Tome à Flavien


A Flavien, Archevêque de Constantinople.





1. La lettre que vous m'avez envoyée si tard, à mon grand étonnement, et les actes de votre dernier concile, m'ont fait enfin connaître la cause du scandale qui a troublé votre Eglise, ainsi que la nouvelle hérésie qui s'est élevée contre la foi. Ces choses que je ne pouvais comprendre auparavant, me sont à cette heure parfaitement connues. J'y vois qu'Eutychès, que son nom de prêtre rendait recommandable, est privé de l'intelligence de la religion , et qu'il a montré une assez grande ignorance pour qu'on puisse lui appliquer ces Paroles du prophète: Il cesse de s'instruire du bien qu'il devait faire. Il médite l'iniquité sur son lit. N'est-ce pas le comble de l'injustice, que de se complaire dans l'impiété au mépris des conseils des sages et des docteurs? Ils se rendent coupables de ce péché ceux qui, ne pouvant franchir les obstacles qui les empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité, ne s'empressent pas de recourir aux écrits des prophètes, aux épîtres des apôtres et aux autorités de l'Evangile, mais ne consultent qu'eux-mêmes. Ils enseignent l'erreur, parce qu'ils ne se sont pas faits disciples de la vérité. En effet, quelle étude peut-il avoir faite des pages sacrées de l'Ancien et du Nouveau Testament, celui qui ne comprend pas même les premières lignes du Symbole?

Ce vieillard ne sait point encore par coeur ces vérités que les chants des hommes régénérés font retentir par tout l'univers.



2. Eutychès ignorant donc ce qu'il devait savoir du Verbe de Dieu et refusant de s'éclairer par l'étude des saintes Ecritures, aurait du moins pu rester dans la communion de l'Eglise et répéter avec les fidèles, s'il les avait écoutées attentivement, ces paroles qu'ils prononcent chaque jour : Je crois en Dieu tout-puissant et en Jésus-Christ son Fils unique, Notre-Seigneur, qui est né du Saint-Esprit et de la vierge Marie. Ces trois propositions détruisent toutes les erreurs des hérétiques. En croyant en Dieu tout-puissant et au Père éternel, on croit aussi au Fils co-éternel, en tout semblable au Père, car Dieu, il est né tout-puissant et co-éternel de Dieu tout-puissant et éternel: égal à Dieu en éternité, en puissance, en gloire, et composé de la même essence, il est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie, Fils unique éternel de ce Père éternel. Cette existence temporaire ne porta aucun préjudice à son existence divine et éternelle, et il la consacra tout entière à réhabiliter l'homme qui était déchu, à vaincre la mort et à terrasser le démon, qui avait l'empire de la mort. Nous ne pourrions, nous, dompter l'auteur de la mort et du péché, si le Fils de Dieu n'avait revêtu notre nature que le péché ne put souiller et que la mort ne put retenir. En effet, il a été conçu par le Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie, qui, vierge, le mit au monde, comme, vierge, elle l'avait conçu.

