Confession d'Augsbourg: Première partie
PREMIERE PARTIE
PRINCIPAUX ARTICLES DE LA FOI
PRINCIPAUX ARTICLES DE LA FOI
I. De Dieu
Nos Eglises enseignent à l'unanimité que le décret du concile de
Nicée, concernant l'unité de l'essence divine et les trois
Personnes est vrai, et qu'il doit être cru sans le moindre doute. A
savoir, qu'il y a une essence divine, qui est appelée et qui est
Dieu, éternel, incorporel, invisible; qui est d'une puissance, d'une
sagesse et d'une bonté infinies; et qui est le créateur de toutes
les choses, tant visibles qu'invisibles. Et pourtant, il y a trois
Personnes qui ont une même essence, une même puissance et qui sont
coéternelles: le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
On
prend le mot de Personne
dans le même sens que les docteurs de l'Eglise, lorsqu'ils parlent
de cette matière; en sorte qu'il ne signifie pas une partie, ou une
qualité dans un autre, mais ce qui subsiste de soi-même.
C'est pourquoi nos Eglises condamnent toutes les hérésies qui sont
élevées contre cet article, comme celle des manichéens, qui admettaient deux
principes, l'un bon et l'autre, mauvais; et celles des valentiniens,
des ariens, des eunomiens, des mahométistes et de tous leurs
semblables; aussi bien que celle des samosaténiens, tant anciens que
nouveaux, qui, soutenant qu'il n'y a qu'une seule Personne, arguent
avec des sophismes et impiété au sujet du Verbe et du Saint-Esprit,
disant que ce ne sont pas des Personnes distinctes, mais que le Verbe
signifie la parole ou la voix vive; et que le Saint-Esprit n'est que
le mouvement créé dans les choses.
II. Du péché originel
De même, nos Eglises enseignent qu'après la Chute d'Adam, tous les
hommes nés selon le cours de la nature, sont nés avec le péché,
c'est-à-dire, qu'ils naissent sans la crainte de Dieu, sans
confiance en lui, avec des inclinations mauvaises; et que ce mal, ou
cette maladie originaire, est véritablement péché, qui damne, et
qui cause encore maintenant la mort éternelle à tous ceux qui ne
renaissent point par le baptême et le Saint-Esprit.
Elles condamnent les pélagiens et les autres qui nient que le mal
originel soit péché, et qui, pour anéantir la gloire des bienfaits
et du mérite du Christ, soutiennent que l'homme peut être justifié
devant Dieu par les propres forces de sa raison.
III. Du Fils de Dieu
De même, nos Eglises enseignent que le Verbe, c'est-à-dire, le Fils
de Dieu, a assumé la nature humaine dans le sein de la bienheureuse
Vierge Marie, et que les deux natures, la divine et l'humaine, sont
inséparablement unies dans sa Personne; de sorte qu'il n'y a qu'un
Christ, qui est vrai Dieu et vrai homme, né de la Vierge Marie, qui
a véritablement souffert, a été crucifié, est mort et a été mis
dans le sépulcre, pour nous réconcilier avec son Père, et pour
être une victime non seulement pour le péché originel, mais encore
pour tous les péchés actuels des hommes. Ce même Christ est
descendu aux enfers, et véritablement ressuscité des morts le
troisième jour; ensuite il est monté aux cieux pour siéger à la
droite de son Père, pour régner éternellement, pour dominer sur
toutes les créatures, pour sanctifier tous ceux qui croient en lui,
en leur envoyant son Saint-Esprit, afin qu'il les console, les
vivifie, et les défende contre le démon et contre la puissance du
péché. Enfin ce même Christ reviendra visiblement pour juger les
vivants et les morts etc., suivant le Symbole des apôtres.
IV. De la justification
De
même, nos Eglises enseignent que nous ne pouvons être justifiés
devant Dieu par nos propres forces, nos mérites et nos oeuvres;
mais que nous le sommes gratuitement pour l'amour de Jésus-Christ,
par la foi, lorsque nous croyons que nous sommes reçus en grâce et
lorsque nous croyons que le Christ a souffert pour nous, que les
péchés nous sont pardonnés, pour l'amour de celui qui par sa mort
a satisfait pour nous. C'est là la foi que Dieu impute à justice
devant lui (Romains 3 et 4).
