Confession d'Augsbourg: Deuxième partie
ARTICLES
où sont indiqués les abus
qui ont été corrigés
Comme aucun des articles de foi que nos Eglises enseignent ne diffère
de ceux de l'Eglise catholique et qu'on a seulement omis quelques
abus récents qui, par la corruption du temps, se sont glissés dans
l'Eglise, contre la teneur des canons, nous prions Votre Majesté
Impériale d'entendre avec clémence aussi bien les changements que
nous avons faits, que les causes qui nous ont fait croire que les
peuples ne sont pas obligés à les observer contre la voix de la
conscience. Nous supplions Votre Majesté, de ne pas ajouter foi à
ceux qui, pour enflammer des haines contre nous, répandent les plus
étranges calomnies au sein du peuple. C'est en irritant ainsi les
esprits des hommes honnêtes qu'ils ont, dès le commencement, donné
lieu à ce différent; ils essayent maintenant, par les mêmes
intrigues, d'augmenter encore les discordes. Votre Majesté Impériale
se convaincra sans doute que les formes de la doctrine et des
cérémonies sont chez nous beaucoup moins intolérables qu'en disent
ces hommes impies et malicieux. Ce n'est ni dans les bruits du
vulgaire ni dans des inculpations hostiles qu'on peut se flatter
d'apprendre la vérité. Mais on voit facilement qu'il n'est rien de
plus important pour la conservation des cérémonies, et pour
l'édification et la piété des fidèles, que de les observer dans
les Eglises selon toute leur pureté.
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XXII. De la Cène sous les deux espèces
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Dans
le Cène du Seigneur, nous donnons le sacrement aux laïques sous les
deux espèces, parce que cet usage a le commandement exprès du
Christ, qui dit: Buvez-en tous.
Le Christ commande évidemment ici que tous boivent le calice. Et que
personne ne s'imagine de nous faire croire que ce commandement
regarde seulement les prêtres. S. Paul ( 1 Cor. 11) nous rapporte un
exemple dans lequel il fait voir que toute l'Eglise de Corinthe
communiait sous les deux espèces. On ne sait pas même ni en quel
temps ni sur quelle autorité s'est fait le changement, quoique le
cardinal Casanus ait indiqué l'époque où il fut ratifié. S.
Cyprien dit en plusieurs endroits, que le sang était donné au
peuple. S. Jerôme témoigne la même chose en disant:
Les prêtres administrent l'Eucharistie, et distribuent au peuple le
sang de Jésus-Christ. De plus, le pape
Gélase défend de diviser le sacrement.
Ce n'est donc que d'après une coutume
peu ancienne, qu'on en dispose autrement. Mais il est certain qu'une
coutume introduite en contradiction avec le commandement de Dieu ne
saurait être approuvée, comme en témoignent les canons.
Or la coutume (de communier sous une seule espèce), s'est introduite
non seulement en contradiction avec l'Ecriture, mais encore contre
les anciens canons et l'exemple de l'Eglise. Il en suit que si
certains aiment mieux communier sous les deux espèces, il n'y a
point de raison de les obliger à le faire d'après un rite qui viole
leur conscience.
Comme la division du sacrement ne s'accorde point avec l'institution
du Christ, nous ne portons pas non plus le sacrement en procession,
comme on l'a fait jusqu'ici.
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XXIII. Du Mariage des Prêtres
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Il
y avait une plainte générale sur les mauvais exemples que les
prêtres ont donnés par leur incontinence. Voilà pourquoi le pape
Pie II a dit souvent: Il y a eu quelques
raisons d'ôter les femmes aux prêtres, mais il y en a de plus
fortes pour les leur rendre. C'est ce que
rapporte Platina. Nos pasteurs, voulant bannir de nos Eglises les
anciens scandales, ont cru devoir se marier, et rétablir la doctrine
qui permet le mariage aux prêtres. Premièrement, parce que S. Paul
dit: Pour éviter la fornication, que chaque
homme ait sa femme, et ailleurs: Il
vaut mieux se marier que brûler.
Secondement, parce que Jésus-Christ en disant: Tous
ne sont pas capables de cette Parole, fait
voir que tous les hommes ne sont pas propres à garder le célibat,
parce que Dieu a créé l'homme pour la procréation
(Genèse 1: 28).
Il
n'est pas dans la puissance de l'homme de changer l'ordre de la
création de Dieu, sans un don et une grâce particulière de Dieu.
C'est pourquoi ceux qui ne sont pas propres au célibat, doivent se
marier, car aucune loi humaine, aucun voeu,
ne peut anéantir le commandement de Dieu
et l'ordre par lui établi. C'est par ces raisons que nous enseignons
qu'il est permis aux ministres de se marier.
En
outre, il est certain que dans l'ancienne Eglise les prêtres étaient
mariés; aussi S. Paul dit: Il faut qu'un
évêque soit irrépréhensible, qu'il n'ait épousé qu'une femme.
Il n'y a d'ailleurs que quatre cents ans qu'en Allemagne on
contraignit, pour la première fois, les prêtres de vivre dans le
célibat. Ils s'y opposèrent alors si vivement, que l'archevêque de
Mayence, voulant publier la bulle du pape, faillit être tué dans le
tumulte qu'excitèrent les prêtres irrités. Cette bulle était si
inconsidérée qu'elle défendait non seulement de se marier à
l'avenir, mais qu'elle déclarait nuls les mariages déjà
contractés, ce qui est non seulement contre toutes les lois divines
et humaines, mais aussi contre les canons décrétés non par les
papes seuls, mais par les conciles les plus vénérés. Mais la
nature humaine s'affaiblissant tous les jours, à mesure que le monde
vieillit, ils est sage de préserver l'Allemagne des vices qui
menacent de s'y introduire. De plus, Dieu a institué le mariage pour
remédier à l'infirmité de l'homme. Les canons mêmes ont jugé à
propos, dans les temps postérieurs, de relâcher quelque chose de
leur rigueur à cause de la faiblesse humaine; et il est à souhaiter
qu'ils se relâchent encore sur le mariage des prêtres. Il est même
à craindre que les églises ne manquent un jour de pasteurs si l'on
continue de les empêcher de se marier.
Puis
donc qu'il existe un commandement exprès de Dieu, que la coutume de
l'ancienne Eglise est connue, et que le célibat entraîne beaucoup
de scandales, des adultères et d'autres impiétés punissables par
les lois, il est étrange qu'on s'attache si opiniâtrement et avec
tant de dureté à défendre le mariage aux prêtres. Dieu lui-même
commande d'honorer le mariage. Dans toutes les républiques bien
établies et parmi les païens mêmes, les lois l'ont relevé par les
plus honorables privilèges. Aujourd'hui, contre la disposition des
canons, on punit du dernier supplice les ecclésiastiques qui se
marient. S. Paul (1 Tim. 4: 1) appelle la doctrine qui défend le
mariage, une doctrine de démons.
Ce passage peut s'entendre aisément en ce temps, où l'on défend le
mariage sous des peines si rigoureuses.
Cependant,
tout comme il n'y a point de loi humaine qui puisse abolir le
commandement de Dieu, de même il n'y a point de voeu qui puisse le
changer. S. Cyprien conseille aussi aux femmes de se marier,
lorsqu'elles ne peuvent garder la chasteté dont elles ont fait voeu.