Si Eutychès, qui ne pouvait puiser la foi à cette source pure de la religion chrétienne, parce que dans son propre aveuglement il s'était dérobé aux splendeurs éclatantes de la vérité, avait eu recours à la doctrine de l'Evangile et avait dit avec Matthieu : Génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham; s'il avait cherché la lumière dans les prédications de l'apôtre et lu cette phrase de l'Epître aux Romains : Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l'apostolat, choisi pour annoncer l'Evangile de Dieu , qu'il avait promis auparavant par ses prophètes dans les Ecritures saintes , touchant son Fils qui lui est né selon la chair de la race de David; s'il avait parcouru avec soin les pages prophétiques de l'Ecriture et trouvé cette promesse de Dieu à Abraham: Toutes les nations seront bénies en ton fils; si, pour ne conserver aucun doute sur ce nouveau-né, il avait cherché ces Paroles de l'apôtre : Or, les promesses de Dieu ont été faites à Abraham et au fils qui devait naître de lui; il ne dit pas à ceux qui naîtront de vous, comme s'il eût parlé de plusieurs, mais comme parlant d'un seul, à celui qui naîtra de vous, qui est Jésus-Christ; si enfin il avait étudié dans son coeur cette prophétie d'lsaïe : La vierge que je vois concevra et enfantera un fils et elle le nommera Emmanuel; c'est-à-dire Dieu avec nous, et qu'il se fût appliqué à lire ces Paroles du même prophète : Car un petit enfant nous est né et un fils nous a été donné : il portera sur son épaule la marque de sa principauté et il sera appelé l'admirable, le conseiller, le Dieu fort, le père du siècle futur, le prince de la paix, alors, s'il avait lu et étudié toutes ces choses, il n'enseignerait point cette erreur que le Verbe s'est fait chair de cette sorte, qu'il a pris l'apparence d'un homme dans le sein de la Vierge, mais que son corps n'est point un vrai corps de la même nature que celui de sa mère. Peut-être aussi a-t-il cru que notre Seigneur Jésus-Christ n'avait point un corps semblable aux nôtres, parce que l'ange dit à la bienheureuse Marie toujours vierge: Le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre; c'est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu, et que, formée dans le sein de la Vierge par l'oeuvre de la Divinité, la chair de celui qui fut conçu ne fut pas de la même nature que celle de sa mère. Ce n'est point ainsi qu'il faut comprendre cette admirable conception : on ne doit pas croire que la singularité de sa création priva ce corps des conditions de la nature humaine. Le Saint-Esprit féconda la Vierge, mais la matière du corps fut formée par le corps de celle-ci; la sagesse s'édifia une maison; le Verbe se fit chair et il habita parmi nous, dans cette chair qu'il tira de l'homme et que le Saint-Esprit anima.



3. Les propriétés des deux natures restant ainsi intactes et se réunissant en une seule Personne, la majesté, la perfection et l'éternité de la nature divine s'unirent à la faiblesse, à l'imperfection et à la mortalité de la nature humaine. Pour acquitter la dette de notre condition, pour racheter l'homme, la nature inviolable se lia à la nature qui souffre, afin que le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme, put mourir, tandis qu'il restait éternel comme Dieu. Homme complet, il est donc né Dieu véritable, parfait dans sa nature, parfait dans la nôtre, c'est-à-dire qu'il la revêtit pour régénérer notre nature telle qu'elle était quand Dieu la créa dans le principe; et comme il ne s'était point soumis aux infirmités humaines, il vécut parmi nous sans participer à nos fautes. Il prit la forme de l'esclave sans la souillure du péché; il glorifia sa nature humaine sans porter atteinte à sa nature divine, car cette volonté qu'il eut de se rendre visible, lui qui était invisible, et de se faire mortel, lui le créateur et le souverain maître de toutes choses, fut l'effet de sa miséricorde et non point un abaissement de sa toute-puissance; ainsi lui, qui dans sa nature de Dieu créa l'homme, se fit homme lui-même dans sa nature d'esclave. L'une et l'autre nature conservent leur propriété sans aucune altération, et de même que celle de l'esclave n'a rien fait perdre à celle du Dieu, de même celle du Dieu n'a rien changé de celle de l'esclave. Comme le démon se glorifiait d'avoir trompé l'homme par sa ruse, de l'avoir privé des bienfaits de la divinité, dépouillé de son immortalité et soumis à la mort; comme il se glorifiait, dis-je, d'avoir trouvé dans son malheur une consolation soeur de son péché et d'avoir ainsi changé, à l'aide de la propre sentence de Dieu, par la raison de sa justice, la condition de l'homme qu'il avait rendue si glorieuse, le Seigneur, Dieu immuable, dont la bienveillance ne saurait être enchaînée, sut, dans sa sagesse impénétrable, mettre le comble à ses bontés pour nous par ce mystère sacré, et empêcher que l'homme, tombé dans le péché par la ruse du démon, ne pérît à l'encontre des décrets de la Divinité.



4. Ainsi, le Fils de Dieu entre dans ce monde corrompu; il descend du ciel avec toute la gloire de son Père, et il naît par un nouvel ordre de choses, par une nouvelle manière de naître. Par un nouvel ordre de choses; car, invisible dans sa divinité, il devient visible dans notre nature; infini, il veut être fini; plus ancien que les temps, il se soumet au temps; maître de l'univers, il couvre d'un voile l'immensité de sa toute-puissance et prend la forme d'un esclave; Dieu impassible, il daigne devenir un homme sujet à la souffrance; Dieu immortel, il se soumet aux lois de la mort. Il vient au monde par une nouvelle manière de naître, car c'est une vierge pure, non souillée par la concupiscence, qui donne le jour à son corps.

