Du purgatoire

Les catholiques romains prétendent que la doctrine du purgatoire se trouve dans la Bible, principalement dans le deuxième livre des Maccabées (12: 39-45); et que c'est parce qu'ils ont arbitrairement rejeté les livres des Maccabés hors du canon biblique, que les protestants se privent de la connaissance de cette doctrine.

Nous allons donc lire ce passage en question avant d'expliquer pourquoi les allégations catholiques romaines sont (comme d'habitude) sans fondement.

 Le texte:

39 Le jour suivant, Judas vint avec les siens pour emporter les corps de ceux qui étaient tombés, et pour les ensevelir avec leurs parents dans les sépulcres de leurs pères.
40  Or ils trouvèrent sous les tuniques de ceux qui avaient été tués des choses consacrés aux idoles qui étaient à Jamnia, et que la loi interdit aux Juifs ; il parut donc évident à tous que c'est pour ce motif qu'ils étaient tombés.
41  Aussi bénirent-ils tous le juste jugement du Seigneur, qui avait rendu manifestes ces choses secrètes ;
42  et, se mettant en prières, ils demandèrent que la faute qui avait été commise fût livrée à l'oubli. Mais le très vaillant Judas exhortait le peuple à se conserver sans péché, en voyant devant leurs yeux ce qui était arrivé à cause des péchés de ceux qui avaient été tués.
43  Et, après avoir fait une collecte, il envoya douze mille drachmes d'argent à Jérusalem, afin qu'un sacrifice fût offert pour les péchés des morts, ayant de bonnes et de religieuses pensées touchant la résurrection
44  (car s'il n'avait pas espéré que ceux qui avaient été tués ressusciteraient, il eût regardé comme une chose vaine et superflue de prier pour les morts) ;
45  et il considérait qu'une grande miséricorde était réservée à ceux qui étaient morts avec piété. Voilà pourquoi il fit faire pour les morts ce sacrifice expiatoire afin qu'ils fussent absous de leur péché.

NB: Ce passage nous montre des personnes qui sont apparemment mortes "en état de péché mortel" (comme on dirait à Rome), puisqu'elles ont violé le premier commandement. Pourtant, on fait offrir un sacrifice pour ces morts. Or, les catholiques romains s'accordent avec nous pour dire que les personnes mortes dans l'idolâtrie ne peuvent pas être sauvées: même une quantité infinie de messes ne leur serait d'aucun secours! C'est pourquoi Thomas d'Aquin a envisagé diverses interprétations pour contourner cette difficulté; notamment celle-ci: dans le combat, quand ils ont vu le péril qui les menaçait, ils se sont repentis de leur péché, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps. 77, 34): "Lorsque Dieu les faisait mourir, ils le recherchaient". On peut le penser avec probabilité, et c’est pour cela que l’on fît pour eux une oblation" (1).

Réponses:

§ 1. Il y a beaucoup de choses difficiles à expliquer au sujet du canon; nous dirons simplement ici que l’Église tient les livres vétérotestamentaires des Juifs (Romains 3: 1-2) et que ceux-ci ne tenaient pas communément les livres des Maccabées comme inspirés (ou bien, qu'on nous le prouve).
Du reste, jusqu'à nos jours, les Juifs ne retiennent pas ces livres dans leur canon;  or, le témoignage de la Synagogue, encore à ce jour, devrait être considéré comme un indice valable concernant les frontières antiques du canon; car selon saint Augustin, le rôle des Juifs, encore après leur rejet du Seigneur, est d'être témoins (malgré eux), notamment par leurs livres, de la véridicité du Christ-ianisme. Et les adeptes du concile Vatican II devraient particulièrement veiller à cela, eux qui n'ont de cesse de mettre en exergue ces paroles de l'apôtre: "Les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables" (Romains 11: 29).
La position du protestantisme, à la suite de nombreux pères reconnus à Rome (tel Athanase, pape d'Alexandrie, dans sa 39e lettre festale) est donc tout à fait sage et fondée: les livres comme Maccabées peuvent être lus avec un grand profit, sans pour autant servir de dernier mot en matière de foi et de morale.