Voici ses propres paroles (onzième épître du premier livre): Si
elles ne veulent point, ou ne peuvent garder la chasteté, il vaut
mieux qu'elles se marient, que si elles venaient à brûler du feu
de leurs désirs; car elles ne doivent pas donner de scandale ni aux
frères ni aux soeurs.
Aussi les canons usent-ils de quelque condescendance envers ceux qui
ont fait les voeux avant l'âge de
discernement, comme il est arrivé jusqu'ici.
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XXIV. De la Messe
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On
accuse faussement nos Eglises d'avoir aboli la messe, puisque tout le
monde sait qu'elle est en usage parmi nous, et que nous la célébrons
avec beaucoup de vénération. On y observe aussi presque toutes les
cérémonies usitées, si ce n'est qu'en quelques endroits
d'Allemagne on y mêle, pour l'instruction du peuple, des cantiques
allemands avec les latins. Car ce n'est que pour instruire les
ignorants qu'il est nécessaire d'avoir des cérémonies. Enfin ce
n'est pas seulement S. Paul qui veut qu'on se serve dans l'Eglise
d'un langage que le peuple entende, mais aussi la loi humaine. Nous
suivons la coutume que tous ceux qui s'y sentent préparés
communient ensemble; ce qui augmente le respect et la vénération
pour les cérémonies publiques. On n'y admet personne qui ne soit
bien éprouvé auparavant. On instruit aussi les fidèles de
l'excellence et de l'usage de ce sacrement, et de la consolation
qu'il procure aux consciences angoissées, afin qu'ils apprennent à
se confier en Dieu, à lui demander et à attendre de lui toute sorte
de bien. Ce culte est agréable à Dieu, et un tel usage du sacrement
nourrit dans le coeur
la vraie piété envers Dieu. On ne peut
donc pas dire que la messe se fasse avec plus de vénération parmi
nos adversaires que parmi nous.
Il
est encore certain que tous les gens de bien se plaignent
publiquement et depuis longtemps de la grande profanation des messes
célébrées pour le gain. Personne n'ignore combien cet abus s'est
répandu dans toutes les Eglises; que ceux qui célèbrent la messe,
ne le font que pour la rétribution; que plusieurs célèbrent ce
mystère contre la défense expresse des canons. Or S. Paul prononce
des menaces terribles contre ceux qui traitent indignement
l'eucharistie; il dit: Celui qui mangera ce
pain, ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable de la
profanation du corps et du sang du Seigneur.
Voilà pourquoi nos ministres, avertis de ce péché, ont cessé
parmi nous les messes particulières, dont il ne se disait presque
plus que dans la vue du gain.
Les
évêques n'ont pas ignoré ces abus; s'ils les avaient corrigés
dans le temps, il y aurait aujourd'hui moins de dissensions. Ils ont
laissé subsister dans l'Eglise plusieurs dérèglements, en se les
dissimulant. Aujourd'hui, ils se plaignent trop tard des calamités
qui désolent l'Eglise, quoiqu'on ne doive attribuer tout le désordre
qu'à ces abus, qui depuis longtemps étaient si manifestes qu'il ne
fallait plus les tolérer. Il y a eu de grandes dissensions touchant
la messe et le Saint-Sacrement. Peut-être que le monde porte
maintenant les peines de cette profanation des messes, qui, durant
tant de siècles, a été soufferte dans les Eglises par ceux mêmes
qui pouvaient et qui devaient la corriger. Car il est dit dans le
décalogue: Celui qui abuse du nom de Dieu,
ne demeurera pas impuni. Or il semble que
depuis le commencement du monde on n'ait abusé pour le gain d'aucune
chose divine autant que de la messe.
Il
a été une opinion qui a fait augmenter les messes particulières à
l'infini, c'est qu'on pensait que le Christ n'a satisfait par sa
Passion que pour le péché originel, et qu'il a ordonné la messe,
comme un sacrifice pour les péchés de tous les jours, tant mortels
que véniels. De là est venue l'opinion générale que la messe est
une oeuvre
qui efface d'elle-même les péchés des
vivants et des morts. De là aussi on a disputé si une seule messe
dite pour plusieurs hommes, vaut autant qu'une messe dite pour un
seul homme. De là est venue enfin cette quantité prodigieuse de
messes privées.
Nos
docteurs ont donc fait voir que ces opinions sont contraires à
l'Ecriture sainte, et qu'elles anéantissent la gloire de la Passion
du Christ. Car la Passion du Christ a été un sacrifice et une
satisfaction, non seulement pour le péché originel, mais encore
pour tous les autres péchés, ainsi qu'il est écrit dans l'Epître
aux Hébreux : Que nous sommes sanctifiés
par l'oblation de Jésus-Christ, une fois pour toutes; et que par une
seule oblation il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a
sanctifiés.
Outre
cela, l'Ecriture sainte nous apprend que nous sommes justifiés
devant Dieu par la foi en Christ, lorsque nous croyons que les péchés
nous sont remis pour l'amour du Sauveur. Or, si la messe avait la
vertu d'effacer elle-même les péchés des vivants et des morts, il
s'ensuivrait que la Justification se ferait par l'oeuvre
de la messe, et non par la foi; ce qui est entièrement
opposé à l'Ecriture. Mais
le Christ commande qu'on célèbre la messe en sa mémoire car ce
sacrement a été institué pour que ceux qui y participent se
souviennent des bienfaits qu'ils reçoivent par leur foi en Lui.
Alors, leur conscience angoissée ainsi relevée les console. C'est
donc faire une chose en mémoire de Jésus-Christ que de saisir que
ses bienfaits nous sont vraiment présentés. En effet, avoir en
mémoire sa Passion n’est pas suffisant puisque Juifs et impies le
peuvent aussi.
Il
faut donc célébrer la messe pour y distribuer le sacrement à ceux
qui ont besoin de consolation, comme dit S. Ambroise: Il
faut que je prenne toujours le remède parce que je pèche toujours.
Or, la messe étant une telle participation au sacrement, nous la
célébrons en commun tous les jours de fêtes ; et les autres jours
aussi, on donne le sacrement à ceux qui le demandent. Cette coutume
n'est pas nouvelle dans l’Eglise car les anciens qui ont vécu
avant le temps de Grégoire ne font aucune mention de la messe
privée, tandis qu'ils parlent très souvent de la messe publique. S.
Chrysostome dit que le prêtre est tous les jours auprès de l'autel,
qu'il appelle les uns à la communion, et qu'il en écarte les
autres. On voit aussi par les anciens canons qu'un seul célébrait
la messe, et que les autres prêtres et diacres recevaient de lui le
corps de notre Seigneur. Voici à ce sujet les paroles du concile de
Nicée (canon 18): Les diacres doivent
recevoir le sacrement en leur rang, après les prêtres, ou par un
évêque ou par un prêtre; et S. Paul
ordonne, sur la communion, que les uns doivent attendre les autres,
afin qu'il y ait une participation commune.