De la Mère du Seigneur est assumée la nature, non la faute; et ce corps, né d'une vierge, n'en est pas moins de la même nature que le nôtre. Vrai Dieu, c'est un homme véritable; il n'existe aucun mensonge dans cette alliance, l'humilité de l'homme et la puissance de Dieu sont réunies. Sa divinité n'est point altérée par son oeuvre de miséricorde, et elle laisse son humanité intacte. Chaque nature agit avec la participation de l'autre; mais le Verbe opère comme le Verbe, et la chair comme la chair. L'une brille par des miracles, l'autre succombe sous les injures. Le Verbe partage toujours la gloire de Dieu son Père, et la chair les faiblesses de notre nature. Jésus, comme on doit le répéter, est seul et à la fois le vrai Fils de Dieu, le vrai Fils de l'homme. Dieu, car dans le principe il était le Verbe et le Verbe était en Dieu et Dieu était le Verbe; homme, car le Verbe se fit chair et habita parmi nous. Dieu, car il a tout créé et rien n'a été fait sans lui; homme, car il est né d'une femme et soumis à la Loi. La naissance de sa chair prouve sa nature humaine, et sa conception dans le sein d'une vierge, sa nature divine. Son humble berceau montre qu'il n'était qu'un petit enfant, et les chants des anges révèlent sa grandeur toute puissante. Il est, comme les hommes, enveloppé dans des langes, lui dont l'impie Hérode conspire la mort; mais il est le souverain maître de tous les mortels, lui devant qui les mages viennent se prosterner avec joie. Quand il vint recevoir le baptême de Jean, son précurseur, on put s'assurer de la réalité de sa nature divine, par ces mots que Dieu le Père fit retentir du haut des cieux : Celui-ci est mon Fils bien-aimé dans lequel j'ai mis toute mon affection. Homme, il est tenté par le démon; Dieu, il est servi par les anges. Enfin, il donne une preuve évidente de son humanité en étant soumis à la faim, à la soif, à la fatigue et au sommeil, et une non moins frappante de sa divinité, lorsqu'il rassasie cinq mille hommes avec cinq pains, qu'il donne l'eau vive à la Samaritaine et la désaltère de telle sorte qu'elle n'ait jamais soif, qu'il marche sur la mer sans se mouiller les pieds et qu'il apaise les fureurs de la tempête. Pour m'arrêter à ces derniers exemples, ce n'est pas la même nature qui pleure sur la mort de son ami Lazare, le fait sortir du sépulcre et le ressuscite quatre jours après; qui se laisse attacher à la croix et change le jour en ténèbres et bouleverse les éléments; qui, fixée par des clous, ouvre les portes du ciel au bon larron. Ce n'est pas la même nature qui dit : Moi et mon Père ne sommes qu'un; et ensuite: Mon Père est plus grand que moi. Quoiqu'il n'y ait qu'une seule et même Personne en notre Seigneur Jésus-Christ, cependant on ne doit point en conclure que ses souffrances et sa gloire soient communes à ses deux natures; car il est inférieur à son Père comme homme, et comme Dieu il est son égal.



