De la créance des Pères sur le fait des images (5)
CHAPITRE III
II. Raison, tirée des réponses et répliques des païens aux objections des Chrétiens sur le fait de leurs images.
En supposant que les pères aient été inconsidérés au point d'opposer à leurs adversaires des choses si préjudiciables à leur propre cause, il serait incroyable que les païens, soucieux de répondre à de telles piques et de préserver leur superstition, ne leur aient pas opposé le fait qu'ils pensaient et faisaient avec leurs images les mêmes choses qu'eux.
C'est en effet ce qu'ils auraient mis en avant, eux qui étaient rompus à l'exercice - car nous voyons qu'ils ont toujours épié les opinions, les croyances et les coutumes des chrétiens, dans l'espoir de les mettre en défaut. C'est au point que Celse, dans la réfutation qu'en donna Origène, en vint précisément cette question, essayant de justifier les idoles des païens par nos propres Ecritures : la Bible disant que Dieu a créé l'homme à son image, nous devions (selon Celse) admettre que Dieu peut être représenté (1). C'est une subtilité, comme chacun le sait, que même les chrétiens favorables au culte des images n'ont pas hésité à utiliser dans cette affaire.
Mais, dites-moi, quel besoin les païens avaient-ils d'esprit ou d'attention pour tirer parti d’un avantage qui leur était offert naturellement ? Imaginez, je vous prie, qu’un païen vive aujourd’hui à Rome et qu’il voie les églises remplies d’images peintes ou sculptées, richement ornées, parfumées d’encens, éclairées par des cierges, et vénérées par des chrétiens de tout âge, sexe et condition, prosternés en prière devant elles, les yeux fixés sur leurs visages. Qu’il les voie encore portées en triomphe certains jours solennels, à travers les principales rues de la ville, sur les épaules d’hommes, au milieu d’une foule immense et joyeuse, les accompagnant avec une pompe et une allégresse incroyables. Qu’il observe également l’arrivée de nombreux pèlerins venant des quatre coins de la chrétienté pour visiter les lieux où ces images sont consacrées, embrasser les seuils de leurs portes ou même toucher leurs niches.
Imaginez ensuite qu’un des responsables de ces dévotions modernes vienne, crucifix en main, prêcher à ce païen qu’il est dans l’erreur en adorant la pierre et le bois, comme le disait saint Athanase ; qu’il est absurde et pernicieux, selon Lactance, qu’un homme, qui est l’effigie de Dieu, honore l’effigie d’un autre homme ; ou encore, qu’il n’y a rien de plus méprisable qu’un homme qui se prosterne devant des objets inanimés, comme le disait saint Jean Chrysostome.
Sincèrement, ne faudrait-il pas que ce païen soit mille fois plus stupide et insensible que les idoles mêmes qu’il adore, s’il ne répliquait pas immédiatement à de tels propos : "Et pourquoi donc vous vois-je, vous, tous les jours, prosternés devant des images ?
Pourquoi vous vois-je encore une image en main ? Les effigies de vos saints, ne sont-elles pas des images d’hommes ? Et les hommes qui les servent, ne sont-ils pas eux-mêmes les effigies vivantes de Dieu ? Si c’est un crime qu’un homme se prosterne devant la pierre, pourquoi le tolérez-vous chez vos fidèles ? Et si c’est une bonne chose, pourquoi le condamnez-vous chez les miens ? Si la crainte de l’Inquisition ne le retenait pas, qui pourrait douter que ce païen n’accuse les chrétiens d’une impudence insupportable : condamner si sévèrement chez les autres ce qu’ils louent et recommandent chez eux-mêmes.
Or, les païens des quatre ou cinq siècles suivant la naissance du Seigneur ne répondaient jamais de cette manière aux critiques des anciens chrétiens. Pourtant, ils ne manquaient ni de subtilité pour identifier des contradictions, ni d’éloquence pour les exprimer, ni de liberté pour oser le faire, vivant dans un monde où ils étaient maîtres et où toute forme d’Inquisition travaillait en leur faveur.
Lisez l’Octavius de Minucius Felix, l’Apologétique de Tertullien, les ouvrages d’Origène contre Celse, ainsi que les écrits d’Athénagoras, de Lactance, d’Arnobe, de Justin, d’Eusèbe ou encore de Cyrille contre les païens. Vous y trouverez toutes leurs objections contre notre religion et toutes leurs réponses à nos critiques, mais jamais un argument comme celui-ci.
Il faut donc conclure que les chrétiens de cette époque ne donnaient aucune occasion aux païens de soulever un tel reproche. Autrement dit, ils n’avaient pas dans leurs églises d’images de Jésus-Christ ou des saints auxquelles ils rendaient une vénération religieuse, comme le font aujourd’hui les membres de la communion de Rome.
Enfin, il est inutile de prétendre que la différence entre les images païennes et chrétiennes aurait empêché les païens d’utiliser cet argument contre les chrétiens. En effet, les païens vivant à une époque où le culte des images était pratiqué chez les chrétiens ne manquaient pas, malgré toutes les distinctions possibles, de se servir de la vénération des images comme une critique contre ces derniers.