Puisque donc nous disons la messe conformément à l'Eglise ancienne,
à l'Ecriture sainte et aux Pères, nous avons l'assurance qu'elle ne
pourra être désapprouvée; d'autant plus qu'on y a conservé en
grande partie les cérémonies publiques en usage, et que nous ne
différons que par le nombre des messes, qu'il a fallu réduire à
cause des abus trop grands et trop manifestes. Anciennement non plus,
on ne célébrait pas la messe tous les jours, quoique les églises
fussent nombreuses. Nous voyons cela dans l'histoire tripartite,
livre 9, ch. 38. A Alexandrie on lisait l'Ecriture sainte tous les
mercredis et vendredis, et les docteurs l'expliquaient; et toutes
choses s'y faisaient sans qu'on dit la messe.
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XXV. De la confession
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La confession n'est pas abolie dans nos Eglises car nous suivons la
coutume de ne donner le corps du Seigneur qu'à ceux qui ont été
auparavant éprouvés et absous. Nous prenons grand soin d'instruire
le peuple sur la foi en l'absolution sur laquelle on se taisait
autrefois. Nous exhortons donc nos fidèles d'avoir l'absolution en
estime parce qu'elle est la voix de Dieu et qu'elle est prononcée
selon son commandement.
On
honore la puissance des clefs; on rappelle aux chrétiens qu'elle
donne une grande consolation aux consciences effrayées, et que Dieu,
en cette occasion surtout, demande la foi, par laquelle nous sommes
assurés de l'absolution, comme si Dieu lui-même la prononçait du
haut du ciel. Nous ajoutons que cette foi en Jésus-Christ obtient
vraiment la rémission des péchés. Autrefois on élevait trop les
satisfactions, et on ne faisait aucune mention de la foi, du mérite
de Jésus-Christ et de la justice de la foi. On n'a donc pas sujet de
blâmer nos Eglises de ce côté là; et nos adversaires mêmes
doivent avouer que la doctrine de la pénitence est traitée et
exposée religieusement par les nôtres. Il est vrai que, touchant la
confession, on enseigne qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer les
péchés, et qu'on ne doit pas charger les consciences du
dénombrement exact de tous les crimes, parce qu'il est impossible de
réciter ou de dire tous ses péchés, selon le témoignage du Psaume
(19: 13): Qui est-ce qui connaît tous ses
péchés? Et le prophète Jérémie dit
aussi: Rien de plus trompeur que le coeur
de l'homme; il est impénétrable,
qui le connaîtra? Que s'il n'y avait que
les péchés dont on se souvient et dont on s'accuse, qui fussent
remis, nos consciences ne pourraient jamais se tranquilliser. Nous ne
connaissons pas la plupart de nos péchés, et nous pouvons encore
moins nous en souvenir. Les anciens Pères enseignent aussi que
l'énumération des péchés n'est pas nécessaire. Dans les
Décrétales, on cite S. Chrysostome, qui dit: Je
ne te dis pas qu'il faut t'accuser publiquement, ou auprès de
quelqu'un; mais je veux que tu obéisses au prophète, qui dit:
“Découvre tes actions devant Dieu”.
Confesse donc tes péchés devant celui qui
est ton véritable juge, et prie-le. Dis les péchés, non pas de la
langue, mais dans le souvenir de ta conscience, etc.
D'ailleurs la glose sur la pénitence (De Poenitentia, Dist 5,
chapitre “Consideret”) avoue que la confession est d'institution
humaine. Nous la conservons toutefois, tant pour le grand bien de
l'absolution, que pour les autres avantages qu'elle procure aux
consciences.
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XXVI. De la différence des viandes
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C'était
autrefois une opinion générale non seulement parmi le peuple, mais
encore parmi les théologiens de l'Eglise, que la différence des
viandes et de semblables traditions humaines étaient des oeuvres
très utiles pour mériter la rémission des péchés et des peines.
Ce qui démontre que cette opinion était généralement reçue,
c'est l'institution fréquente de cérémonies nouvelles,
l'établissement de nouveaux ordres, de fêtes nouvelles, de nouveaux
jeûnes. Les docteurs, dans leurs discours, exigeaient ces oeuvres
comme un culte très nécessaire pour
mériter la grâce; ils alarmaient impétueusement les consciences
quand on y manquait. Mais cela fait naître dans l'Eglise beaucoup
d'inconvénients.
Premièrement,
la doctrine de la grâce et de la justice par la foi en est
obscurcie. Elle est pourtant la partie essentielle de l'Evangile,
qu'on doit soigneusement conserver et faire ressortir dans l'Eglise,
afin que le mérite du Christ soit bien connu, et que la foi, qui
croit la rémission des péchés pour l'amour du Christ, soit placée
de beaucoup au-dessus des oeuvres.
S. Paul insiste beaucoup sur cette doctrine; il rejette la Loi et les
observances humaines, pour faire voir que la justice chrétienne
est toute autre chose que ces sortes d'oeuvres
et qu'elle repose sur la confiance que les péchés
nous sont remis gratuitement pour Jésus-Christ. Cependant cette
doctrine de S. Paul est presque entièrement éclipsée par ces
traditions, qui ont fait naître l'opinion qu'on doit mériter la
grâce et la justice par la différence des viandes et par d'autres
observances semblables. A l'article de la pénitence on ne faisait
autrefois aucune mention de la foi; on ne demandait que ces oeuvres
satisfactoires, et il semblait alors que toute la pénitence
consistât en elles seules.
Secondement,
les traditions humaines ont obscurci les commandements de Dieu, parce
qu'elles furent préférées à ceux-ci. Tout le christianisme
semblait consister dans l'observation de certaines fêtes, de
certains rites, jeûnes et vêtements. On avait donné à ces
observances un titre fort spécieux, en les appelant une vie
spirituelle et très parfaite. Cependant on n'estimait point les
commandements de Dieu, prescrits à chacun selon son état. Un père
de famille s'appliquait-il à élever ses enfants, une mère
mettait-elle des enfants au monde, un prince gouvernait-il l'Etat? On
regardait ces actions comme des oeuvres
mondaines, imparfaites et bien inférieures
à ces éclatantes observances. Cette erreur a beaucoup affligé les
consciences pieuses, qui se voyaient avec douleur dans un genre de
vie si imparfait, engagées dans le mariage, dans les magistratures
et les autres fonctions civiles; elles étaient d'un autre côté
ravies d'admiration, en considérant l'état solitaire et monastique,
comme si ces oeuvres étaient préférées par Dieu.
Troisièmement, les traditions ont exposé les consciences à de
grands dangers, parce qu'il était impossible de les observer toutes
et que l'on s'était néanmoins persuadé qu'il fallait les observer
comme un culte nécessaire. Gerson nous apprend que plusieurs se sont
jetés pour cela dans le désespoir; quelques-uns se sont tués
eux-mêmes, voyant qu'ils ne pouvaient accomplir les observances et
parce qu'ils ne recevaient point les consolations que donne aux âmes
la doctrine de la grâce et de la justice de la foi. Il est vrai que
les Sommistes et les Théologiens resserrent les traditions, et
cherchent des adoucissements pour soulager les consciences: cependant
ils ne les en délivrent point assez, et les jettent même souvent
dans de nouvelles contraintes. On a été si occupé autrefois, dans
les écoles et dans les prédications, à recueillir des traditions,
qu'on n'avait point de temps pour parler de l'Ecriture, pour
s'instruire plus utilement dans la doctrine de la foi, de la croix,
de l'espérance, de la dignité des charges civiles, de la
consolation des consciences dans les tentations ardentes. Aussi
Gerson et quelques autres théologiens se plaignent-ils hautement
d'être empêchés par ces vaines disputes sur les traditions, de
s'appliquer à une autre doctrine plus utile. S. Augustin défend
qu'on charge les consciences de ces sortes d'observances, et il
avertit fort sagement Januarius, qu'il faut les regarder comme des
choses indifférentes. Tels sont ses propres mots.