5. Aussi, on comprend que les deux natures sont réunies en une seule Personne, et on lit que le Fils de l'homme est descendu du ciel, lorsque le Fils de Dieu eut pris dans le sein de la Vierge cette chair dans laquelle il naquit. On dit aussi que le Fils de Dieu a été crucifié et enseveli, et ce n'est point dans sa nature de Fils unique de Dieu, consubstantiel et coéternel à son Père, qu'il été soumis à ces souffrances, mais bien dans sa nature d'homme. C'est pourquoi nous confessons tous dans le Symbole le Fils unique de Dieu, qui a été crucifié et enseveli suivant ces Paroles de l'apôtre: car s'ils l'eussent connu , ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur tout-puissant. Lorsque le Seigneur notre Sauveur interrogeait ses disciples sur ce qu'ils pensaient de lui, il leur dit : Qui croyez-vous que soit celui qu'ils appellent le Fils de l'homme ?, les disciples lui rapportèrent les opinions des étrangers et il leur dit : Mais vous, qui croyez-vous que je sois? - moi qui suis en vérité Fils de l'homme et que vous voyez sous la forme d'un esclave, d'un homme véritable, dites-moi qui je suis? Alors, le bienheureux Pierre, inspiré par le Très-Haut, rendit ce témoignage qui devait servir à toutes les nations : Tu es, répondit-il, le Christ , Fils du Dieu vivant. C'est avec raison que le Seigneur lui donna le titre de bienheureux et qu'il prit sa pierre fondamentale dans sa vertu et dans son nom ; car, éclairé par la révélation du Père tout-puissant, il avait confessé que le Fils de Dieu était le Christ, parce qu'il n'aurait rien servi à notre salut de recevoir parmi nous l'un sans l'autre, et il était aussi malheureux pour nous de croire que notre Seigneur Jésus-Christ était seulement Dieu sans être homme, qu'homme seulement sans être Dieu. Après sa Résurrection, qui fut celle de sa véritable nature humaine, dans laquelle il avait été crucifié et enseveli, pourquoi Notre Seigneur resta-t-il quarante jours sur la terre, si ce n'est pour débarrasser notre foi des ténèbres de l'incertitude? En effet, il s'entretenait avec ses disciples, il habitait et mangeait avec eux, il permettait à leur avide curiosité de le palper de leurs propres mains, eux qui étaient tourmentés par le doute; il se présentait tout-à-coup au milieu d'eux, malgré qu'ils eussent fermé les portes; par son souffle, il leur donnait l'Esprit, et en leur faisant don du feu de l'intelligence, il leur découvrait les sens mystérieux des saintes Ecritures. Il leur montrait aussi la blessure de son côté, les marques des clous et toutes les traces de sa Passion récente, et leur disait : Regardez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c'est moi-même; touchez-moi et considérez qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai. Il nous faisait connaître ainsi que les propriétés des deux natures restent indivisibles en lui, que le Verbe n'est pas la chair, et que nous devons confesser l'union du Verbe et de la chair dans le Fils unique de Dieu. On doit croire qu'il est par trop éloigné de nos croyances, cet Eutychès, qui n'a pas reconnu notre nature ni dans l'humilité de la mort, ni dans la gloire de la Résurrection. Il n'a pas non plus redouté cette sentence du bienheureux apôtre Jean l'évangéliste : Tout esprit qui confesse Jésus-Christ, lequel est venu dans une chair véritable, est né de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus-Christ, lequel est venu dans la chair, et qui le divise, n'est point de Dieu, et c'est là l'esprit de l'Antechrist. N'est-ce pas diviser Jésus que de nier sa nature humaine, et d'anéantir par d'odieux mensonges ce sacrement de la foi qui nous a sauvés? Puisqu'il est dans l'erreur sur la nature du corps de Jésus-Christ, il doit être nécessairement aussi dans l'erreur sur sa Passion; car s'il ne pense point que la croix de Notre-Seigneur soit un mensonge et qu'il ne doute point de la vérité du supplice qu'il a souffert pour le salut du monde, il doit reconnaître la vérité de la chair de celui dont il croit la mort. Il ne peut non plus douter qu'il ne soit un homme semblable à nous, s'il admet qu'il a souffert; car en niant la vérité de la chair, il nie la Passion du corps de Jésus. Si la foi chrétienne est dans son coeur, s'il ne ferme point l'oreille aux enseignements de l'Evangile, qu'il voie quelle nature fut attachée avec des clous au bois de la croix, et qu'il comprenne d'où coulèrent, après que le soldat eut percé le côté du Sauveur d'un coup de lance, l'eau et le sang qui ont arrosé l'Eglise du Christ par le baptême et l'Eucharistie. Qu'il écoute le bienheureux Pierre, apôtre, enseignant qu'on sanctifie l'esprit en l'arrosant avec le sang de Jésus-Christ; qu'il lise avec attention ces Paroles du même apôtre : Vous savez que ce n'a point été par des choses corruptibles, comme l'or ou l'argent, que vous avez été rachetés de la vanité de votre première vie, où vous suiviez les traditions de vos Pères, mais par le précieux sang de Jésus-Christ, comme de l'agneau sans tache et sans défaut. Qu'il ne résiste point non plus au témoignage du bienheureux apôtre Jean , qui dit : Le sang de Jésus, Fils de Dieu, nous lave de tout péché; et plus loin : Le principe de cette victoire, par laquelle le monde est vaincu , est notre foi. Et qui est celui qui est victorieux du monde, si ce n'est celui qui croit en Jésus, Fils de Dieu? C'est ce même Jésus-Christ qui est venu avec l'eau et avec le sang; non-seulement avec l'eau, mais avec l'eau et avec le sang; et c'est l'Esprit qui en rend témoignage, parce que cet Esprit est la vérité même. Et il y en a trois qui rendent témoignage, l'Esprit, l'eau et le sang, et ces trois sont d'accord pour attester une même chose. L'Esprit de sainteté, le sang de la rédemption et l'eau du baptême, qui tous trois sont d'accord pour attester la même chose, et ils restent toujours unis, ils ne diffèrent point d'une syllabe de ce qu'ils prouvent; car l'Eglise catholique vit et prospère dans cette croyance que dans notre Seigneur Jésus-Christ l'humanité est unie à la vraie divinité et la divinité à la véritable humanité.