V. Du ministère ecclésiastique
Pour nous faire parvenir à cette foi, le ministère de
l'enseignement de l'Evangile et de l'administration des sacrements a
été institué. C'est par ces moyens, comme par des instruments, que
nous est donné le Saint-Esprit, qui opère la foi où et quand il
plaît à Dieu, en ceux qui entendent l'Evangile. Celui-ci nous
apprend que Dieu nous regarde comme justifiés pour l'amour de
Jésus-Christ et pour l'espérance que nous avons en sa grâce, mais
non pour nos propres mérites.
Nos
Eglises condamnent les anabaptistes et tous ceux qui soutiennent que
l'homme peut recevoir le Saint-Esprit par ses propres efforts, et par
ses oeuvres,
sans la Parole extérieure (de
l'Evangile).
VI. De la nouvelle obéissance
De
même, nos Eglises enseignent que cette foi doit produire de bons
fruits, et qu'il faut faire les bonnes oeuvres
que Dieu a commandées, pour obéir à sa
volonté, et non pas dans la confiance que ces oeuvres
puissent mériter notre Justification
devant Dieu. En effet, la rémission des péchés et la Justification
sont saisies par la foi, comme il le dit lui-même: Lorsque
vous aurez fait tout ce qui vous avait été commandé, dites: nous
sommes des serviteurs inutiles. Les Pères
enseignent la même chose; car S. Ambroise dit: Il
est résolu de Dieu que celui qui croit en Jésus-Christ sera sauvé,
non par les oeuvres,
mais par la foi seule, en recevant gratuitement la rémission
de ses péchés.
VII. De l'Eglise
De même, nos Eglises enseignent qu'il y a une seule sainte Eglise,
qui subsistera toujours. L'Eglise n'est autre chose que l'assemblée
des saints, où l'on prêche droitement l'Evangile, et où l'on
administre les sacrements comme il convient. Pour former la véritable
unité de l'Eglise, il suffit d'être d'accord dans la doctrine de
l'Evangile et dans l'administration des sacrements.
Il
n'est pas besoin d'avoir partout les mêmes traditions, d'observer
les mêmes rites et les mêmes cérémonies, lorsqu'elles sont
d'institution humaine. S. Paul dit dans ce sens aux Ephésiens: Il
n'y a qu'un Seigneur, qu'une foi, qu'un baptême, qu'un Dieu qui est
le Père de tous.
VIII. Qu'est-ce que l'Eglise?
Quoique
l'Eglise, proprement dite, soit une assemblée de vrais fidèles et
de saints, cependant, comme dans cette vie elle est mêlée de
beaucoup d'hypocrites et de méchants, les sacrements ne laissent pas
pour cela d'avoir leurs effets, lors même qu'ils sont administrés
par des hommes corrompus, selon la Parole de Jésus-Christ:
Les docteurs de la Loi et les pharisiens sont assis sur la chaire de
Moïse, etc.
Et les sacrements, ainsi que la Parole, sont efficaces en raison de
l'ordre et de l'institution du Christ, même s'ils sont présentés
par des méchants. C'est pour cela que nos Eglises condamnent les
donatistes, et tous ceux qui enseignent que l'on ne peut, dans
l'Eglise, avoir recours au ministère des méchants parce qu'il
serait inutile et sans effet.
IX. Du baptême
Au sujet du baptême, nos Eglises enseignent que celui-ci est
nécessaire au salut, et que par le baptême la grâce de Dieu nous
est offerte; qu'il faut baptiser les enfants, qui, étant offerts à
Dieu dans le baptême, sont reçus dans la grâce de Dieu.
Elles condamnent les anabaptistes, qui désapprouvent le baptême des
enfants, et soutiennent que les enfants sont sauvés sans le baptême.
X. De la Cène du Seigneur
Au sujet de la Cène du Seigneur, nos Eglises enseignent que le corps
et le sang du Christ sont véritablement présents, et qu'ils sont
distribués à ceux qui mangent la Cène du Seigneur; et elles
rejettent ceux qui enseignent autrement.
XI. De la confession
Nos
Eglises enseignent, sur la confession, que l'absolution privée doit
être conservée dans l'Eglise, quoiqu'il ne soit pas nécessaire que
le chrétien qui se confesse fasse l'énumération de tous ses
péchés. Cela est impossible, selon le Psaume (19: 13): Qui
est-ce qui connaît tous ses péchés?
