La Toussaint

Le jour des morts

Or, mes frères, je ne veux pas que vous soyez dans l'ignorance en ce qui concerne les morts, afin que vous ne vous affligiez pas comme ceux qui sont sans espérance.(1 Thessaloniciens 4.13)

Il n'est pas de ville en France où le respect de la tombe soit aussi grand qu'à Paris. Si vous parcourez les cimetières de la grande ville, n'êtes-vous pas touchés de voir la multitude de fleurs et d'emblèmes divers déposés sur les sépultures ? Il est rare qu'on rencontre une tombe abandonnée, même parmi celles des pauvres gens. Aux fêtes des Morts et de la Toussaint, où l'usage veut qu'on orne les nécropoles en vue d'une affluence extraordinaire de visiteurs, c'est un spectacle émouvant que celui de ces foules qui se hâtent, hommes, femmes, enfants, les mains chargées de couronnes et de gerbes de fleurs, vers les cimetières de notre grande cité, sous les rayons d'un pâle soleil d'automne expirant, et, quelquefois, sous les rafales de novembre qui semblent prêter leur voix mélancolique à cette sympathie populaire. J'aime cet empressement des foules, qui témoigne de sentiments élevés et délicats. Ce sont des impressions semblables que j'ai éprouvées dans ces cimetières de la Suisse, d'un charme paisible, où l'on voit, le dimanche, en sortant de l'église, des pères, des mères, des époux, des enfants, se diriger vers leurs chères sépultures pour arroser, de leurs propres mains, les douces fleurs destinées à voiler l'horreur de la dissolution.(...)

Nous avons tous nos morts à Paris, en province ou dans quelque humble cimetière de village. N'est-il pas naturel de porter vers eux non seulement nos regrets, mais aussi nos pensées ? Où sont-ils ? que font-ils ? Les cœurs qui ont aimé se posent invinciblement ces questions : ils ne peuvent pas ne pas se les poser(...).

Ils vivent, d'après cette belle parole de Jésus-Christ : « Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » Ils vivent, non de cette vie d'outre-tombe, sans joie et sans souffrance, qui est celle des mythologies antiques, mais d'une vie heureuse et immédiate. Le Dieu de l'Evangile, qui est lumière et joie, ne saurait être le Dieu de régions crépusculaires, comme ce Hadès des Grecs dont la perspective donnait le frisson aux mortels. -- : Jésus, avec son autorité unique, a parlé de la mort comme d'une entrée dans les demeures du Père où il va, dit-il, « nous préparer des places » (Jean 14). -- Où sont les phalanges de croyants qui ont quitté notre planète ? Où sont les Hénoch, les Abraham, les Moïse, les Elie de l'ancienne alliance ? Tous en possession des choses promises qu'ils ont « vues et saluées de loin » (Hébreux 13). Où est saint Paul ? Il n'a pas dit : il me tarde de dormir. Il a dit : « Il me tarde de déloger de ce monde pour être avec Christ. » Où est saint Pierre ? Il bénit Dieu qui, « par la résurrection de Jésus-Christ, nous a donné une vive espérance de posséder l'héritage incorruptible qui ne peut ni se souiller, ni se flétrir et qui est réservé dans les cieux pour les croyants » (1Pierre 1.1-3). Où est saint Jean ? Il a entendu une voix du ciel qui disait : « Heureux dès maintenant les morts qui meurent au Seigneur : oui pour certain, dit l'Esprit, car ils se reposent de leurs travaux et leurs œuvres les suivent » (Apocalypse 14.13). Voilà donc, après Jésus-Christ, les trois plus grands des apôtres unanimes à proclamer une existence immédiate après la mort, et jamais l'Eglise chrétienne universelle ne les a cherchés ailleurs que dans la gloire, avec le Sauveur.(...)