Nul
ne doit donc penser que nos docteurs et nos ministres aient
témérairement touché à ces abus, ou qu'ils l'aient fait en haine
des évêques, comme quelques-uns le soupçonnent faussement. C'était
une urgente nécessité d'avertir l'Eglise des erreurs qui étaient
nées de traditions mal entendues. Car l'Evangile nous oblige
d'expliquer souvent aux fidèles la doctrine de la grâce et de la
justice par la foi ; et l'on ne saurait entendre ces vérités quand
les peuples sont persuadés qu'on peut mériter la grâce par ses
propres oeuvres
et par l'observation d'un culte purement humain. Les nôtres
ont donc enseigné qu'on ne peut point mériter la grâce ou la
Justification en gardant les traditions humaines, et qu'il ne faut
pas croire que l'observation de ces choses soit un culte nécessaire.
Nous prouvons cette doctrine par l'Ecriture. Le Christ (Matthieu 15:
9), excuse ses apôtres, de n'avoir pas observé une tradition
ancienne, qui néanmoins n'avait rien d'illicite, et semblait plutôt
une chose indifférente, ayant quelque affinité avec le baptême de
la Loi. C'est en vain,
dit-il, qu'ils pensent m'honorer par des
ordonnances humaines. Le Seigneur ne demande
donc pas ce culte comme nécessaire, puisqu'il l'appelle vain. Dans
le même chapitre le Sauveur dit encore (vers. 11): Ce
n'est pas ce qui entre dans la bouche de l'homme qui le rend impur;
mais ce qui le souille, c'est ce qui en sort.
Dans l'Épître aux Romains (chap. 14: 17), nous lisons: Le
royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire ou dans le manger.
Dans celle aux Colossiens (2: 16): Que
personne donc ne vous condamne pour le manger et pour le boire, ou au
sujet des jours de fêtes, et des jours de sabbat;
et dans le même chapitre (vers. 20, 21): Si
donc vous êtes morts avec Jésus-Christ aux éléments du monde,
comment vous laissez-vous imposer les lois, comme si vous viviez
encore dans le monde; ne mange point de ceci, vous dit-on, ne goûte
point à cela etc. S.Pierre dit, (Actes 15:
10): Pourquoi donc tentez-vous maintenant
Dieu, en imposant aux disciples un joug que ni nos Pères ni nous
n'avons pu porter? Mais nous croyons que c'est par la grâce du
Seigneur Jésus-Christ que nous serons sauvés, comme eux.
S. Pierre défend, ici de charger les consciences de beaucoup de
cérémonies humaines, soit de celles de Moïse soit d'autres. S.
Paul appelle la défense des viandes une doctrine de démons. C'est
qu'il est contraire à l'Evangile de vouloir établir ou faire ces
sortes d'oeuvres, pour mériter par elles la grâce et la
Justification ou de s'imaginer que sans ce culte il n'y a pas de
christianisme. C'est en ceci que nos adversaires nous accusent de
défendre la discipline et la mortification de la chair, comme
Jovinien. Mais on trouvera le contraire dans les livres de nos
docteurs. Ils ont toujours enseigné qu'il fallait porter la croix y
et souffrir les afflictions. C'est là la véritable et sincère
mortification, que d'être éprouvé par les souffrances et d'être
crucifié avec Jésus-Christ. Outre cela, nous enseignons que tout
chrétien doit régler son corps et l'accoutumer aux exercices et au
travail, afin que la gourmandise ou la paresse ne l'entraîne point
au péché. Cependant nous ne croyons pas que nous puissions mériter
par ces exercices la grâce, ou faire satisfaction pour nos péchés.
Il y a plus, nous enseignons qu'il faut observer continuellement
cette discipline, non seulement pendant certains jours, mais tous les
jours de la vie, suivant ces commandements de Jésus-Christ: Prenez
donc garde à vous, de peur que vos coeurs
ne s'appesantissent par l'excès
des viandes et du vin. Et: Cette
sorte de démons ne se bannissent que par la prière et le jeune.
De même: Je traite rudement mon corps, et je
le réduis en servitude, dit S. Paul, et il
montre par là qu'il mortifiait son corps, non pas pour mériter la
rémission des péchés, mais pour être lui-même mieux disposé aux
choses spirituelles, et pour mieux remplir les devoirs de sa
vocation. Il ne faut donc pas croire que nous rejetions le jeûne en
lui-même, mais bien les traditions qui, en prescrivant sous peine de
péché de certains jours et l'usage de certaines viandes, ont
embarrassé les consciences, en faisant croire que ces sortes
d'oeuvres étaient un culte nécessaire au salut. Néanmoins nous
conservons celles de ces traditions qui contribuent à maintenir
l'ordre dans l'Eglise, telles que la série des lectures à la messe,
les chants et les fêtes principales. Mais nous instruisons en même
temps les fidèles, qu'un pareil culte ne nous justifie point devant
Dieu, et qu'on peut s'en dispenser sans péché, pourvu qu'on évite
de choquer les opinions. Cette liberté sur les institutions humaines
a été fort connue aux des Pères. En Orient, on célébrait Pâques
dans un autre temps qu'à Rome; et lorsque les Romains voulurent pour
cela accuser de schisme les Eglises d'Orient, on leur apprit que ces
coutumes ne devaient pas être les mêmes partout. S. Irénée dit
que la différence du jeûne ne détruit pas l'unité de la foi. Le
pape Grégoire de même fait savoir dans la 12e Distinction, que
cette diversité ne blesse point l'union de l'Eglise. Dans l'histoire
tripartite (livre 9) on voit plusieurs exemples de coutumes et de
traditions différentes les unes des autres, et on y lit ces paroles:
L'intention des apôtres n'a pas été
d'ordonner des jours de fêtes, mais de prêcher une vie régulière
et la piété.
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XXVII.
Des voeux
monastiques
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Pour
mieux entendre notre doctrine sur les voeux des moines, il faut se
rappeler quel a été autrefois l'état
des couvents; combien de choses s'y faisaient tous les jours contre
les canons eux-mêmes. Au temps de S. Augustin les monastères
étaient des corporations libres; la discipline s'y étant corrompue
depuis, on a partout ajouté des voeux,
dans la pensée qu'en faisant des
monastères une espèce de prison, on y rétablirait la discipline.
Aux
voeux on
ajouta ensuite beaucoup d'autres observances, et on a imposé
ces chaînes à beaucoup de personnes ayant l'âge prescrit par les
canons.