XII. De la pénitence
Nos
Eglises enseignent, sur la pénitence, que ceux qui ont péché après
le baptême peuvent obtenir le pardon de leurs fautes, toutes les
fois qu'ils se convertissent, et que l'Eglise doit donner
l'absolution à ceux qui reviennent en repentance. La véritable
pénitence consiste proprement en ces deux choses: l'une, la
contrition et les terreurs qu'inspire à la conscience le péché
reconnu; l'autre la foi que donne l'Evangile (ou l'absolution), qui
nous assure que nos péchés nous sont remis par Jésus-Christ, qui
calme la conscience et la délivre de ses frayeurs. La foi doit être
suivie de bonnes oeuvres,
qui sont les fruits de la repentance.
Elles
condamnent les anabaptistes, qui disent que ceux qui ont été
une fois justifiés, ne peuvent plus perdre le Saint-Esprit. Elles
condamnent aussi ceux qui soutiennent qu'il est accordé à
quelques-uns dans cette vie même une telle perfection, qu'ils ne
pèchent plus. Elles condamnent encore les novatiens, qui refusaient
d'absoudre ceux qui étaient tombés dans le péché, après avoir
été baptisés, même quand ils revenaient en repentir. Enfin elles
rejettent ceux qui soutiennent que ce n'est pas par la foi que l'on
obtient la rémission des péchés, mais qui ordonnent aux hommes de
se racheter par certaines satisfactions.
XIII. De l'usage des sacrements
Quant à l'usage des sacrements, nos Eglises enseignent que les
sacrements ont été institués non seulement pour être les marques
d'une profession de foi commune entre les hommes, mais surtout pour
être des signes et des témoignages de la volonté de Dieu envers
nous, pour réveiller et pour fortifier la foi de ceux qui en font
usage. Il faut donc prendre part aux sacrements avec la foi aux
promesses qui sont présentées et manifestées par eux.
XIV. De l'ordre ecclésiastique
Quant à l'ordre ecclésiastique, nos Eglises enseignent que personne
ne doit publiquement instruire dans l'Eglise, ni administrer les
sacrements, sans y avoir été appelé légitimement.
XV. Des rites ecclésiastiques
Concernant les rites ecclésiastiques nos Eglises enseignent qu'il
faut maintenir ceux qui peuvent être conservés sans pécher, et qui
servent pour la tranquillité et le bon ordre de l'Eglise, comme sont
certains jours de fête et de solennité, et autres choses
semblables.
Néanmoins nous avertissons les fidèles qu'ils ne doivent pas
charger leur conscience de l'observation de ces choses, comme si
elles étaient nécessaires pour le salut.
Nous
les avertissons encore, que toutes les traditions humaines, établies
pour apaiser la colère de Dieu, pour mériter la grâce et pour
satisfaire pour nos péchés, sont contraires à l'Evangile et à la
doctrine de la foi. C'est pourquoi nous regardons comme inutiles et
même contraires à l'Evangile les voeux
monastiques, les traditions sur l'usage des viandes et les jours de
fêtes, institutions humaines faites dans
la vue de mériter la grâce divine et de satisfaire pour nos péchés.
XVI. Des fonctions civiles
Pour
ce qui est des charges et des emplois civils, nos Eglises enseignent
que les magistratures, établies légitimement dans un état, sont
des bonnes oeuvres
de Dieu, qu'il est permis aux chrétiens
d'accepter des emplois publics, de rendre des jugements, de les
prononcer selon les lois impériales et selon les coutumes
présentement établies; d'ordonner des peines, de faire une guerre
juste, d'être soldat, de passer des contrats, de maintenir les
propriétés, de prêter serment sur l'invitation des magistrats et
de contracter mariage.
Elles
condamnent les anabaptistes, qui défendent aux chrétiens toutes ces
fonctions et ces actes. Elles condamnent aussi ceux qui ne cherchent
pas la perfection évangélique dans la crainte de Dieu et dans la
foi, mais en quittant les charges civiles qui leur sont confiées. Si
l'Evangile enseigne une justice éternelle du coeur,
il n'abolit point pour cela l'ordre politique et économique;
il veut plutôt qu'il se maintienne et se fortifie par le lien de la
charité. C'est pourquoi les chrétiens sont obligés d'obéir en
toutes choses aux magistrats, et aux lois, lorsqu'elles ne sont point
contraires à la Loi de Dieu; car alors il
faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes
(Actes 5: 29).