Dans les Actes du deuxième Concile de Nicée, on trouve un passage attribué à Jean, archevêque de Thessalonique, rapportant un débat entre un païen et un chrétien. Le païen s’adresse au chrétien en ces termes : "Et vous alors ? Ne peignez-vous pas dans vos églises des images de vos saints, que vous adorez ? Et non seulement celles des saints, mais même celles de votre Dieu ? Pourquoi ne pas penser comme nous ? Car lorsque nous honorons et vénérons nos statues, ce n’est pas pour adorer les statues elles-mêmes, mais pour rendre hommage aux vertus ou aux puissances spirituelles et immatérielles qu’elles représentent et qui s’expriment à travers elles."
Un peu plus tard, après que le chrétien tente de clarifier ce point, le païen reprend : "Mais que dites-vous des anges ? Vous les représentez également, comme s’ils étaient des hommes, et vous les adorez, bien qu’ils ne soient pas des hommes, mais des êtres intelligibles et incorporels.
Considérez également que les statues ou représentations des dieux que nous honorons ne servent pas à les adorer eux-mêmes, et que nous ne faisons rien d'inapproprié, pas plus que vous lorsque vous peignez les anges." Ainsi s'exprimait ce païen (2).
Même les Indiens se sont appuyés sur cet argument lors de débats qu'ils ont eus avec les chrétiens sur ces sujets. Pierre Martyr Milanais rapporte que le Licencié Alfonse Zuazo, après avoir détruit les idoles des peuples indigènes en Nouvelle-Espagne, fut interpellé par une délégation de quatre de leurs principaux chefs (3). Ces derniers lui exprimèrent leur indignation, expliquant que cet acte leur semblait d'autant plus étrange qu'ils constataient que les chrétiens eux-mêmes possédaient des statues et des images qu'ils adoraient, vénéraient et respectaient. Pour appuyer leur propos, ils lui montrèrent du doigt une image de saint Sébastien accrochée près de son lit. Les Indiens rétorquèrent que, tout comme il respectait cette figure, ils honoraient leurs propres idoles. Le bon Licencié eut beaucoup de mal à répondre à cette objection. Il leur expliqua que les chrétiens n’adorent pas les images en tant que telles, mais qu’ils les vénèrent pour ce qu’elles représentent : ceux qui sont dans les cieux. Pour prouver ses dires, il prit la figure de saint Sébastien et la détruisit devant eux.
Les Indiens répondirent qu’ils n’étaient pas aussi ignorants ou grossiers qu’il le pensait et qu’eux non plus n’adoraient pas leurs images pour ce qu’elles étaient, mais de la même manière que les chrétiens : en honorant, à travers elles, le soleil, la lune et les autres corps et influences célestes.
Alfonse, quelque peu embarrassé, abandonna alors la dispute sur les images et se concentra sur les objets qu’elles représentaient. Il soutint que l’honneur que les Indiens rendaient à leurs idoles revenait en réalité aux démons, tandis que celui que les chrétiens rendaient aux leurs allait, selon lui, au Créateur.
Si les chrétiens avaient, durant les quatre premiers siècles, eu la même dévotion envers les images que celle qu’on observe au temps de Jean de Thessalonique ou d’Alfonse Zuazo, les païens leur auraient inévitablement répondu la même chose que ces derniers sur la question de l’adoration des idoles. Qu’est-ce qui aurait pu les en empêcher ? Étaient-ils moins subtils ou moins habiles pour débattre ? Mais il est évident qu’au contraire, ces païens surpassaient largement leurs successeurs en érudition et en éloquence, autant du fait de leur siècle, qui était supérieur au nôtre, que de leur culture.
Qu’on lise ce qui subsiste de leurs débats dans Origène contre Celse, dans Minucius, dans Cyrille, dans Symmaque, et d’autres : on admettra qu’il ne s’agissait pas d’esprits incapables de tirer parti des moindres avantages pour défendre leur cause. Puisqu’ils n’ont pas exploité cet argument, c’est bien la preuve qu’ils ne l’avaient pas. En d’autres termes, les premiers chrétiens n’avaient pas d’images qu’ils vénéraient dans leur culte religieux.
Mais pourquoi m’attarder si longtemps à analyser le silence des païens, alors que nous disposons de leurs déclarations explicites à ce sujet ? Non seulement ils ne reprochent jamais aux chrétiens la prétendue vénération des images de Dieu et des saints (ce qu’ils n’auraient pourtant pas manqué de faire si cela avait existé à l’époque des premiers chrétiens), mais, au contraire, ils leur reprochent de ne pas avoir d’images ou d’effigies parmi eux.
Ils critiquent les chrétiens pour cela, y voyant une marque d’irréligion. Habitués à vivre entourés des statues et représentations de leurs dieux, les païens ne concevaient pas qu’on puisse honorer la divinité sans ces moyens. "Pourquoi n’ont-ils pas d’autels ?" s’interroge le païen Cæcilius en critiquant les chrétiens. "Pourquoi n’ont-ils ni temples ni statues pour se faire reconnaître ?" De la même manière, Celse, dans ses écrits rapportés par Origène, se plaint : "Ils ont en horreur l’idée de dédier ou de consacrer des autels, des statues ou des temples (4 & 5).
