Défense de l'Amillénarisme Réformé (8) Les attentes glorieuses de l'Ancien Testament


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Conjectures sur une base vétérotestamentaire...
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Dans la première partie des articles de cette série, le Professeur ENGELSMA a démontré que le chiliasme, même dans sa version postmillénariste, est tout à fait infidèle aux confessions de foi Réformées traditionnelles. 
Quel est donc le fondement qui pousse les chiliastes postmillénaristes à s'opposer à la doctrine orthodoxe?
Sans doute pas le Nouveau Testament, puisque celui-ci repousse massivement l'idée d'un âge d'or terrestre (Luc 12: 32 / Jean 15: 18, ss / Matthieu 24: 3-31 / 2Thessaloniciens 2: 3, ss/ le livre de l'Apocalypse).
 Le Professeur cite ici le théologien Réformé HERMAN BAVINCK:

"Jésus ne connaît que deux ères: l'ère présente et l'ère future. Dans l'ère présente, ses disciples ne peuvent attendre autre chose que l'oppression et la persécution et doivent endurer toutes ces choses par amour de Lui.
Jésus n'a jamais prédit un futur glorieux sur la terre avant la fin du monde. Au contraire, ce par quoi il est passé, ses disciples doivent l'endurer aussi. Un disciple n'est pas plus grand que son maître (...) ce n'est que dans le monde à venir que les disciples recevront leur rétribution, avec la vie éternelle (Matthieu 19: 27-30; cf Matthieu 5: 3-12;  8:19,20; 10:16-42; 16: 24-27; Jean 16: 2, 33; 17: 14-15, etc.)

TOUT le Nouveau Testament, qui parle du point de vue de l’Église sous la Croix, tient le même langage (...) Nulle part dans le Nouveau Testament on ne trouve le moindre rayon d'espoir que l’Église de Christ s'empare du pouvoir et exerce la domination sur terre. Le mieux qu'elle puisse attendre est que, sous les rois et les grands de ce monde, elle puisse mener une vie paisible, dans la dignité et la piété (Romains 13: 1; 1Timothée 2: 2).
(The Last Things: Hope for this World and the Next, BAKER, 1996, pp 109-110).
 Les chiliastes postmillénaristes tentent bien de récupérer le 20e chapitre de l'Apocalypse, mais il a été vu qu'un texte par nature symbolique ne peut pas fonder un tel dogme.
Ils tentent aussi de dénaturer le discours de Jésus en Matthieu 24 mais, comme l'a montré le Professeur ENGELSMA, leur lecture de ce discours est fondée sur des considérations arbitraires et artificielles.
Quel est donc, en définitive, le fondement de leurs "rêveries judaïques" ?...
C'est, non pas l'enseignement néo-testamentaire, mais les promesses glorieuses de l'Ancien Testament. 

A partir de cet épisode, l'étude du Professeur ENGELSMA aborde donc plus largement les rapports de l'Ancien et du Nouveau Testament, et, réfutant le postmillénarisme, les principes que le Professeur met en exergue seront sans doute d'une grande utilité aux lecteurs pour se prémunir aussi de toutes les autres formes de chiliasme (dispensationalisme, notamment).


Relation Ancien et Nouveau Testament

Les chiliastes postmillénaristes, donc, prennent essentiellement appui sur l'Ancien Testament. C'est ce qui ressort d'un livre du chiliaste Loraine BOETTNER, intitulé "The Millenium" (Presbyterian and Reformed, 1958) et qui se fonde majoritairement sur des prophéties vétérotestamentaires, comme les Psaumes 2, 12 et 97, Zacharie 9: 10, Esaïe 2: 2-4; Esaïe 11: 1-10; 42:1-4; 65:17-25; Jérémie 31: 31-34; Joël 2: 28; Daniel 2, Michée 4: 1-5; Malachie 1: 11, etc. tandis que, pour le Nouveau Testament, est timidement rapporté un passage comme Matthieu 13: 33... dans ce livre, Loraine BOETTNER accuse les amillénaristes de laisser inexpliquées des prophéties entières de... l'Ancien Testament.
Mais aussi, dans cet ouvrage, l'auteur va jusqu'à écrire que pour cette raison, les postmillénaristes sont d'accord avec les prémillénaristes, contre les amillénaristes.