XVII. Du Jugement dernier
De même, nos Eglises enseignent que le Christ apparaîtra à la fin
du monde en vue du Jugement, et qu'il ressuscitera tous les morts.
Aux saints et aux élus, il donnera la vie et la joie éternelles,
mais il condamnera les impies et les démons aux peines de
l'éternité.
Elles condamnent les anabaptistes, qui pensent que les tourments des
hommes damnés et des démons auront une fin.
Elles condamnent aussi ceux qui sèment présentement les opinions
judaïques, savoir: que les bons posséderont le royaume de ce monde
avant la résurrection, après que Dieu aura exterminé les méchants
sur toute la terre.
XVIII. Du libre arbitre
Sur
cette matière, nos Eglises enseignent que la volonté de l'homme a
quelque liberté d'accomplir la justice civile, et de choisir dans
les choses qui sont sujettes à la raison. Mais elle n'a pas la vertu
d'accomplir la justice de Dieu ou la justice spirituelle, sans le
Saint-Esprit, parce que l'homme mortel ne comprend point ce qui est
de l'Esprit de Dieu. La justice de Dieu se communique au coeur
par la vertu du Saint-Esprit, qui est donné
par la Parole de Dieu. S. Augustin avance cette doctrine dans les
mêmes termes dans son troisième livre des Hypognosticon. Nous
professons, dit-il, que
tous les hommes ont un libre arbitre, accompagné du jugement et de
la raison, non pour les choses de Dieu, soit d'entreprendre, soit
d'accomplir; cette faculté n'est que pour les actions de la vie
présente, soit bonnes, soit mauvaises. J'appelle bonnes les actions
qui proviennent de la bonté de la nature, comme de vouloir labourer
la terre, de vouloir manger et boire, de désirer avoir un ami,
d'avoir des vêtements, de bâtir une maison, de prendre une femme,
de nourrir du bétail, d'acquérir l'art de faire beaucoup de bonnes
choses, enfin de vouloir tout ce qui est bon pour la vie présente:
toutes ces choses ne se font pas sans la conduite de Dieu, elles sont
au contraire de lui et subsistent par lui. Je disais que l'homme a
aussi son libre arbitre pour le mal: comme de vouloir adorer une
idole, ou de vouloir commettre un homicide, ou des choses semblables.
XIX.
De la cause du péché
Concernant
la cause du péché, nos Eglises enseignent que, quoique Dieu crée
et conserve la nature, il n'est pas pour cela la cause du péché,
qui vient de la volonté perverse des méchants (évidemment: du
démon et des impies), lesquels, n'étant pas assistés par Dieu, se
détournent de Lui -- ainsi que nous l'enseigne Jésus-Christ:
Lorsqu'il dit des mensonges, il dit ce qu'il
trouve dans lui-même (Jean 8: 44).
XX.
Des bonnes oeuvres
C'est
faussement qu'on accuse les nôtres de
proscrire les bonnes oeuvres;
car leurs écrits
sur les dix commandements, et les autres
livres de ce genre, prouvent qu'ils ont traité de toutes les
conditions et de tous les états de la vie et qu'ils ont enseigné
avec succès ce que doit être la manière de vivre, et quelles sont
les oeuvres
qui plaisent à Dieu dans chaque
vocation. Autrefois les prédicateurs ne parlaient guère de ces
choses, et n'exigeaient que des actions insignifiantes et peu
nécessaires: comme d'observer certains jours de fêtes, certains
jeûnes, les pèlerinages, le culte des saints; de dire le rosaire,
d'embrasser l'état des moines et choses semblables. Aussi nos
adversaires, étant avertis de ce désordre, modèrent les louanges
de ces oeuvres
inutiles, et ne les vantent plus tant qu'autrefois. Outre cela, ils
font à présent mention de la foi, sur
laquelle ils gardaient autrefois un étrange silence. Ils enseignent
que nous ne sommes pas justifiés uniquement par nos oeuvres, mais
ils joignent la foi et les oeuvres et disent que nous sommes
justifiés par la foi et les oeuvres. Cette doctrine est plus
tolérable que la précédente et peut offrir davantage de
consolation que ne le faisait leur précédente doctrine.
