De la créance des Pères sur le fait des images (3)





De la créance des anciens sur le fait des images.

 

Livre I, chapitre I.


Préface de l'ouvrage.


La dispute des images étant l'un des plus notables différends qui divisent aujourd'hui la Chrétienté, je me suis mis à rechercher avec soin quelle peut avoir été la créance de l’Église ancienne sur ce sujet. Cela, je l'ai fait, non pas pour fonder ma foi -- celle-ci est, grâce à Dieu, édifiée sur les Écritures -- mais pour voir s'il est bien vrai que l’Église de Jésus-Christ a eu durant les premiers siècles la même opinion sur cet article qu'en ont maintenant ceux de la communion de l'évêque de Rome.
Quant à moi, puisqu'en l'Écriture le service des images n’est ni commandé, ni loué, ni pratiqué par les Saints, j'estime qu'il n'y a point d'autorité au monde qui m'oblige à le croire.

Chacun sait assez quel état les partisans de Rome font des images de la Trinité, de Jésus-Christ, des anges, de la Bienheureuse Vierge et des saints trépassés ; avec quelle religion ils les dédient dans leurs temples, avec quel soin ils les parent, avec quelle dévotion ils les vénèrent, les saluant, se prosternant devant elles la tête découverte, les portant en procession, les montrant à leurs peuples en certains jours, et entreprenant de longs pèlerinages vers les lieux où elles sont consacrées. Il y a bien eu quelques docteurs en leurs écoles, comme Alexandre, Durand, Alfonse A Castro, et quelques autres (1), qui ont estimé que l'image ne doit nullement être honorée ni servie en elle-même, mais qu'il faut seulement honorer et servir devant elle la personne qu'elle représente. Néanmoins, cette opinion a eu peu de vogue parmi eux, et est aujourd'hui presque entièrement éteinte, la plupart de leurs auteurs soutenant que l'image doit être honorée en elle-même, proprement et de par soi-même.

Il est bien vrai qu'il y a encore une grande diversité d'opinions entre eux sur la qualité de l'honneur dû aux images. Les uns (comme Thomas, Bonaventure, Cajetan, Marsile Almayen, Jean Capreolus, et d'autres (2)) estimant que l'on doit à l'image le même honneur qu'à l'objet qu'elle représente : à celle du Père, du Fils ou du Saint Esprit le service qu'ils appellent de latrie ; à celle de la Bienheureuse Vierge, celui qu'ils appellent d'hyperdulie, et à celle des saints le service qu'ils appellent de dulie.
Les autres, qui veulent paraître plus modérés, disent que le service qu'il faut rendre à l'image est moindre que celui qui est dû à son exemplaire, mais tel néanmoins que par analogie, il se réduit à une même espèce ; ainsi, le service dû aux images des saints est une dulie ainsi nommée non proprement et simplement, mais à quelque égard, analogiquement et réductivement, et le service dû aux images de la Vierge est semblablement une hyperdulie mais analogique, réductive et imparfaite, non vraiment parfaite et proprement ainsi nommée. Et que le service dû aux images de Jésus-Christ et de la Trinité est tout de même une latrie, mais ainsi nommée à quelque égard seulement, et analogiquement ou réductivement.
Car puisque ces mystères sont si abstrus qu'il n'y a point de termes, dans le commun langage des hommes, pour en exprimer le sens, nous sommes contraints de retenir ceux de leurs écoles, quelque étranges et éloignés qu'ils soient de notre usage ordinaire. 

Il semble que la plupart de leurs docteurs se soient rangés à cette opinion, comme on peut le voir dans les livres de Pérez, de Catharin, de Sanderus, des cardinaux Bellarmin et Du Perron (3). Mais quant au peuple qui ignore les subtilités de l'école, il sert les images simplement et par manière de dire à la bonne foi, et épend sur elles tout ce qu'il a d'ardeur et de dévotion ; et il n'est pas possible de remarquer, ni dans les pensées et affections de leurs cœurs, ni dans les mouvements de leurs mains et de leurs yeux, ni dans les inclinations de leurs corps (et les autres actes externes dont ils se servent pour témoigner de leur religion en cet endroit) qu'ils mettent aucune différence entre l'exemplaire et l'image, ou entre les images d'un objet et celles d'un autre. Diverses personnes, même de la communion Romaine, se sont plaintes de l'abus, et Polydore Virgile entre autre, parlant de la vénération des images, dit que l'on en est venu jusqu'à une telle folie que cette partie de la piété ne diffère guère d'avec l'impiété. (4)
Pour reconnaître au vrai si la créance des anciens sur ce sujet a été même que la leur, je commencerai par les premiers siècles, dont l'histoire est la plus importante et la plus contestée -- celle des huit et neuf derniers étant beaucoup plus claire.
Je suivrai en cette recherche l'ordre qui m'a semblé le plus convenable, mettant premièrement en avant les preuves de l'opinion des Pères, que j'ai tiré par raisonnement de la considération de leurs disputes, traités opinions et langages. Et puis produisant en second lieu les témoignages qu'ils ont expressément rendus de leur créance sur ce point, et enfin, examinant en troisième lieu ce que l'on peut alléguer au contraire.


A suivre...

______________________


(1) Il s'agit de : Alexandre de Halès (Somme théologique 3e part. q. 30. dernier article) ; Guillaume Durand de Saint-Pourçain (in 3 Sent. Dist. 9 q. 2) ; Alfonse A. Castro (Verbo imago); et le cardinal Robert Bellarmin (Des images, livre 2, chap. 20).

(2) Thomas d'Aquin (Somme théologique : IIIe part. Q. 25, art. 3); Thomas di Vio, dit "Cajetan" (ibidem); Giovanni da Fidanza, dit "Bonaventure", Jean Capreolus, etc. (voir : in 3 Sent. Dist. 9.q. 2.) Voir aussi Berllarmin (note précédente).

(3) Martin Pérez de Ayala ; Ambroise Catharin Politi ; Antoine Sandérus, et leurs traités des images.
Voir aussi Jacques Davy du Perron : Réfutation du discours de la Conférence de Fontainebleau.

(4) Polydore Virgile, Livre 6 chapitre 13.

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