Plusieurs sont tombés dans la vie monastique par ignorance, et s'ils
avaient l'âge nécessaire il leur manquait toutefois la connaissance
de leurs forces. On contraignait ceux qui se trouvaient enlacés de
la sorte à porter leurs liens, lors même que, par la faveur des
canons, ils pouvaient en être affranchis. Ce malheur fut plus grand
dans les couvents des vierges que dans ceux des moines; la faiblesse
de leur sexe devait engager l'Eglise à user envers elles de plus de
condescendance. L'ancienne rigueur était désapprouvée depuis
longtemps par un grand nombre d'hommes vertueux qui, voyant entraîner
les jeunes filles et les adolescents dans les monastères, seulement
pour y trouver la subsistance, s'affligeaient sur les suites funestes
de ces procédés, sur les scandales qu'ils causeraient, et les
scrupules qu'ils jetteraient dans les consciences. Ils ne voyaient
qu'avec douleur qu'on négligeât et qu'on méprisât tout-à-fait
l'autorité des canons dans une affaire aussi périlleuse.
Ajoutez à tous ces maux l'opinion qu'on avait de ces mêmes voeux,
que les moines les plus éclairés désapprouvaient autrefois.
N'a-t-on pas avancé que ces engagements prétendus étaient égaux
au baptême, et que par cette manière de vivre on méritait la
rémission des péchés et la justice devant Dieu? On ne s'est pas
borné à soutenir que la vie monastique méritait la justice devant
Dieu, mais on a prétendu qu'elle valait une récompense beaucoup
plus grande, parce qu'on ne s'y contente pas d'observer ce que
l'Evangile commande, mais encore ce qu'il conseille. Ainsi on
persuadait que la professe religieuse était meilleure que le
baptême, et que la vie monastique était plus méritoire que celle
des magistrats, des prêtres et des autres hommes, qui, sans se faire
une religion imaginaire, pratiquent la volonté de Dieu dans leur
état. On ne peut pas nier que ces choses n'aient été enseignées;
elles se trouvent dans leurs livres.
Quel pouvait être dès lors l'état des monastères? Autrefois
c'étaient les écoles des Paroles saintes et des autres sciences
utiles à l'Eglise; on y choisissait alors des pasteurs et des
évêques. Il en est autrement aujourd'hui, et il n'est pas utile de
rappeler ici ce qui est de notoriété publique. Autrefois on s'y
assemblait pour s'instruire; ils veulent faire croire aujourd'hui que
ce genre de vie est établi pour donner la grâce et la justice; ils
disent même que c'est un état de perfection préférable à tous
les autres états ordonnés de Dieu. Nous ne rapportons ces choses
par aucun motif de haine, sans les exagérer et seulement pour mieux
faire juger de la doctrine que nous allons exposer sur cet article.
Nous
enseignons, premièrement, que le mariage est permis à toutes les
personnes qui ne sont pas propres au célibat; les voeux
que l'on pourrait avoir faits ne peuvent détruire
l'ordre et le commandement de Dieu. Ce précepte de Dieu est que,
pour éviter la fornication, chaque homme ait sa femme. Ce n'est pas
seulement un précepte, c'est l'ordre de la création qui oblige au
mariage tous ceux qui n'en sont pas exemptés par une grâce toute
particulière de Dieu: Il n'est pas bon que
l'homme soit seul. Ceux qui se marient pour
obéir au commandement de Dieu, ne commettent donc pas un péché. Et
que peut-on objecter contre cette vérité? Qu'on exagère tant qu'on
voudra l'obligation des voeux,
on ne pourra jamais nous persuader qu'ils abolissent le commandement
de Dieu. Les canons disent que, dans tous les voeux, le droit du
supérieur est excepté: par conséquent
des voeux
qui sont contre le commandement de Dieu ne peuvent avoir aucune
validité.
S'il
n'y avait aucune raison légitime de relever quelqu'un de ses voeux,
pourquoi les papes eux-mêmes l’ont-ils
fait si souvent ? Il n'est pas permis, en effet, à un homme
d’annuler ce qui est absolument du droit divin, mais en cette
matière les papes ont jugé très sagement qu'il fallait régler
cette obligation selon l'équité. On trouve donc maints exemples de
personnes qu’ils ont relevées de leurs voeux
comme ce roi d'Aragon rappelé d'un
monastère. Encore aujourd'hui, de tels exemples ne manquent pas.
Secondement,
pourquoi nos adversaires exagèrent-ils l'obligation des voeux,
en gardant sur la nature de ces engagements un étrange
silence? Que ne disent-ils que le voeu
ne doit se faire que pour les choses possibles, qu'il doit être
volontaire, spontané, réfléchi ? Mais personne n'ignore que la
chasteté éternelle n'est point au pouvoir de l'homme, et qu'il y a
très peu de personnes qui s'engagent d'elles-mêmes et après mûre
délibération à la garder. On persuade nos jeunes filles et nos
adolescents à faire des voeux
avant même qu'ils aient le jugement
éclairé; même souvent on les y contraint. Après cela est-il de
l'équité de soutenir avec tant de chaleur l'obligation des voeux,
lorsque tout le monde convient qu'il est contre la nature du voeu de
le faire malgré soi, ou inconsidérément?
Les canons cassent les voeux qui se font avant quinze ans, parce
qu'il semble qu'on ne puisse avant cet âge avoir assez de jugement
pour choisir un genre de vie pour le reste de ses jours. Un autre
canon, s'accommodant d'avantage à la faiblesse humaine, ne veut
point qu'on fasse des voeux avant l'âge de dix-huis ans. Mais on ne
respecte plus l'un ni l'autre de ces statuts; et la plupart des
hommes, lorsqu'ils abandonnent leurs monastères, donnent pour
légitime excuse de s'y être engagés avant l'âge.
Enfin, lors même qu'on blâme la transgression du voeu, il ne
s'ensuit pas qu'on doive rompre le mariage que de telles personnes
peuvent avoir contracté. Car S. Augustin le défend, et son autorité
est d'un grand poids - quoique d'autres après lui aient été d'un
sentiment contraire.
Le
commandement de Dieu sur le mariage semble de lui-même affranchir de
leurs voeux
ceux qui en ont prononcé; toutefois nos
docteurs ont encore une autre raison pour faire voir que les voeux
sont nuls. Tout culte établi par les
hommes, sans commandement de Dieu, pour mériter la grâce et la
Justification, est impie, selon les Paroles de Jésus-Christ, qui
dit: C'est en vain qu'ils m'honorent, en
publiant des ordonnances humaines. S. Paul
enseigne partout qu'il ne faut point chercher la justice par des
observances et des institutions que les hommes ont ordonnées, mais
que nous l'avons par la foi, quand nous croyons que Dieu s'est
réconcilié avec nous et qu'il nous est propice, pour l'amour de
Jésus-Christ, et non pour nos oeuvres.
Il
est avéré que les moines ont
constamment enseigné qu’on pouvait satisfaire pour les péchés et
mériter la grâce au moyen de constitutions de leur fantaisie.
N'est-ce pas là diminuer et obscurcir la gloire du Christ et nier la
justice par la foi? Il s'ensuit donc que tous ces voeux
ont été des engagements impies et par
conséquent nuls: car un voeu
impie, qui est fait contre le commandement de Dieu, n'a point
d'obligation. Le voeu ne doit pas être
un lien d'iniquité, comme dit le canon Inter caetera.
S.
Paul dit: Vous qui voulez être justifiés
par la Loi, vous n'avez plus de part en Jésus-Christ, vous êtes
déchus de la grâce.
Ceux qui pensent être justifiés par leurs voeux renoncent ainsi au
Christ et sont déchus de sa grâce; car en attribuant leur
Justification à leurs voeux, ils attribuent à leurs oeuvres ce qui
n'appartient qu'à la gloire du Christ.