Puis
donc que la doctrine de la foi, qui doit être la principale doctrine
de l'Eglise, a été si longtemps méconnue, et que tout le monde
convient, qu'en ne parlant que des bonnes oeuvres,
on a gardé dans les sermons le plus
profond silence sur la foi justifiante, nos prédicateurs ont
enseigné dans nos Eglises la doctrine qui suit:
Premièrement,
que nos oeuvres ne peuvent pas nous réconcilier Dieu, ni mériter le
pardon des péchés, la grâce et la Justification; qu'il n'y a que
la foi qui nous donne ces avantages, lorsque nous croyons que nous
sommes reçus en grâce pour l'amour de Jésus-Christ, qui est le
seul médiateur et Propitiateur pour nous réconcilier avec le Père.
Celui donc qui croit mériter sa grâce par ses oeuvres, méprise le
mérite et la grâce du Christ, et cherche, sans le Christ, avec des
forces humaines, une voie à Dieu, alors que le Christ a dit: Je
suis la voie, la vérité et la vie.
Cette
doctrine de la foi est claire, et enseignée par S. Paul, en beaucoup
d'endroits. Dans sa Lettre aux Ephésiens, il dit: C'est
par la grâce que vous êtes sauvés au moyen de la foi, et cela ne
vient pas de vous; c'est un don de Dieu; cela ne vient pas de vos
oeuvres,
etc.
Et
personne ne peut prétendre que cette interprétation de Paul a été
imaginée récemment, car nous avons ici le soutien des Pères de
l'Eglise. S. Augustin, dans plusieurs de ses ouvrages, soutient la
grâce et la justice de la foi, contre le mérite des oeuvres; et S.
Ambroise pense de même, car dans son livre de la vocation des
Gentils, il s'exprime ainsi: La Rédemption
par le sang de Jésus-Christ serait méprisée et les oeuvres
de l'homme ne seraient point éclipsées
par la miséricorde de Dieu, si la Justification, qui se fait par sa
grâce, était due à un mérite antérieur en sorte que ce ne fût
point un don gratuit de celui qui l'accorde, mais une récompense due
à celui qui travaille.
Quoique
cette doctrine soit rejetée des ignorants, l'expérience des
consciences pieuses et angoissées apprend qu'elle renferme beaucoup
de consolation. Car la conscience ne se tranquillise par aucune
oeuvre, mais
seulement par la foi, quand elle est assurée
de sa réconciliation avec Dieu par le Christ. C'est dans ce sens que
S. Paul dit : Etant justifiés par la foi,
nous avons la paix avec Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur.
Toute cette doctrine doit être rapportée aux combats de la
conscience effrayée, sans lesquels elle ne peut pas être entendue.
C'est
pourquoi les hommes profanes et les ignorants en jugent mal, quand
ils s'imaginent que la justice chrétienne n'est autre chose qu'une
justice civile ou philosophique. Autrefois on tourmentait les
consciences par la doctrine des oeuvres
et on les privait de la consolation de l'Evangile. C'était
une conscience erronée qui a poussé quelques-uns dans les déserts
et dans les couvents, dans l'espérance d'y mériter la grâce par
une vie monastique. D'autres ont inventé d'autres oeuvres
pour mériter la grâce et satisfaire
pour leurs péchés. Il a donc été très nécessaire d'enseigner
cette doctrine de la foi en Christ, et de la restaurer, pour ne pas
laisser les âmes angoissées sans consolation et afin qu'elles
sachent que la grâce et le pardon des péchés et la Justification
sont saisis par la foi en Christ.
Nous
avertissons aussi les hommes, qu'on n'entend pas ici par la foi,
cette connaissance des faits que les impies et le démon ont aussi
bien que nous; mais qu'on parle de cette foi qui non seulement croit
à l'histoire évangélique, mais aussi au résultat de cette
histoire, c'est-à-dire cet article: La
rémission de nos péchés - soit le fait
que par le Christ nous avons la grâce, la justice et le pardon des
péchés.
Or
celui qui sait qu'il a un Père propice par le Christ, connaît
véritablement Dieu; il sait qu'il en est aimé, il l'aime et il
l'invoque; en somme, il n'est pas sans Dieu comme les païens. Les
démons et les impies ne peuvent point croire cet article: La
rémission des péchés. De là ils haïssent
Dieu comme leur ennemi; ils ne l'invoquent pas, et n'attendent aucun
bien de lui.
C'est là le sentiment de S. Augustin sur la foi. Il fait observer
que dans l'Ecriture le nom de foi désigne, non pas une simple
connaissance qui nous est commune avec les impies, mais une confiance
qui console et qui relève les âmes épouvantées.