Arnobe : Vous avez l’habitude (dit-il aux païens) de nous accuser d’un grand crime d’impiété, parce que nous ne construisons aucun temple pour rendre un culte, ni n’érigeons de statues ou de représentations d’aucune divinité, ni ne faisons d’autels. Je vous prie donc d’imaginer à nouveau ce païen que nous décrivions récemment, vivant parmi les chrétiens de Rome, tels qu’ils sont aujourd’hui. N’aurait-il pas l’air bien ridicule de leur faire ces reproches à propos de leur religion et de leur dire, comme autrefois le faisaient Cæcilius et Celse : « Pourquoi n’avez-vous ni autels, ni temples, ni images sacrées ? »
Qui ne le prendrait pas pour un fou ou un moqueur en l’entendant formuler une telle plainte?
Je sais bien que la passion pousse souvent les hommes à accuser ceux qu’ils détestent de choses fausses et contraires à toute vraisemblance. Mais je ne pense pas qu’on puisse trouver quelqu’un d’assez dépourvu de bon sens et de honte pour adresser cette accusation aux habitants de Rome. Ce serait aussi absurde que d’accuser les Juifs ou les Musulmans d’avoir leurs synagogues ou leurs mosquées remplies d’images, alors que tout le monde sait qu’ils les abhorrent.
Supposons néanmoins (ce qui est totalement incroyable, étant donné ces reproches des païens) que les églises chrétiennes fussent remplies d’images consacrées au titre de la religion, et vénérées comme elles le sont aujourd’hui à Rome. Il est certain qu’on ne pourrait nier, dans ce cas, que les chrétiens seraient obligés de répondre aux païens, qui leur faisaient cette objection, qu’ils avaient aussi, dans leur religion, des effigies et des peintures, bien que dédiées et destinées à d’autres fins que celles des païens.
Car, s’il se trouvait aujourd’hui en Chine un idolâtre qui, disputant de religion avec un jésuite, fût assez extravagant pour lui demander : « Pourquoi n’avez-vous pas d’autels ? Pourquoi n’avez-vous ni temples, ni statues, ni images consacrées ? », qui ne verrait que le jésuite, à moins de passer pour insensé, serait obligé de lui répondre : « Vous vous trompez lourdement. Nous avons aussi nos autels, sur lesquels nous sacrifions chaque jour la véritable hostie expiatoire de nos péchés. Nous avons nos temples et nos saintes images, dédiées au vrai Dieu et à ses vrais serviteurs. Vous ne trouverez rien à redire à ces ornements dans notre religion. Il n’y a que l’abus et l’excès de vos cultes impies que vous n’y verrez pas. »
Si donc le christianisme de l’ancienne Rome avait été en tout point semblable à celui de la Rome moderne, qui ne voit qu’Octavius et Origène, confrontés à cette question de Cæcilius et de Celse : « Pourquoi n’avez-vous ni statues ni images consacrées ? », n’auraient pas pu, sans renoncer au bon sens, laisser passer une accusation si lourde et si effrontée sans la relever et la réfuter ?Qui ne voit qu'ils auraient dû avertir que leurs églises continuaient d’avoir ces ornements, bien qu’elles ne vénéraient ni les portraits ni les statues de Jupiter, de Mercure ou de Vénus et que, tout comme les païens dédiaient à leur manière les effigies de ceux qu’ils honoraient, les chrétiens consacraient aussi parmi eux, d’une façon conforme à leur croyance, les images de Dieu, le Créateur de l’univers, de Jésus, le Prince de leur religion, et de ceux qui lui étaient les plus proches.
Cependant, la vérité est qu’ils ne répondent rien à cela, sinon en soulignant qu’il est impossible, illicite ou inutile de représenter la divinité. Par cette réponse, ils avouent clairement le reproche qu’on leur faisait de ne pas en avoir.