Cependant, on ne peut pas nier que les moines n'aient enseigné
qu'ils étaient justifiés et qu'ils méritaient la rémission des
péchés par leurs observances; ils ont prétendu avoir des mérites
surérogatoires et ils ont même départi ceux-ci à d'autres pour
satisfaire pour leurs péchés.
Si l'on voulait examiner à la rigueur toutes ces choses, combien
trouverait-on d'absurdités, dont les moines rougissent maintenant?
Ils ont de plus persuadé les hommes que ces oeuvres humaines étaient
un état de perfection chrétienne; mais n'étais-ce pas faire
dépendre la Justification des oeuvres?
Or,
ce n'est pas un scandale léger dans l'Eglise, que d'enseigner qu'un
certain culte inventé par les hommes et sans commandement de Dieu,
puisse justifier les hommes. La justice de la foi qu'il faut
enseigner avant tout dans l'Eglise, est obscurcie lorsque ces
surprenantes religions d'anges, cette fausse apparence de pauvreté,
d'humilité et de célibat, s'étalent si pompeusement aux yeux des
hommes. Outre cela, la religion et le vrai culte s'altèrent, lorsque
les hommes entendent que les moines seuls vivent dans l'état de
perfection. La perfection chrétienne consiste à craindre
véritablement Dieu et à nourrir une foi vive, à croire que nous
sommes réconciliés avec Dieu par Jésus-Christ, à le prier dans
cette confiance, et à attendre de lui le secours nécessaire dans
toutes les affaires de notre vie, selon l'état auquel il nous a
appelés. Cependant, il faut pratiquer les bonnes oeuvres
et suivre religieusement sa vocation. C'est en cela que consiste la
vraie perfection et le véritable culte
de Dieu, et non pas dans le célibat, dans la mendicité, ou dans de
sordides vêtements.
Mais le peuple ne laisse pas de concevoir des opinions pernicieuses
d'après les fausses louanges de la vie monastique. Il entend vanter
sans mesure le célibat et ne vit plus dans le mariage qu'avec
scrupule. Il entend qu'il n'y a de parfaits que les mendiants et il a
mauvaise conscience de posséder quelque bien, ou de faire du
commerce. Il entend dire que ce n'est qu'un conseil, et non pas un
précepte de l'Evangile, de ne pas se venger et plusieurs n'hésitent
plus de se venger en particulier. D'autres enfin se persuadent que
les magistratures et les charges publiques sont indignes d'un
chrétien. On a les exemples de plusieurs personnes qui ont abandonné
leurs femmes et le gouvernement de l'Etat et se sont ensevelies dans
les monastères. Ils appelaient cela s'enfuir du monde et chercher un
genre de vie plus agréable à Dieu; ils ne savaient donc pas qu'ils
devaient le servir suivant les commandements qu'il leur a donnés
lui-même, et non d'après ceux qu'ont inventés les hommes. Le genre
de vie le plus parfait et le meilleur n'est-il donc plus celui où
l'on exécute les commandements de Dieu?
Ce
sont là des choses sur lesquelles il est nécessaire d'éclairer les
hommes. Gerson reprit, il y a longtemps, l'erreur des moines sur la
perfection chrétienne et il nous assure que de son temps c'était
une opinion nouvelle que d'appeler la vie monastique un état de
perfection. Il existe donc sur les voeux
monastiques plusieurs opinions impies selon lesquelles ils procurent
d'eux-mêmes le pardon des péchés, nous
justifient, donnent la perfection chrétienne, servent à observer et
les conseils et les préceptes de l'Evangile, et que par eux les
moines font des oeuvres
surérogatoires. Comme toutes ces
croyances sont fausses et ne sont que superstition, il en suit que
les voeux
sont inutiles et nuls.
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XXVIII.
De la puissance ecclésiastique
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Il y a eu de grandes disputes sur le pouvoir des évêques, et
quelques-uns ont confondu mal à propos la puissance ecclésiastique
avec le pouvoir du glaive. On a vu naître de cette confusion des
guerres cruelles et de grands soulèvements lorsque les papes,
prétextant la puissance des clefs, ne se contentaient pas
d'instituer des cultes nouveaux, de se réserver les cas, de charger
les consciences d'excommunications violentes, mais qu'ils voulaient
encore disposer des royaumes de la terre, donner et ôter l'empire
aux princes. Depuis longtemps ces vices sont repris dans l'Eglise par
les hommes les plus pieux et les plus instruits. Nos docteurs, pour
rassurer les esprits, ont dû faire voir la différence qu'il y avait
entre le pouvoir de l'Eglise et celui de la royauté, et ils ont
enseigné qu'il faut porter du respect à l'un et à l'autre, comme
étant, selon l'Evangile, les plus grands bienfaits de Dieu sur la
terre.
Voici
quelle est sur cette matière toute notre doctrine: La puissance des
clefs, ou le pouvoir des évêques, est, selon l'Evangile, un pouvoir
ou commandement reçu de Dieu, pour prêcher l'Evangile, remettre ou
retenir les péchés, et administrer les sacrements. C'est avec ce
pouvoir que Jésus-Christ a député ses apôtres: Comme
mon Père m'a envoyé, je vous envoie de même; recevez le
Saint-Esprit; les péchés seront remis à ceux à qui vous les
remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez.
De même: Allez par tout le monde prêcher
l'Evangile à toutes créatures.
Cette
puissance se borne donc à enseigner ou prêcher la Parole de Dieu,
et à administrer les sacrements, selon leur vocation, que ce soit à
beaucoup de personnes ou à quelques-uns en particulier. On ne donne
pas là des biens terrestres, mais des biens éternels, savoir la
justice éternelle, le Saint-Esprit et la vie éternelle. Ces biens
ne sont communiqués que par l'administration de la Parole et des
sacrements, comme dit S. Paul: L'Evangile est
la force et la vertu de Dieu pour sauver tous ceux qui croient.
Or la puissance ecclésiastique, donnant des biens célestes et
n'étant exercée que par le ministère de la Parole de Dieu,
n'empêche nullement le gouvernement politique; d'une manière
semblable, l'art du chant n'interfère pas non plus avec le
gouvernement civil. Celui-ci a pour objet d'autres choses que
l'Evangile: le magistrat protège non pas les esprits, mais les corps
et les biens du monde contre les injustices évidentes, et punit les
coupables par l'épée et par des peines temporelles afin de
maintenir la paix et la justice civile parmi les hommes.
Il
ne faut donc pas confondre le pouvoir ecclésiastique avec le pouvoir
civil. Le premier est institué pour la prédication de la Parole de
Dieu et l'administration des sacrements. Il lui est défendu de se
mêler d'affaires qui lui sont étrangères, de disposer des royaumes
de ce monde, d'abroger les lois des magistrats, de dispenser d'une
obéissance légitime, d'empêcher un jugement quelconque d'après
les ordonnances et les contrats civils, de prescrire aux
fonctionnaires de l'Etat des règles de gouvernement. Jésus-Christ
dit: Mon royaume n'est pas de ce monde.