De
plus, nous enseignons qu'il est nécessaire de faire de bonnes
oeuvres, non
pas pour y mettre de la confiance, que par elles on puisse mériter
la grâce; mais parce que telle est la volonté de Dieu. C'est donc
uniquement la foi qui saisit la rémission des péchés et la grâce.
C'est par la foi seule que le Saint-Esprit est reçu, que les coeurs
sont renouvelés, et qu'ils prennent de
nouveaux penchants, qui produisent de bonnes oeuvres.
La foi, dit S. Ambroise, est comme la mère
de la bonne volonté et des actions justes. La nature humaine, privée
de l'Esprit saint, est pleine de penchants impies, et trop faible
pour faire des actions qui soient agréables à Dieu. Elle est
d'ailleurs au pouvoir du démon, qui entraîne les hommes à divers
péchés, dans des opinions impies, à des crimes manifestes. On peut
le voir dans l'exemple des philosophes qui, s'efforçant de vivre
avec honnêteté dans le monde, n'y ont pu réussir, et se sont
souillés au contraire de mille égarements évidents. Telle est la
faiblesse humaine, lorsqu'elle n'est point accompagnée de la foi et
du Saint-Esprit, et qu'elle ne se conduit que par ses propres forces.
On
ne peut donc pas accuser cette doctrine de proscrire les bonnes
oeuvres,
mais il faut plutôt en faire l'éloge,
parce qu'elle nous apprend comment on peut faire de bonnes oeuvres;
car sans la foi la nature humaine ne peut observer ni le premier, ni
le second Commandement. Sans la foi, elle n'invoque point Dieu, elle
n'attend rien de lui, elle ne porte point sa croix, elle ne cherche
que des secours humains et y met toute sa confiance. Quand la foi et
la confiance en Dieu nous manquent, il règne
dans les coeurs
toutes sortes de désirs criminels, et
des desseins purement humains. Le Christ dit lui-même: Sans
moi, vous ne pouvez rien faire; et l'Eglise
chante: Sans toi, rien n'est bon, rien n'est
innocent dans les hommes.
XXI.
Du culte des saints
Quant
au culte qu'on rend aux saints, nos Eglises enseignent qu'on peut
proposer aux fidèles la mémoire des saints, pour les porter à
imiter leur foi et leurs bonnes oeuvres,
chacun dans son état. Ainsi, Votre
Majesté Impériale peut fort bien suivre l'exemple du roi David, en
faisant la guerre contre les Turcs, pour les chasser hors de la
patrie. Car, comme lui, Vous êtes roi.
Mais
l'Ecriture ne prescrit point d'invoquer
les saints, ou de leur demander quelques secours. Il n'y a qu'un seul
médiateur entre Dieu et les hommes, qui est Jésus-Christ le sauveur
unique, le seul sacrificateur, le seul intercesseur auprès de Dieu.
Lui seul doit être invoqué, parce qu'il nous a promis d'exaucer nos
prières; et le culte qu'il approuve, c'est de l'implorer avec ardeur
dans toutes nos afflictions. Si quelqu'un
pêche, nous avons pour avocat auprès du Père, Jésus-Christ, qui
est juste.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Voilà à peu près l'abrégé de notre doctrine. On n'y apercevra
rien qui soit contraire à l'Ecriture sainte, ni à l'Eglise romaine,
autant qu'on la peut connaître par ses écrivains. Dans ce cas, ceux
qui veulent faire considérer nos docteurs comme hérétiques, les
jugent avec beaucoup d'injustice. Notre dissension ne regarde que
certains abus qui se sont glissés dans les Eglises sans autorité.
D'ailleurs, lors même qu'il existe quelques différences dans le
culte, la charité chrétienne doit porter les évêques à tolérer
les nôtres après la confession que nous venons de faire de notre
doctrine. Les canons mêmes ne vont pas jusqu'à exiger qu'on suive
partout les mêmes cérémonies, et les Eglises n'ont jamais été
uniformes dans leurs usages. Nous observons cependant religieusement
la plupart des rites anciens; et c'est une calomnie de dire que nous
avons aboli dans nos Eglises toutes les cérémonies et toutes les
institutions antérieures.
C'était une plainte publique que certains abus s'étaient glissés
dans les cérémonies ordinaires; notre conscience ne nous permettant
pas de les approuver, nous avons dû les corriger.