Annotations sur le Credo (16)







"... et s'est fait homme"



L'Antiquité est pleine d'histoires de dieux et de demi-dieux anthropomorphes. L'une des histoires les plus connues est sans doute celle d'Hercules, fruit des amours entre Zeus et une mortelle... Si le héros de la légende est à la fois dieu et homme, c'est au sens d'une confusion telle qu'il n'est ni vraiment humain, ni vraiment divin mais que, à la manière d'un zébrâne, il est le mélange improbable des deux, un hybride finalement ni homme, ni dieu.
Au contraire, lorsque nous affirmons que le Verbe, le Fils de Dieu, lui-même Dieu, a été fait homme et qu'il est né de la Vierge, nous n'entendons rien de tel. Le Verbe, en assumant la nature humaine pour l'unir à sa nature divine, n'a fait subir aucun changement ni aucune diminution à l'une ou l'autre de ses natures: Comme Dieu, il restait omnipotent, omniscient, impassible, omniprésent, voulait comme le Père, etc. Comme homme, il avait des besoins vitaux (ex. manger); par son humanité, il ne pouvait pas accéder aux décrets cachés aux créatures (ex. la date du Jugement dernier), il pouvait souffrir dans son âme et dans son corps (ex. La Passion), il ne pouvait être qu'à un seul lieu à la fois et il voulait ce qu'il convient à un homme sans péché (mais un humain tout de même) de vouloir.


Mais, comment comprendre le rapport de cette unité (un Seigneur) et pluralité (Dieu et homme?).
Nous avons écarté l'idée de mélange, ou confusion. Pensé de façon rigoureuse un tel mélange tournerait évidemment à l'avantage de la nature divine, dans l'infinité de laquelle la nature humaine aurait vite fait de se dissoudre (monophysisme). Or, à quoi servirait-il que Dieu s'incarne, s'il devait par la même occasion, annihiler la nature humaine? Un tel Christ, humain en apparence, serait certainement un illusionniste, et pas la passerelle qui, telle l'échelle de Jacob, relie Dieu et les hommes.

Il convient aussi d'écarter l'écueil inverse: celui de la séparation pratique des deux natures. A trop forcer la distinction divinité/humanité le risque est d'aboutir, à l'instar de l'hérésie nestorienne, a la superposition fonctionnelle entre la personne d'un homme et celle du Verbe, le dernier s'identifiant au premier pour sa perfection morale et sa mission. Ici, le Christ devient un homme "théophore" (porteur de Dieu) la personne du Verbe habitant la personne du Christ.
Mais qu'est-ce qu'une telle chose sinon un Janus à double personnalité?
Aussi l’Église chrétienne rejette-t-elle de tels enseignements, qui gomment toute possible et vraie relation entre Dieu et l'homme, et elle conserve l'antique doctrine de l'union hypostatique, ou personnelle:

La personne du Verbe, divine, unit à soi la nature (et non une personne) humaine. S'il y a un seul Seigneur, c'est parce qu'il y a une seule personne (centre d'attribution de responsabilité). Mais cette personne est le Dieu éternel et tout puissant, mais aussi (pour se révéler à nous, nous sauver et nous unir à Lui, par et en Lui) il est devenu homme. Et dans cette humanité, cette personne agissait divinement pour racheter et sauver les hommes. C'est ce que l’Église chrétienne a souligné dans les conciles christologiques, notamment celui de Chalcédoine (en 451):


"(...) Suivant donc les saints pères, nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme (composé) d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à nous selon l'humanité, en tout semblable à nous sauf le péché (cf. He 4,15), avant les siècles engendré du Père selon la divinité, et aux derniers jours le même (engendré) pour nous et notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu selon l'humanité, un seul et même Christ, Fils, Seigneur, l'unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, la différence des natures n'étant nullement supprimée à cause de l'union, la propriété de l'une et l'autre nature étant bien plutôt gardée et concourant à une seule personne et une seule hypostase, un Christ ne se fractionnant ni se divisant en deux personnes, mais un seul et même Fils, unique engendré, Dieu Verbe, Seigneur Jésus Christ, selon que depuis longtemps les prophètes l'ont enseigné de lui, que Jésus Christ lui-même nous l'a enseigné, et que le Symbole des pères nous l'a transmis."


Bucerian

Commentaires

Anonyme a dit…
Pour résumer, en Jésus-Christ, il y a une Personne, un "propre", le Verbe, qui est engendré du Père et par qui procède l'Esprit Saint. Cette Personne divine possède en propre deux natures, deux identités, l'une divine, l'autre humaine. C'est cette tension, entre la notion de "propre"(idios/personne) et celle d'identité (phûsis/nature), qu'il faut maintenir en équilibre. Néanmoins, en ce qui concerne le "Jour du jugement" en Mc.13/32, j'opte pour une ignorance "économique", en vertu de Jn.3/17, entre autres, puisque Jésus-Christ n'avait pas pour mandat de juger mais de sauver. De sorte que, j'écarte toute ignorance "ontologique" de la nature humaine, grâce à Jn.5/19-20, par ailleurs, au risque, sans cette précision, d'obtenir une image schizophrénique de Notre Seigneur...
Merci de votre commentaire, cher Méta Phrase. vous noterez que j'ai écrit que le Christ ne pouvait connaître le Jour dernier par sa nature humaine, pas qu'il ne la connaissait pas du tout, même en cette nature. Car j'approuve tout à fait ce qu'écrit Grégoire le Grand contre les agnoètes, que le Fils "a connu le jour et l'heure du jugement dans la nature humaine et ne l'a pourtant pas connu de par la nature humaine." ;)

Posts les plus consultés de ce blog

Parlez de Jésus-Christ, ou taisez-vous

Sacrement de confesse?

Eglise Protestante Unie de France : l'alternative