Minucius Félix, dans son Octavius, écrit : « Quel simulacre ou quelle effigie ferai-je à Dieu, puisque, à bien y réfléchir, l’homme lui-même est l’image de Dieu ? Quel temple lui bâtirai-je, alors que ce monde tout entier, façonné par sa main, n’est pas capable de le contenir ? Moi qui, en tant qu’homme, ne veux pas habiter un lieu trop étroit, comment pourrais-je enfermer la majesté d’un être si grand dans une petite chapelle ? Ne vaut-il pas mieux le consacrer dans notre esprit et l’élever dans le fond de notre cœur ? Offrirai-je à mon Seigneur des offrandes et des sacrifices qu’il a lui-même créés pour mon usage ? Ce serait ingrat de lui rendre ce qu’il nous a donné. L’offrande qui lui est véritablement agréable, c’est une âme bonne, un esprit pur et une foi sincère. C'est donc adorer le Seigneur que de s'adonner à l'innocence ; c'est faire des aspersions à Dieu que d'exercer la justice ; c'est l'apaiser que de s'abstenir de fraudes et de mauvaises pratiques ; c'est lui immoler une bonne et grasse victime que de sauver un homme du danger. Voilà nos sacrifices et nos cérémonies divines. Ainsi, parmi nous, l’homme le plus vertueux est estimé comme le plus religieux. »
À qui cette réponse convient-elle le mieux en conscience : au chrétien de Genève ou à celui de Rome ? Origène ne répond pas autrement à son adversaire Celse. Car là où ce dernier se plaint que les chrétiens n’ont ni autels, ni images, ni temples, Origène rétorque :
« Nos autels, ce sont l’intelligence et la conscience de chaque homme juste, d’où nous envoyons vers le ciel des parfums d’une odeur véritablement pure et spirituelle : des prières issues d’une conscience droite. Nos images, ce sont les vertus. Nos corps sont le temple de Dieu. » (6)
Certainement, il faut bien reconnaître que l’Église ne vénérait alors aucune image, ou bien il faudrait soutenir que tant les païens qui faisaient ces objections que les docteurs chrétiens qui y répondaient de cette manière étaient tous hors de leur bon sens. Or, cela ne saurait être dit sans une extravagance sans pareille, vu la subtilité, la force, la dextérité d’esprit, le savoir et l’éloquence qui brillent dans toutes les parties de leurs débats.
Mais le Cardinal du Perron nous défend de conclure, à partir de ces passages, que les chrétiens de l’époque n’avaient point d’images. Il prétend que, lorsque Cæcilius, dans le texte de Minucius Felix, dit « ils n’ont nuls simulacres que l’on connaisse », il veut seulement signifier que soit les chrétiens cachaient leurs images aux païens, soit elles ne leur étaient pas familières, c’est-à-dire qu’il ne s’agissait pas des images des dieux du paganisme. (7)
C’est une ruse habituelle de ce cardinal de dire que les Pères de l’Église cachaient ce que l’on ne trouve pas chez eux. Il y a mille passages traitant de l’Eucharistie où la transsubstantiation ne paraît point. C’est, selon lui, parce qu’ils en cachaient le secret et n’en parlaient jamais clairement devant le monde. Ici encore, il veut nous faire croire que les chrétiens cachaient leurs images simplement parce qu’on n’en trouve aucune trace dans leur religion.
Mais pourquoi les auraient-ils cachées aux païens, alors que, dans toute leur religion, rien n’aurait pu leur être plus agréable ? On nous imagine ces Pères d’une prudence extraordinaire, dissimulant aux païens ce qui aurait pu adoucir leur haine et leur faire perdre la mauvaise opinion qu’ils avaient de notre foi. Il est pourtant certain que ce qui les offensait le plus était justement l’absence d’images dans le christianisme.
Quant à l’argument selon lequel les images chrétiennes auraient offensé plutôt qu’apaisé les païens parce qu’elles ne leur étaient pas familières, c’est une pure illusion. Un païen était satisfait dès lors qu’il voyait une forme de culte ressemblant au sien, même si les figures ou les visages des effigies différaient des siens dans le détail. Un Romain ne s’offensait pas de voir un Égyptien représenter son dieu sous la forme d’un bélier, d’un bœuf ou d’un chien : tant qu’il y avait des images, cela lui suffisait. D’ailleurs, celles que l’on trouve aujourd’hui à Rome n’ont rien qui choque la sensibilité des anciens païens.
Ce sont des portraits d’hommes et de femmes, aussi divers et aussi agréables que ceux des divinités païennes. Si un païen les avait vus érigés et consacrés comme ils le sont maintenant, vêtus, ornés, couronnés, parfumés, éclairés et vénérés avec une dévotion singulière ; s’il avait vu leurs chapelles pleines de pèlerins à genoux et leurs autels chargés de riches offrandes, je ne doute point que, satisfait de cette pompe, il n’eût aussitôt embrassé les chrétiens comme ses frères et pris leur religion pour la sœur de la sienne. En témoigne ce païen que nous avons entendu plus haut, qui comparait le culte qu’il rendait aux simulacres de ses dieux à celui que les chrétiens rendaient aux images de Jésus-Christ, des anges et des saints. Si donc les premiers Pères avaient eu de telles images parmi eux et les avaient vénérées comme on le fait aujourd’hui – étant donné l’extrême intérêt qu’ils avaient à adoucir les païens –, il ne fait aucun doute qu’ils les leur auraient montrées, voire en auraient fait étalage, puisqu’une telle vision aurait pu calmer ou amoindrir la haine de leurs princes et concitoyens.
Ainsi, le simple fait que les païens n’aient jamais su que les chrétiens possédaient des effigies ou des peintures est une preuve infaillible qu’ils n’en avaient point du tout. Néanmoins, puisque le Cardinal du Perron l’affirme, supposons que, pour quelque raison obscure et incompréhensible, les chrétiens tenaient alors leurs images cachées. Il reste évident que, pressés par les questions et les reproches des païens – qui se scandalisaient justement de ne rien voir de semblable chez eux –, ils étaient obligés, par toutes les lois de la charité et de la prudence chrétienne, de les éclairer à ce sujet et de leur dire qu’ils avaient des images, bien que différentes des leurs, et qu’ils leur rendaient aussi une certaine forme de vénération, conforme à leur foi. Ils auraient dû leur expliquer que seule la rigueur des persécutions les forçait à les cacher.