Et ailleurs: Qui est-ce qui m'a établi pour
juger ou pour faire vos partages? Et S. Paul
dit aux Philippiens (3: 20): Notre cité est
dans le ciel; et aux Corinthiens ( 10: 4):
Les armes de notre milice ne sont point
terrestres, mais puissantes en Dieu, pour renverser les remparts des
raisonnements humains qui se soulèvent contre la connaissance de
Dieu. C'est ainsi que nous distinguons les
devoirs de ces deux puissances ; et nous voulons qu'on les honore
toutes deux comme des dons et des bienfaits de Dieu.
Si
les évêques ont quelque pouvoir civil, ils l'ont, non pas comme
évêques, par l'Evangile, mais par une concession particulière des
empereurs et des rois, et par le droit des hommes. C'est alors une
administration civile de leurs biens, charge toute différente du
ministère de l'Evangile. Lors donc qu'on demande ce que c'est que
la juridiction des évêques, il faut distinguer le gouvernement, de
la puissance ecclésiastique. Or, selon l'Evangile ou pour ainsi dire
selon le droit divin, les évêques n'ont point de juridiction; en
qualité de ministres de la Parole de Dieu et d'administrateurs des
sacrements, ils n'ont que le pouvoir de remettre les péchés,
d'examiner les doctrines, de rejeter celles qui sont contraires à
l'Evangile, et de retrancher de la communion de l'Eglise les méchants
dont l'impiété est notoire. Tout cela, ils doivent le faire par la
force de la Parole et non par la force humaine. C'est dans ces
affaires que les Eglises doivent être obéissantes aux évêques,
selon le droit divin: Celui qui vous écoute,
m'écoute.
Toutefois,
quand les évêques ordonnent ou établissent quelque chose contre
l'Evangile, les Eglises ont les commandements de Dieu qui défendent
de leur obéir: Gardez-vous des faux
prophètes. Et: Quand
nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand un ange du ciel vous
annoncerait un évangile différent de celui que nous vous avons
annoncé, qu'il soit anathème. Et: Nous
ne pouvons rien contre la vérité, mais seulement pour la vérité.
De même: La puissance nous a été donnée
pour édifier, non pour détruire. Les
canons demandent la même chose. Enfin, S. Augustin, dans son Traité
contre l'épître de Pétilian, dit qu'il ne faut pas obéir aux
évêques lorsqu'ils manquent ou ordonnent quelque chose contre
l'Ecriture sainte. Toutes les fois donc que les évêques ont quelque
autre puissance ou juridiction dans de certaines affaires, comme le
mariage ou les dîmes, ils ont ce pouvoir par le droit des hommes.
Cependant, quand la justice des Ordinaires cesse, les princes sont
obligés de juger, même malgré eux, leurs sujets, afin que la paix
soit maintenue.
On
demande encore si les évêques ou les pasteurs ont le droit
d'introduire dans l'Eglise des cérémonies et des ordonnances sur
les viandes, les fêtes, les divers degrés des ministres etc. Ceux
qui attribuent ce droit aux évêques, allèguent ces Paroles de
Jésus-Christ: J'ai encore beaucoup de choses
à vous dire, mais vous ne pouvez pas les comprendre maintenant;
quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute
vérité. Ils citent aussi l'exemple des
apôtres, qui ont ordonné qu'on s'abstînt des chairs étouffées et
du sang. Ils allèguent encore le changement du jour du sabbat en
jour du Seigneur, ce qui semble être contre le décalogue. C'est
surtout ce dernier exemple, le changement du sabbat, qu'ils font
valoir, pour en inférer que l'Eglise a un grand pouvoir, ayant pu
dispenser d'un commandement du décalogue.
Notre doctrine sur cet article est que les évêques ne peuvent rien
ordonner ou établir contre l'Evangile, comme nous avons dit
auparavant. Les canons ont statué le même principe (voyez la 9e
Distinct.) Or, c'est agir évidemment contre l'Ecriture sainte, que
d'ordonner des traditions et de les faire observer, afin de mériter
la grâce et de satisfaire pour les péchés. La gloire du mérite de
Jésus-Christ n'est-elle pas blessée lorsque, par de semblables
observances, on prétend pouvoir mériter la justification? Tout le
monde sait aussi que par cette persuasion il s'est glissé une
infinité de traditions dans l'Eglise; et que la doctrine de la foi
et de sa justice a été négligée. On a augmenté le nombre des
fêtes, ordonné des jeûnes, établi de nouvelles cérémonies et de
nouveaux honneurs aux saints. Les auteurs de ces traditions
s'imaginaient mériter par là la grâce de Dieu et toutes sortes de
biens. C'est ce qui a fait augmenter si considérablement les canons
de la pénitence, dont on remarque encore des restes dans les
satisfactions.
De même, les auteurs de ces traditions agissent contre le
commandement de Dieu, en situant l'objet du péché dans des
aliments, dans certains jours et d'autres choses similaires et en
chargeant l'Eglise de la servitude de la Loi, comme s'il était
requis des chrétiens, pour qu'ils méritent la Justification, que
leur culte soit similaire à celui du Lévitique, et comme si Dieu
avait commis l'organisation d'un tel culte aux apôtres et aux
évêques.
C'est ainsi qu'on écrit quelques-uns de leurs auteurs, et les
pontifes ont visiblement été induits en erreur par l'exemple de la
Loi mosaïque.
Voilà d'où viennent ces fardeaux dont on accable les consciences,
en les persuadant que c'est un péché mortel d'exécuter un travail
manuel durant les jours fériés, même si cela ne scandalise
personne; que c'est un péché mortel de négliger les heures
canoniques; que certains aliments polluent la conscience; que les
jeûnes sont des oeuvres qui apaisent Dieu; qu'un péché dans les
cas réservés ne peut être remis sans le consentement de celui qui
s'en est réservé l'absolution, quoique les canons ne disent pas que
la faute soit réservée, mais seulement les peines ecclésiastiques.
D'où
les évêques ont-ils le droit de charger l'Eglise de traditions qui
embarrassent les consciences, alors que S. Pierre interdit d'imposer
un joug aux disciples? S. Paul dit qu'il n'a pas reçu de pouvoir
pour détruire mais pour édifier; pourquoi donc augmenter les péchés
par ces traditions? N'y a-t-il pas plusieurs témoignages évidents
qui défendent d'établir de telles traditions pour mériter la
grâce, et comme nécessaires à la justice de la nouvelle Alliance
et au salut? S. Paul dit: Que personne ne
vous condamne pour le manger et pour le boire, ni au sujet des jours
de fêtes, des nouvelles lunes et des jours de sabbat; puisque toutes
ces choses n'ont été que l'ombre de celles qui doivent arriver, et
que Jésus-Christ en est le corps et la vérité. Si donc vous êtes
morts avec Jésus-Christ à ces premières et grossières
instructions du monde, comment vous laissez-vous imposer des lois,
comme si vous viviez dans cet état du monde? “Ne mange pas”,
vous dit-on, “une telle chose; ne goûte pas de ceci, ne touche pas
à cela”; cependant ce sont des choses qui périssent toute par
l'usage qu'on en fait, et ces préceptes qu'on vous donne, ne sont
que des ordonnances et des opinions humaines, qui ont quelque
apparence de sagesse. Et dans la première
Epître à Tite S. Paul rejette expressément les traditions. Il
ne faut pas, dit-il, s'arrêter à
des fables judaïques et à des ordonnances de personnes qui haïssent
la vérité. Et Jésus-Christ dit de ceux
qui exigent l'observance des traditions:
Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles.