6. Aussi, quand Eutychès vous répondit dans son interrogatoire: Je confesse qu'il y avait deux natures en notre Seigneur Jésus-Christ avant son Incarnation, mais qu'il n'en restait qu'une seule après; je m'étonne qu'une profession de foi aussi perverse et aussi absurde n'ait point fait crier anathème à tous les juges; qu'une telle folie, qu'un tel blasphème ait passé sous silence, comme si nos plus chères croyances n'étaient point attaquées. C'est une impiété aussi grande de dire qu'il y avait avant l'Incarnation deux natures distinctes dans le Verbe, Fils unique de Dieu, que d'affirmer qu'il n'en avait qu'une seule après qu'il se fut fait chair. De crainte qu'Eutychès ne croie que sa proposition est vraie et qu'elle ne peut être condamnée, parce que vous ne vous êtes point efforcés de la réfuter, je vous engage, très-cher frère, à employer votre pieuse sollicitude, si cette affaire se termine comme elle le doit par la pénitence du coupable, à éclairer cet homme ignorant sur l'impiété des paroles qu'il a prononcées. Comme la suite des actes me l'a fait connaître, il avait presque commencé à revenir de son erreur, lorsque, menacé par votre sentence, il protesta qu'il dirait ce qu'il ne disait point auparavant et qu'il adoptait une doctrine qui n'était pas la sienne. Mais comme il refusa de prononcer l'anathème contre son dogme impie, vous avez compris avec raison qu'il persistait dans son crime, et qu'il était convenable de formuler la sentence de sa condamnation. S'il élève contre ce jugement les plaintes d'un cœur fidèle et contrit; s'il reconnaît, quoique tard, que l'autorité de son évêque l'a frappé avec justice, et si, pour accomplir entièrement l'acte de sa réconciliation avec l'Eglise du Christ, il condamne toutes ses erreurs de vive voix et par écrit, alors vous ne serez point répréhensible d'user de miséricorde à l'égard de ce pécheur converti, car Notre-Seigneur est le véritable et bon Pasteur, qui est mort pour ses brebis et qui, étant venu pour sauver et non point perdre les âmes des hommes, veut que nous imitions sa douce piété, et que si notre justice sait punir les pécheurs, du moins nous leur accordions leur pardon s'ils prouvent leur repentir. Mais, enfin, pour défendre la vraie foi d'une manière efficace, il faut toujours condamner les hérésies dans la personne de ceux qui les professent. Pour suivre cette cause avec piété et fidélité, je vous envoie nos frères Julien, évêque, et René, prêtre du titre de S. Clément, et mon fils, le diacre Hilaire. Je leur ai adjoint notre notaire Dulcitius, dont la foi m'a été souvent prouvée. Nous espérons qu'avec l'aide de la grâce de Dieu, celui qui est tombé dans l'erreur, sera sauvé après avoir condamné son erreur.



Que Dieu vous garde, très-cher frère.


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