Qui ne voit qu’Octavius devait nécessairement cette instruction à son interlocuteur Cæcilius, s’il était de la croyance du deuxième concile de Nicée ? Or, nous avons déjà entendu qu’il ne lui dit rien de semblable, mais se contente d’avancer des raisons prouvant que Dieu ne doit point être représenté. Cela montre clairement qu’il n’avait aucune représentation de Dieu.
Car il y a deux manières de se défendre d’une accusation : soit on nie le fait dont on est accusé, soit, en l’admettant, on soutient que ce n’est pas un crime. Cæcilius accuse les chrétiens de ne pas avoir d’images dans leur religion. Les chrétiens répondent par la bouche d’Octavius qu’il n’est pas nécessaire d’en avoir. Il reconnaît donc implicitement l’accusation : à savoir qu’ils n’avaient point d’images dans leur culte. Sinon, leur défense aurait été ridicule, car au lieu de montrer qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des images, ils auraient simplement nié l’accusation.
Mais, direz-vous, si les chrétiens n’avaient absolument aucune image dans leur religion, pourquoi Cæcilius ne leur reproche-t-il pas simplement de « n’avoir aucun simulacre », sans ajouter « que l’on connaisse » ? Cette formulation ne signifie-t-elle pas qu’ils en avaient quelques-unes, mais inconnues du public ? Et si les chrétiens ne cachaient point leurs images aux païens, pourquoi dit-il juste avant ces paroles : « Pourquoi s’efforcent-ils tant de tenir caché et secret ce qu’ils adorent, alors que les choses honnêtes se réjouissent toujours de la lumière publique et que seuls les crimes cherchent l’obscurité du secret ? »
Je réponds que les païens, qui ne concevaient aucune religion sans une forme visible de la divinité qu’ils adoraient – ou, du moins, sans services et cérémonies –, ne voyant aucun de ces signes chez les chrétiens, ni images, ni sacrifices, ni symboles mystiques, ne savaient que penser de leur Dieu. Certains croyaient une chose, d’autres une autre, comme on le voit dans l’Apologétique de Tertullien, où sont rapportées les diverses opinions qu’ils avaient à ce sujet (8).
Cæcilius, se trouvant dans la même incertitude, imagine que les chrétiens adorent en secret une divinité d’une nature ou d’une forme honteuse ou mauvaise, et qu’ils ont honte de montrer son image au monde. C’est pourquoi il demande pourquoi ils cachent leur divinité et pourquoi ils n’ont pas d’images connues, nuançant ainsi son propos pour ne pas les accuser d’une chose incertaine. Il semble dire : « Ou bien ils n’ont aucun simulacre, ou bien, s’ils en ont, ce sont des objets cachés qu’ils n’osent montrer à personne. »
Que telle soit l’intention de ce païen, cela ressort clairement d’abord de la comparaison qu’il fait entre les chrétiens et les Juifs : « La seule misérable nation des Juifs, » dit-il, « ne servait aussi qu’un seul Dieu, mais elle le servait ouvertement, avec des temples, des autels, des sacrifices et des cérémonies. » Ensuite, la réponse d’Octavius ne laisse aucun doute sur la question :
« Vous pensez », dit-il, « que nous cachons ce que nous adorons sous prétexte que nous n’avons ni temples ni autels. Mais dites-moi, quelle effigie ferai-je de Dieu, puisque, à bien y réfléchir, l’homme lui-même est son image ? »
Or, comme nous l’avons déjà dit, le simple fait que ce païen ne connaissait aucune image chez les chrétiens, et plus encore la réponse que le chrétien lui fait à ce reproche, prouve clairement qu’il n’y en avait effectivement aucune. Car s’il y en avait eu, il aurait été de l’intérêt des chrétiens de ne pas les cacher.
Mais avant de passer outre, peut-être ne sera-t-il pas mal à propos d’éclaircir brièvement ce que dit Cæcilius, à savoir que les chrétiens d’alors n’avaient point de temples. Car il n’entend pas simplement et généralement par ce mot les lieux où s’assemblent ceux d’une même communion pour y entendre l’exposition et les enseignements de leur religion, et pour y servir Dieu ensemble, tels que sont les temples que nous avons aujourd’hui parmi nous. Il est en effet évident, par l’histoire d’Eusèbe et par quelques autres livres de l’Antiquité, que dès ce temps-là, les chrétiens possédaient de tels lieux (9). Et si, en certains endroits, ils n’en avaient point, c’était à cause de la persécution des païens qui les contraignait à s’en passer, et non par quelque scrupule de conscience qui les en eût empêchés.
Mais le mot temple, dans ce passage de Minucius et dans d’autres semblables, signifie des temples tels qu’était jadis celui des Juifs, tels qu’étaient encore ceux des païens, et tels que sont aujourd’hui ceux de l’Église romaine : à savoir, des lieux où est proprement et réellement attaché le service divin, des lieux saints et sacrés en eux-mêmes par la vertu de leur dédicace, et non simplement par l’usage auquel ils sont employés. Des temples où l’on s’imagine que la divinité réside d’une façon particulière, y faisant habiter sa vertu et y déployant son efficace d’une manière différente qu’ailleurs, et où, en raison de cette présence, on lui offre des sacrifices externes proprement dits.
