Solo originaux ?



Avec le principe de la sola Scriptura (l'Écriture seule) les théologiens évangéliques s'accordent à reconnaître le principe de la tota Scriptura (toute l'Écriture).
En effet, seule l'Écriture peut être notre autorité finale parce que, seule aussi, elle est inspirée de Dieu. Non pas en certaines parties, mais pleinement (cf. Première déclaration de Chicago, article 6).
On affirme ainsi que le texte biblique est parfait et exempt de toute erreur (tant théologique que scientifique, historique, etc.).
Ou plutôt, on dit que le texte tel qu'il existait à l'origine, est inspiré, exempt d'erreur (cf. Première déclaration de Chicago, article 10).

Ici survient selon moi un problème : il y a 2000 ans, les premiers chrétiens, lisant les évangiles autographes, avaient la Parole inspirée de Dieu ; les phrases et les mots avaient une autorité divine. Mais maintenant ? Nos copies, est-il dit, sont Parole de Dieu "dans la mesure où elles se conforment fidèlement à l'original". Mais l'original est perdu. Se pose donc légitimement cette question : dans quelle mesure peut-on être certain (la foi est une certitude) que nos copies sont encore la Parole de Dieu ?

Ici, on nous renvoie souvent aux conjectures des experts, soi-disant capables de reconstruire l'original à partir des puzzles de copies qui nous sont parvenus depuis l'antiquité. Le texte le plus proche de la Parole serait aujourd'hui la 28e édition du Novum Testamentum Graece de Nestle-Aland (NA28).
Cela ne me rassure pas et, contrairement à ce qu'on dit souvent, cela me semble mettre en cause l'utilité de l'inerrance.

D'une part, cette vision risque en effet de renvoyer l'Église à une dictature d'experts (d'ailleurs pas toujours très chrétiens) dont je doute qu'ils puissent réellement résoudre certaines questions.
A titre d'exemple : invoquant des "anciens textes", le mouvement des Témoins de Jéhovah a décidé de retrancher les versets 9 à 20 du chapitre 16 de l'Évangile selon Marc. Et les Témoins de Jéhovah ne sont pas seuls en cause, car j'ai déjà entendu des chrétiens évangéliques dire publiquement des choses qui laissaient entendre que telle ou telle portion de la Bible (en l’occurrence, ces derniers versets de Marc 16) n'était peut-être pas digne de foi.
Ainsi, outre la question de savoir si la transmission et la traduction actuelles de ces 12 versets "se conforment fidèlement à l’original", il faudrait déjà établir si le texte original de ces versets se trouvait sous la plume de Marc... Bon courage pour établir tout cela !

D'autre part, on dit que les livres canoniques forment une unité (la Bible) dont chaque partie est utile à la droite compréhension du tout (2 Timothée 3. 16-17). Mais à quoi nous sert de penser que les anciens, il y a 2000, avaient un tel trésor, si nous sommes libres d'imaginer que celui-ci a été corrompu depuis ? Quel rapport entre eux, qui lisaient dans la foi en Dieu, et nous qui devons lire en interposant notre foi dans la science des experts ?...
Il s'agit d'un point important parce que, de même qu'on ne peut pas ajouter foi à une parole humaine, on ne peut pas jeter à la poubelle une Parole de Dieu.
Pour notre texte, on connaît la place que Marc 16. 16 occupe dans les catéchismes du monde entier, au sujet du baptême. De même, face à un charismatique qui invoque les versets suivants pour établir sa croyance, je dois savoir si ces textes méritent ou non qu'on les analyse en profondeur afin d'en tirer une conclusion infaillible.

Certains esprits voudraient sans doute transformer les Écritures en sables mouvants : nombre d'âmes ne s'y noieraient-elles pas ?...
Mais la foi chrétienne est celle qui a résisté au temps (Actes 5. 38-39). Or cette foi est adossée à l'Écriture sainte ("selon les Écritures")...

Ce ne sont donc pas seulement les manuscrits originaux (inaccessibles) que nous devons regarder comme dignes de foi (canoniques) mais le texte tel qu'il nous est publiquement parvenu.

Dans cette perspective, le Textus Receptus, avec comma johannique, conclusion longue de Marc, etc. est parfaitement canonique.
Sans cela, la foi serait en réalité fondée sur les conjectures des experts supposés, et nous perdrions notre temps à creuser le sens de textes dont rien ne nous garantirait jamais qu'ils figuraient dans des papyrus réduits en cendres - et sans savoir si, a contrario, d'autres textes qui auraient figuré dans les originaux, n'auraient pas été substantiellement modifiés, ou simplement supprimés.

Bucerian

Commentaires

Bonjour,
C'est un article intéressant, mais je ne suis pas d'accord avec la démarche.
Ce qui m'intéresse c'est de savoir ce que Paul, Jean, Marc etc. ont écrit.
De ce fait, toute découverte de manuscrit (en grec) est un trésor que le Seigneur nous accorde.
Soyez béni !
Anonyme a dit…
En effet, deux approches herméneutiques s'affrontent: l'Orthodoxe qui, selon Ac.5/33-42, Jd.3, Héb.13/8-9 et saint Vincent de Lérins, mise sur la durée et la tradition, comme cadre de sa démarche, et le Libéralisme qui, perdu de notions de progrès et d'innovation, imite son modèle, en Gn.3/1: "Dieu a-t-il RÉELLEMENT dit?"...
@ La bible seule est la vérité : Merci de votre commentaire. Mais je me demande : croyez-vous que la conclusion longue de Marc soit inspirée, ou non ? Et estimez-vous qu'il soit normal pour un chrétien de lire la Bible comme on traverserait un champ de mines, sans jamais trop savoir si on marche sur le roc de la Parole ou sur les plus lamentables ajouts humains ?
Domus a dit…
Pour être sûr que lire la Bible ne se résume pas à traverser un champ de mines, on doit croire que Dieu l’a préservée dans sa totalité de toute forme de corruption à travers les âges. La foi en l’inerrance de la Bible n’est donc pas dissociable de la foi en Dieu, elle en est même le prolongement car c’est le même Esprit qui rend témoignage à notre esprit et qui a inspiré le texte saint (Ro. 8.16 – 2Tim. 3 16-17).
Mais c’est aussi parce qu’il s’agit de ce même Esprit, qu’accorder notre foi en son rôle surnaturel dans l’inspiration de la Parole de Dieu et ne pas l’accorder dans sa préservation serait une folle inconséquence. Comme seul un autre esprit peut mener à cette inconséquence, la doctrine de la préservation divine des Saintes Ecritures est la seule qui nous met à l’abri de nous engager sur un champ de ruines.

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