§ 2. Même s'il n'est pas inspiré, le livre des Maccabée (dans le passage préféré des romains) ne dit rien d'un purgatoire dans les horribles flammes duquel les fidèles indignes seraient actuellement tourmentés -- fidèles qui auraient besoin d'oraisons et de sacrifices pour être soulagés.
Le passage des Maccabées relate seulement l'initiative, après une bataille, d'offrir un dernier sacrifice pour couvrir les derniers péchés commis par ceux qui, s'ils avaient pu, l'auraient fait eux-mêmes.  Il n'est donc question ici que de la perspective de la résurrection et du jugement à venir, et de la croyance en cet article; l'auteur du livre loue cette croyance parce qu'elle est orthodoxe (nous le croyons aussi!), et salue l'initiative du sacrifice parce qu'elle veut honorer l'institution du lévitique dans la perspective de cette résurrection.
La seule chose que l'on devrait tirer de ce passage, s'il était canonique, serait que le repentir in extremis suffit à placer les pécheurs au bénéfice du sacrifice que Dieu a institué pour notre salut. Rien de plus. 

§ 3. L'histoire des Maccabées eut lieu dans la période de l'Ancien Testament, c'est-à-dire à l'époque où le Christ n'avait pas encore souffert pour nos péchés. A cette époque, donc, le sacrifice sanglant de Jésus-Christ (seul propitiatoire / Hébreux 9: 22) était figuré par des images (sacrifices d'animaux), images qui étaient en elles-mêmes sans valeur, et dont l'indigence était soulignée par le fait de leur répétition continuelle.
Puis Notre Seigneur et Dieu, le Christ, est venu et a souffert, une fois pour toutes, pour nos péchés. La perfection de ce sacrifice est telle qu'il n'est plus question, depuis, de verser le sang (ou d'offrir un sacrifice), pour faire la propitiation (Hébreux 9, 10, 11). Il n'est à présent question que de recevoir l'Agneau de Dieu, qui a été sacrifié une fois pour nos péchés.
Par conséquent: à moins de nier l'Incarnation et de se croire revenu à l'époque vétérotestamentaire, l'exemple des Maccabées ne peut pas être appliqué sans discernement -- ou bien il faudrait aussi interdire aux chrétiens de travailler le septième jour, leur proscrire l'usage du levain lors de la fête de Pâques, leur imposer la circoncision, etc.
Tout l'Ancien Testament doit être relu et interprété à la lumière du Christ (cf. Luc 24: 27). Ainsi, si le livre des Maccabées était canonique (ce qu'il n'est pas), cette règle s'appliquerait encore à lui, et devrait conduire à cette conclusion: Que notre Frère, Le Roi, Prophète et Prêtre, Jésus-Christ, a offert un Sacrifice qui sauve les pécheurs, et qui bénéficie même à ceux dont le repentir advient à l'article de la mort. Il en a donné un exemple indiscutable en promettant la vie au criminel crucifié à côté de lui, qui implorait sa miséricorde, et qui ne s'est pas vu proposer une session de rattrapage dans les flammes du purgatoire -- où il serait soulagé par quantité de messes, mais d'entrer dans la félicité (Luc 23: 42-43).  

A cela, nous devons ajouter que si le sacrifice des Maccabées doit avoir un sens, c'est pour enseigner que le sacrifice offert par le Christ était destiné également à toutes les personnes de l'Ancien Testament, qui étaient mortes depuis longtemps - et que cela aussi témoigne de la vérité de la Résurrection des morts.

Cela, nous le croyons et nous nous en contentons, sachant que seul le sacrifice de la croix, qui ne sera jamais réitéré, sauvera ceux qui s'endorment dans la foi.



Bucerian
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1. Somme théologique 5, Question 71, article 5, Réponse à l'objection n°1.



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