Les premiers chrétiens, à la vérité, n’avaient aucun temple en ce sens, pas plus que nous aujourd’hui. C’est précisément en ce sens qu’il faut comprendre ce qu’Octavius rapporte en disant qu’il ne veut pas enfermer la majesté divine dans une petite chapelle. Quant à ce que prétend le Cardinal du Perron, à savoir que le mot temple, dans ce passage de Minucius aussi bien que dans l’usage des païens, signifiait uniquement les temples où se trouvaient des simulacres déifiés et consacrés en titre de dieux, à la mode des païens de ce temps-là, c’est une glose qui ne peut subsister.
Car le fait que les païens appelaient temples non seulement ceux où il y avait des images ou simulacres de leurs dieux, mais aussi ceux où il n’y en avait point, est clairement attesté par ce seul passage de Plutarque, dans la Vie de Numa. Il y est dit :
« Durant les cent soixante-dix premières années, les Romains édifièrent bien des temples et des chapelles aux dieux, mais il n’y avait dedans ni statue ni figure quelconque de dieu. »
Quant au passage de Minucius, on ne peut nier qu’il entende par temples uniquement ceux où sont dédiées quelques idoles et images des païens, puisque Cæcilius dit expressément, en parlant des Juifs, qu’ils avaient servi Dieu dans des temples, avec des autels, des victimes et des cérémonies. C’est un signe évident que, puisqu’il oppose les chrétiens aux Juifs sur ce point, il veut dire que les chrétiens n’avaient aucun temple dans le sens que nous avons expliqué, et non simplement dans celui que prétendent les adversaires.
Mais je reviens au sujet des images. Selon Celse, cité par Origène, qui affirme purement et simplement que les chrétiens ne consacraient ni statues ni effigies, voici la réponse du même Cardinal : il ne voulait pas dire simplement, répond-il, qu’ils n’avaient pas d’images, mais plutôt qu’ils n’avaient pas d’images de Dieu, ni de statues divinisées et consacrées en tant que dieux. Finalement, ces messieurs, pour servir leurs intérêts, déformeront le langage de Dieu et des hommes. Celse dit que les chrétiens ne consacrent pas d’ἀγάλματα (agalmata), c’est-à-dire de statues ou d’images. « Non, » dit le Cardinal du Perron, « ce n’est pas ce qu’il veut dire. » Y a-t-il jamais eu une prétention plus injuste que celle-ci, qui consiste à vouloir modifier et transformer à son gré les pensées mêmes des hommes, et même celles des morts ?
Mais la raison qu’il allègue est remarquable. Car, dit-il, lorsque le mot ἀγάλμα (agalma) est pris par les païens dans un contexte religieux, il désigne des statues divinisées et consacrées en tant que dieux. Et moi, je dis que ce mot signifie toujours une statue ou une effigie, quelle que soit sa nature ou sa condition. J’en appelle à tous les grammairiens grecs comme garants. C’est d’ailleurs de là que vient le mot ἀγαλματοποῖος (agalmatopoios), qui désigne un sculpteur, celui qui fabrique les statues, et non celui qui les consacre ou les divinise. Il leur donne une forme, non de dieux, mais d’effigies.
De même, le verbe ἀγαλματοποιεῖν (agalmatopoiein) signifie « faire » et non « diviniser » des statues, comme l’emploient tous les auteurs grecs, et Origène en particulier, seize ou dix-sept lignes plus bas dans le texte cité. Il y écrit que parmi les sculpteurs (ἀγαλματοποιοῖς, agalmatopoios), certains excellent dans leur art, comme Phidias et Polyclète, tandis que d’autres réussissent moins bien leur ouvrage (ἀγαλματοποιοῦσι, agalmatopoioūsi).
Ce mot, étant général, ne signifie pas plus une statue sacrée qu’une statue profane, civile que religieuse, publique que privée, païenne que chrétienne. Il s’applique indifféremment à toutes et ne désigne en lui-même aucune autre forme que celle des objets auxquels il est attribué, de la même manière que le mot homme désigne en général tous les êtres humains, quelle que soit leur qualité ou condition. De même, la représentation d’un dieu, ou comme disent les adversaires, la déification, est quelque chose d’aussi accidentel à une statue que l’est le fait d’être prêtre ou musicien pour un homme.
En effet, parmi les chrétiens qui vénèrent les images, ce terme est donné sans aucun scrupule à celles qu’ils consacrent. En témoigne cette belle expression rapportée et louée dans le deuxième Concile de Nicée : On ne fait nul cas d’un temple qui n’est pas couronné d’une statue (ἄγαλμα, agalma). Je ne pense pas que ces "saints Pères" aient voulu parler ici d’une statue divinisée à la manière des païens. Je pourrais citer mille autres exemples similaires, mais cela est inutile, puisque les adversaires eux-mêmes semblent le reconnaître, en ne restreignant le sens de ce mot qu’à son emploi par les païens dans un contexte religieux. Ils nous accordent ainsi tacitement qu’en langage chrétien et hors du cadre religieux, il peut être pris autrement.
