.

Théodore a dit…
1) Oui. Et alors ? Ceux-là ont déjà reçu leur récompense.
Et c'est un argument supplémentaire pour dire ceci : le baptême ne confère pas l'Esprit - auquel cas ses fruits, mentionnés en Galates, se manifesteraient automatiquement - et n'est pas simultané au baptême de l'Esprit-Saint.

2) Il faudrait rajouter un conditionnel, non ? Dieu ne sauvera pas un baptisé enfant qui n'aura jamais eu la foi.
De plus, un adulte baptisé pourra se glorifier de son baptême, comme on pourra se glorifier de n'importe quelle œuvre humaine (nul baptisé adulte ne dira qu'il n'a pas pris la place majeure dans le processus qui l'a conduit au baptême). Le chemin vers le baptême n'est aussi, dans ce cas, qu'entière disposition humaine ; et donc dire que, dans le passage qui nous intéresse, c'est le baptême qui sauve, c'est dire que nous sommes potentiellement sauvés par une de nos œuvres.

3) Voilà. Et ce baptême spirituel, qui suit directement l'engagement de la bonne conscience (la "première" foi, la volonté affirmée de suivre Christ) est précisément ce qui sauve. Le baptême du Saint-Esprit, œuvre de Dieu en réponse à notre foi, qu'il vient soutenir, nous sauve. Ce n'est donc pas notre œuvre qui nous sauve, mais le don gratuit de Dieu, le baptême spirituel. Où est le pélagianisme là-dedans ? :D
Non, Théodore: le baptême n'est pas une disposition humaine; il est l'expression "visible" de l’Évangile par lequel nous sommes sauvés en croyant.
Ni un adulte ni un enfant ne doit se glorifier de son baptême comme si c'était son œuvre ou comme si cette simple marque sauvait du fait d'avoir été opérée. L'un comme l'autre doivent au contraire regarder leur baptême comme une Parole posée dans leur vie, une Parole qui les sauve en vertu de la foi et rien d'autre.
Théodore a dit…
Nous sommes donc d'accord pour dire que le baptême ne sauve pas ?
Le baptême, tout comme la prédication, sauve quiconque croit. Car le sacrement n'est jamais plus (mais jamais moins) que la Parole de Dieu exprimée de façon "visible".

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