Ailleurs il désapprouve ainsi ces cultes en disant: Toute
plante qui n'aura pas été plantée par mon père qui est dans le
ciel, sera arrachée.
Si les évêques ont le pouvoir de charger l'Eglise d'une infinité
de traditions et de lier les consciences, pourquoi l'Ecriture nous
défend-elle en tant d'endroits d'établir des traditions et de les
suivre? D'où vient qu'elle les appelle une doctrine de démons? Le
Saint-Esprit a-t-il averti en vain de ces choses?
Il
en suit donc que si les ordonnances instituées pour mériter la
grâce, et comme nécessaires, sont contre l'Evangile, les évêques
n'ont pas le pouvoir de les établir. Il est bien nécessaire qu'on
conserve dans l'Eglise la doctrine de la liberté chrétienne,
puisque la servitude de la Loi n'a plus d'obligation pour nous.
Demeurez ferme, dit
l'apôtre, dans la liberté que Jésus-Christ
nous a acquise, et ne vous remettez pas de nouveau sous le joug de la
servitude. Il faut nécessairement
s'attacher au principal point de l'Evangile, qui est que nous sommes
justifiés gratuitement par la foi en Jésus-Christ, et non pas pour
des observances ou des cultes institués par les hommes.
Quel
sentiment doit-on avoir par conséquent sur le dimanche et certaines
cérémonies qui s'observent dans l'Eglise? Nous répondons que les
évêques et les pasteurs peuvent les établir pour conserver l'ordre
dans l'Eglise, mais non pas pour mériter la grâce ou offrir une
satisfaction pour les péchés qu'ils ne peuvent pas obliger les
consciences à croire que ce soient des cultes nécessaires, ou à
s'accuser de péché quand on les néglige sans choquer personne.
C'est ainsi que S. Paul ordonne: Que dans les
assemblées les femmes soient voilées, et que ceux qui interprètent
dans l'Eglise les Ecritures saintes, soient entendus avec ordre, l'un
après l'autre.
Il convient que les Eglises observent ces ordonnances pour maintenir
la paix et pour ne pas s'entre offenser, et afin que tout se fasse
avec ordre et sans tumulte. Mais que les consciences n'en soient pas
chargées, qu'on ne persuade personne que l'observance de ces choses
soit nécessaire pour le salut, ou qu'on pèche en ne les suivant
pas. Une femme commet-elle donc un péché quand elle paraît en
public sans avoir la tête voilée dans les pays où cet usage n'est
pas choquant?
Il en est de même des dimanches, de la fête de Pâques, de la
Pentecôte, et de semblables fêtes et coutumes. Ceux qui soutiennent
que le dimanche a été mis à la place du sabbat, par l'autorité de
l'Eglise et comme une chose nécessaire, se trompent fort. Ce fut
l'Ecriture qui abrogea le sabbat, en enseignant que toutes les
cérémonies mosaïques pouvaient être abandonnées après la
promulgation de l'Evangile. Toutefois, comme il était nécessaire
d'instituer un certain jour, afin que le peuple sût quand il devait
s'assembler, il apparaît que l'Eglise a institué pour cela le
dimanche qui offrait en même temps aux fidèles un exemple de la
liberté chrétienne, et qui leur apprenait que ni l'observance du
sabbat, ni celle d'un autre jour n'est nécessaire.
On a élevé des disputes interminables sur le changement de la Loi
ancienne, les cérémonies de la nouvelle et le changement du sabbat;
elles sont toutes nées de la persuasion où l'on était, qu'il
devait y avoir dans l'Eglise un culte semblable au lévitique, et que
Jésus-Christ avait donné aux apôtres et aux évêques le pouvoir
d'instituer de nouvelles cérémonies nécessaires pour le salut. Ces
erreurs se sont glissées dans l'Eglise à mesure qu'on a cessé
d'enseigner clairement la justice de la foi. Les uns ont prétendu
que l'observance du dimanche n'est pas à la vérité de droit divin,
mais presque; d'autres ont longuement examiné en quel cas il est
permis de travailler aux jours de fêtes. Mais toutes ces doctrines
sont-elles autre chose que des liens pour les consciences? On tâche
d'adoucir maintenant les traditions, mais on ne pourra jamais
observer une juste mesure tant qu'on les croira nécessaires; et
cette opinion durera indispensablement tant qu'on ignorera la justice
de la foi et la liberté chrétienne.
Les apôtres ont commandé de s'abstenir du sang et des chairs
étouffés; mais qui l'observe présentement? Néanmoins ceux qui ne
l'observent pas ne pèchent point, parce que les apôtres mêmes
n'ont pas voulu charger les consciences de cette servitude; et qu'ils
n'ont établi leur défense que pour un certain temps et pour éviter
le scandale. C'est la volonté perpétuelle de l'Evangile qu'il faut
considérer dans un décret. On peut dire qu'il n'y a que très peu
de canons anciens qu'on observe exactement; et il y en a beaucoup qui
s'oublient toujours plus, même parmi ceux qui défendent le plus les
traditions. On ne peut soulager les consciences qu'autant qu'on
établira avec équité, que les canons ne doivent pas s'observer
comme nécessaires, et qu'on peut laisser vieillir quelques
traditions, sans léser les consciences.
Les évêques pourraient aisément se conserver une obéissance
légitime, s'ils ne contraignaient pas d'observer avec tant de
rigueur des traditions qu'on ne saurait observer en bonne conscience.
Mais ils commandent aux ecclésiastiques de garder le célibat, et ne
reçoivent pour pasteur que ceux qui prêtent serment de ne vouloir
pas sur ces articles enseigner la doctrine pure de l'Evangile. Nous
ne demandons point que les évêques rachètent la paix et l'union
par le sacrifice de leur honneur (ce qu'ils devraient faire néanmoins
comme pasteurs fidèles), nous les conjurons seulement de retrancher
d'injustes fardeaux, qui se sont introduits il n'y a pas longtemps,
contre la coutume de l'Eglise catholique. Peut-être qu'au
commencement on avait quelques raisons d'établir de telles
observances, mais ces raisons ont cessé d'avoir lieu
postérieurement. Quelques autres ont été reçues évidemment par
erreur. Les évêques devraient les changer, ou les adoucir, d'autant
plus que l'unité de l'Eglise n'en est point troublée. On en a
souvent usé de même, comme on peut voir par les canons. Que si les
papes et les évêques ne veulent point avoir la condescendance de
relâcher de l'obligation des traditions qu'on ne peut observer sans
péché, nous somme contraints de suivre la règle apostolique qui
veut que nous obéissions plutôt à Dieu qu'aux hommes. S. Pierre
défend aux évêques de dominer et de régner dans les Eglises. Il
ne s'agit pas présentement d'ôter la domination aux évêques; nous
les prions seulement de vouloir souffrir la prédication de
l'Evangile pur, et de se relâcher des observances qu'on ne peut
garder sans péché. S'ils demeurent durs et inflexibles, et qu'ils
ne font nulle réflexion sur ces demandes, c'est à eux à voir
comment ils rendront compte devant Dieu d'avoir été la cause de la
division de l'Eglise par leur obstination.