Voyons donc leur restriction : selon eux, le mot agalma, lorsqu’il est employé par les païens dans un contexte religieux, signifie une image divinisée et consacrée en tant que dieu. Voilà une affirmation bien étrange, et il me semble que, quelle que soit la manière dont on la comprend, il est difficile de la défendre contre l’accusation soit de fausseté, soit d’impertinence.
Elle est fausse si on l’entend dans son sens littéral, c’est-à-dire que les païens n’emploieraient jamais le mot agalma en matière de religion autrement que pour désigner une statue divinisée. En effet, un païen parlant, par exemple, de la statue de bronze érigée en l’honneur de Notre Seigneur dans la ville de Panéas pourrait très bien l’appeler agalma. Pourquoi non ? Sozomène lui-même la qualifie ainsi dans son Histoire ecclésiastique (10).
Mais si on l’entend autrement, en disant que agalma signifie une image divinisée lorsqu’il est employé pour désigner une de ces statues utilisées par les païens dans leur culte, que peut-on penser de plus absurde ? Car cela revient, selon l’hypothèse des adversaires, à dire que lorsqu’un mot est attribué à une image divinisée, il signifie alors une image divinisée ! Ce serait comme si je disais que le mot homme signifie un homme qui sait la musique toutes les fois qu’il est employé pour désigner un musicien – ce qui, sans aucun doute, est un grand secret et mérite d’être relevé par une plume aussi fameuse que celle du Cardinal du Perron !
Or, je reconnais que le sens d’un mot, et en général de tous les autres, doit être restreint et déterminé par la nature des choses ou des matières dans lesquelles il est employé. Ici donc, puisqu’il est question de religion, j’accorde volontiers que ce mot désigne des statues utilisées dans un cadre religieux, et non dans la vie courante. C’est-à-dire que Celse ne reproche pas aux chrétiens de ne posséder aucune image dans leurs maisons, que ce soit pour l’ornement de leur foyer ou pour le souvenir de leurs amis. Il veut dire plutôt qu’ils n’avaient aucune effigie sacrée dans leur pratique religieuse. Outre le fait que cela se comprend de soi-même, le verbe qu’il utilise le montre clairement : en affirmant que les chrétiens fuyaient ou avaient en horreur l’acte de poser, ériger ou (comme l’a traduit Sigismond Gelenius) dédier des statues, il souligne bien son propos. Si les chrétiens de cette époque avaient effectivement des images et des statues sacrées dans leurs églises, de même nom, nature et fonction religieuse que celles qui y furent introduites quatre ou cinq siècles plus tard, alors quelle absurdité de la part de ce philosophe que de les accuser de ne pas vouloir consacrer ou dédier de statues !
Mais (dirait le Cardinal du Perron), les statues et effigies des chrétiens sont différentes de celles des païens. Qui en doute ? Même parmi les païens, ces statues différaient selon leur objet, leur forme et le culte qui leur était rendu. Toutefois, il suffit de noter que, malgré ces différences, elles ont en commun d’être des ἀγάλματα (agalma), c’est-à-dire des effigies utilisées dans la religion et pour des usages sacrés, selon l’intention de ceux qui s’en servent. L’eucharistie des catholiques et celle des protestants, le baptême des Abyssins et celui des Latins sont des choses différentes. Mais puisqu’ils portent les mêmes noms, il serait évidemment ridicule de reprocher aux protestants de ne pas avoir d’eucharistie, ou aux Abyssins de ne pas avoir de baptême.
De même, si aujourd’hui un païen disait aux catholiques de Rome qu’ils refusent de consacrer ou de dédier des ἀγάλματα, tout le monde le prendrait pour un insensé, même s’il prétendait se justifier en évoquant ces images divinisées dont parlent nos adversaires.
Mais quand bien même on leur accorderait que le mot agalma, dans un contexte religieux, désigne une statue semblable à celles que vénéraient les païens, cela ne signifierait pas nécessairement qu’il ne s’applique qu’à l’image d’un dieu ou à une statue divinisée. En effet, les païens honoraient aussi les héros, les demi-dieux et les démons, et leur rendaient un culte à travers des images sacrées. La plupart de ceux qu’ils servaient étaient appelés dieux, mais c’était par abus de langage, car en réalité, ils ne les considéraient que comme des ministres de cette nature première et souveraine à laquelle seul appartient véritablement le nom de Dieu. Quant à la divinisation des images, nos adversaires reconnaissent que les plus subtils parmi les païens considéraient les idoles comme de simples signes et images de Dieu, ce que nous avons déjà prouvé plus haut. Ainsi, même s’il fallait déterminer le sens de ce mot en fonction de l’opinion que les païens avaient de leurs images, il est clair qu’il s’appliquerait aussi bien aux images de personnes inférieures aux dieux qu’à des statues non divinisées, mais simplement consacrées pour représenter les choses de la religion.