Or, la grille de lecture des chiliastes (postmillénaristes comme prémillénaristes) est viciée. On ne doit pas prendre appui sur l'Ancien Testament pour expliquer le Nouveau Testament! Non pas parce que l'Ancien Testament serait moins inspiré ou moins vrai que le Nouveau, mais parce que le Nouveau Testament accomplit l'Ancien et, ce faisant, le clarifie et l'interprète.
Un bon interprète des Écritures doit lire l'Ancien Testament à la lumière du Nouveau -- et non l'inverse. 
O. T. ALLIS, un universitaire ayant écrit contre l'erreur dispensationaliste (une autre forme de millénarisme très en vogue dans les milieux "évangéliques" actuels, ndlr), a souligné l'importance de ne pas ignorer l’eschatologie néotestamentaire pour ne pas risquer de sombrer dans une lecture malheureuse de l'Ancien Testament. Il a ainsi noté que dans l’Église "le Christ et ses Apôtres sont les interprètent de l'Ancien Testament (...) comme l'a formulé Augustin, en disant que le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien, et que l'Ancien Testament est révélé dans le Nouveau." (Prophecy and the Church, Presbyterian and Reformed, 1964, pp. 48-49).
On notera que BAVINCK avait déjà fait la même remarque contre les millénaristes:
"Ce que l'Esprit du Christ, qui était dans les prophètes (de l'Ancien Testament) voulait révéler et déclarer par eux" écrit-il, "... est décidé par le Nouveau Testament" (The Last Things).

Il faut donc clairement rejeter la méthode postmillénariste, qui est celle aussi de tous les millénaristes, ou chiliastes, (car, ne l'oublions pas: les postmillénaristes sont ici dans le même sillage que les dispensationalistes!) qui consiste à inverser la méthode d'interprétation des Écritures, et à projeter les ombres de l'Ancien Testament sur le Nouveau, plutôt que d'éclairer l'Ancien Testament par la lumière du Nouveau.


Un texte crucial

Un passage important pour les chiliastes, est celui du livre d'Esaïe, 65: 17-25. Les millénaristes, notamment postmillénaristes, insistent ici sur le fait qu'il est décrit un monde nouveau (verset 17) et idéal (versets 21-23), dans lequel pourtant, il y aura des pécheurs et la mort (verset 20). Il ne s'agit donc pas du royaume de Dieu après la résurrection des morts et le Jugement dernier, mais bien (disent les chiliastes) de ce monde-ci, dans l'âge d'or du millénium.

Ainsi, selon GARY NORTH, promoteur du postmillénarisme et du "Reconstructionisme Chrétien", ne craint pas de dire que:

Cette prophétie détaillée et manifestement littérale pose (plus que tous les autres passages de la Bible) les plus grands problèmes pour les amillénaristes, qui nient la venue d'une période de bénédictions mondiales littérales" (Unconditional Surrender: God' Program for Victory, Institute for Christian Economics, 1988, p. 145).

Et quelle interprétation les postmillénaristes dont-ils de ce passage?

Le Dr. NORTH nous parle ici d'un processus de transformation cosmique, où le code génétique de l'homme sera finalement guéri, si bien qu'il n'y aura plus de fausse couche, même pour les animaux (Exode 23: 26). La maladie sera selon lui endiguée (Exode 23:25) . Car ces bénédictions, proposées aux israélites sans être réalisées à cause de leur incapacité à satisfaire la Loi de Dieu, sont toujours disponibles pour nous (Esaïe 65: 20)...  (Unconditional Surrender, pp. 143-145).


Voilà comment on lit et comprend la Bible, lorsqu'on s'éloigne des lumières du  Nouveau Testament pour interpréter l'Ancien!

Bucerian

Commentaires

Anonyme a dit…
C'est toujours la tradition, conforme aux Écritures, selon une perspective salutaire, qu'il faut avoir à l'esprit, lorsqu'on s'institue docteur. Le reste est nuisible, selon II Jn.7-11, entre autres...
Domus a dit…
Il arrive parfois qu'en exprimant une chose avec d'autres mots on la voit sous son vrai jour.
Ainsi, l'expression « règne de 1000 ans » peut encore avoir des adeptes dans l'optique millénariste en raison de la fascination qu'exerce le nombre 1000 avec sa rondeur, sa phonétique agréable et sa graphie élégante. Mais, dès qu'on lui ôte sa séduction en disant, par exemple, « règne de 365 000 jours *», ce qui exprime pourtant exactement la même durée, elle devient ridicule. A elle seule cette périphrase ne devrait-elle pas refroidir l'enthousiasme qu'éprouvent certains pour l'interprétation littéraliste ?
*On ne me tiendra pas rigueur, je pense, de ne pas prendre en compte les années bissextiles...

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