Prédicateur de l'Evangile, vous nous avez consolés, en nous parlant des élus. Mais, les réprouvés, qu'en faites-vous ? S'il y a un ciel, y a-t-il aussi un enfer ? Question redoutable à laquelle je ne puis me dérober. -- Oui, mes frères, il y a un enfer, non celui du moyen âge tout enveloppé de flammes, tout peuplé de démons, mais un lieu où l'on est séparé de Dieu, la source de tout bien et de tout bonheur. J'y crois comme on y croit dans les départements, selon l'expression originale d'un éminent prédicateur ; -- ce qui veut dire, comme y croient les petits et les humbles. J'y crois, parce que je crois à la Parole de Dieu ; or, si elle ne se sert pas de ce mot, elle emploie pour exprimer la chose des expressions mystérieuses et saisissantes qui donnent le frisson : « les ténèbres du dehors, le ver qui ne meurt point, le feu qui ne s'éteint point... » J'y crois, parce qu'il est d'une impossibilité morale que la loi de Dieu soit impunément violée et méprisée ; j'y crois, parce qu'il est encore plus impossible que le sang du Fils de Dieu ait coulé en vain, et que la croix sur laquelle il meurt soit outrageusement repoussée.... Mais, je l'avoue, ma pensée et mon cœur restent interdits devant ce mystère d'insondable douleur. O vous qui pleurez sur la mort physique et morale d'un être tendrement aimé, vous qui avez cherché en vain sur son visage un éclair de repentance et de foi, je compatis de toute mon âme à votre immense épreuve. Mais, ai-je le droit de vous ôter toute espérance ? Peut-être, dans le mystère de la dernière heure, un appel suprême a-t-il retenti à l'oreille de son âme ? Peut-être une œuvre de grâce, un miracle de l'amour divin s'est-il accompli en réponse à vos prières ? Dieu n'est-il pas « riche en conseils, puissant en moyens » ?...J'ajoute, en m'appuyant sur l'autorité du tendre et sympathique Vinet : « Les temps sont en ses mains, les siècles lui appartiennent... » « Dieu est amour, » a dit saint Jean ; « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, » a dit saint Paul ; n'y a-t-il pas dans ces affirmations de deux apôtres un mystérieux infini d'espérance ? Mais si vous deviez abuser de mes paroles pour vous endurcir dans une sécurité fatale, alors je me montrerais sévère et je vous dirais : Vous n'avez pas le droit de compter sur la miséricorde divine ; je vous déclare qu'en repoussant le Sauveur et en refusant de vous convertir, vous creusez de vos mains l'enfer moral qui doit pour toujours vous séparer de Dieu ; vous commettez ce péché de résistance au Saint-Esprit dont il est dit, avec une énergie tragique, qu'il ne sera pardonné, ni dans ce monde ni dans l'autre. Oh ! cela est sérieux pour nous, pour nos parents, pour nos enfants, pour nos amis, qu'il faut presser d'obéir aux appels de la grâce. A tous ceux auxquels la croix de Christ a été présentée, nous pouvons affirmer que c'est ici-bas que se tranche la question de leur salut ou de leur perdition. Malheur à celui qui dirait : Je me convertirai dans l'éternité. L'éternité appartient à Dieu, le temps seul est à nous. Aujourd'hui est le jour favorable : « Si nous entendons sa voix, n'endurcissons point nos cœurs. » Vous l'avez compris, mes frères : aujourd'hui pour vous, pour moi ! Non pas demain, mais aujourd'hui et ici-bas !...Aujourd'hui est à nous, demain est à Dieu !

O Eternel, écoute la prière que nous t'adressons, pour nous et pour nos bien-aimés, et que notre cri monte à toi ! Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, Agneau de Dieu qui ôtes le péché du monde, à qui pourrions-nous aller qu'à toi ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Tu es la résurrection et la vie. O toi qui n'es pas venu pour condamner le monde, mais afin que le monde soit sauvé par toi, toi qui ne dédaignes pas de nous appeler tes frères, toi qui as été un homme de douleurs et qui sais ce que c'est que la souffrance, viens en aide à ceux qui t'invoquent. Par tes larmes, par ton agonie, par ta sueur, sanglante, par ta mort, rédemptrice, Seigneur, aie pitié de nous !Quand nous marcherons dans la vallée de l'ombre de la mort, quand nos yeux seront obscurcis par les ténèbres de l'heure suprême, quand notre âme devra livrer le dernier combat, alors, souviens-toi de nous, Seigneur, car notre espérance est en ta miséricorde. O toi qui nous as sauvés, assiste-nous jusqu'à la fin ; ô toi qui as vaincu la mort, donne-nous, la victoire et introduis-nous dans ton repos éternel et dans l'assemblée de tes rachetés !
Amen.

Ernest DHOMBRES
1900

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