Or, telles sont sans aucun doute les images des saints vénérées dans l’Église romaine, ce qui signifie qu’elles restent toujours exclues des pratiques des premiers chrétiens.
Il faut remarquer que Celse fait partie de ces penseurs subtils qui croyaient que les images sacrées des païens n’étaient pas des dieux eux-mêmes, mais des effigies et des offrandes dédiées aux dieux, comme nous l’avons déjà entendu affirmer précédemment. Origène lui-même en témoigne encore dans un autre passage. Puisque c’est Celse qui parle ici, il est donc nécessaire de prendre le mot agalma au sens d’effigies simplement consacrées aux dieux, et non (comme on voudrait nous le faire croire) d’images divinisées ou réellement changées en dieux – lui-même n’ayant jamais cru que les siennes étaient telles.
Ce qu’il dit ailleurs confirme encore cette même idée. En effet, au septième livre, il rapporte, sur la foi d’Hérodote, que les Perses ne se servaient pas d’effigies ou de statues dans leur religion (agalma) et qu’ils accusaient de folie ceux qui en utilisaient.
Cela signifie-t-il qu’ils n’avaient aucune image divinisée ou érigée comme dieux, bien qu’ils en possédaient qui étaient simplement consacrées pour représenter les dieux ou les héros ? Nullement. Cela veut seulement dire que, dans leur religion, ils n’en avaient pas du tout.
La raison qu’en donne Hérodote le prouve nécessairement : il ajoute que, selon lui, ils n’en utilisaient pas de cette sorte parce qu’ils ne croyaient pas, comme les Grecs, que les dieux avaient une forme et une nature humaines.
Ainsi, lorsque Celse ajoute ensuite que les chrétiens méprisaient aussi les effigies sacrées, il faut comprendre non pas qu’ils refusaient uniquement les images des dieux divinisées (bien qu’ils possédaient des représentations de Dieu et des saints à titre de simples symboles), mais qu’ils n’avaient aucune image consacrée dans leur religion.
Quelle que soit l’interprétation donnée aux propos de Celse, la réponse d’Origène à cette accusation prouve clairement que les chrétiens de son temps ne possédaient aucune image consacrée. En effet, s’ils en avaient eu, il n’aurait pu passer ce point sous silence : il aurait rectifié l’erreur de Celse et aurait démontré la différence entre ces images et celles des païens. Assurément, il y avait autant de différence entre les fêtes des païens et celles des premiers chrétiens qu’il y en a aujourd’hui entre les idoles des païens et les images des catholiques romains.
Néanmoins, Celse ayant reproché aux chrétiens de ne pas avoir de fêtes comme les païens, Origène ne manque pas de le relever. Après avoir mis en avant plusieurs belles idées, il n’oublie pas de mentionner notre dimanche, notre Pâques et notre Pentecôte. S’il y avait eu quelque forme d’images parmi les chrétiens, il n’aurait pas manqué d’en faire mention ici, où Celse leur reproche d’avoir en horreur les statues et les effigies. Pourtant, il n’en parle pas du tout. Il mentionne seulement certaines autres images et effigies, alors grandement estimées par les chrétiens, mais qui n’ont rien de commun avec celles dont nous débattons.
« Les vertus, dit-il, sont nos images (agalma). Ce sont les offrandes que nous dédions à Dieu, des offrandes véritablement dignes de Lui, façonnées et formées en nous, non par des artisans travaillant de leurs mains, mais par la parole de Dieu. Ce sont les copies et les imitations du modèle premier de toute créature, en qui se trouvent les archétypes de la justice, de la tempérance, de la force et de la constance, de la sagesse et de la piété, ainsi que des autres vertus. »
Et tout ce qui suit dans le discours de cet excellent homme montre clairement, en premier lieu, combien est vaine la crainte que l’on voulait nous inspirer à propos du mot agalma, comme s’il ne pouvait signifier que les statues des démons. En réalité, Origène n’hésite pas à employer ce terme pour désigner les vertus chrétiennes et tous les véritables fidèles, nommant Jésus-Christ le prototype de toutes les images (agalmata) des chrétiens.
En second lieu, on voit comment cet auteur, lorsqu’il oppose les simulacres des païens, ne mentionne aucune autre image en usage parmi les chrétiens, sinon les vertus et les traits du nouvel homme créé selon Dieu dans la justice.
C’est un signe évident que les images de bois, de pierre, de couleurs ou de métal n’étaient pas encore en usage dans leur religion.
A suivre...
Bucerian
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(1) Origène Contre Celse, l. 7.
(2) Deuxième concile de Nicée - source.
(3) Pierre Martyr, Hist. Dell. Ind. l. 20, c. 11, Tom. 3 Delle Nausgat. Del Ramusio, fol. 184.
(4) Origène c./ Celse, l. 8
(5) Arnobe, l. 6 c./ Gent.
(6) Origène, Contre Celse, I. 8.
(7) Du Perron, Réfutation du Diosc.
(8) Tertullien, Apologétique, chapitre 16.
(9) Eusèbe, Histoire ecclésiastique, 10.
(10) Sozomène, Histoire ecclésiastique, l. 5, c. 2. I.
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