Livres carolins (IV:12): Que ce concile ne peut en aucune manière être mis sur un pied d’égalité avec le concile de Nicée, bien qu’il se soit tenu dans le même lieu, comme l’aurait affirmé imprudemment le prêtre Jean
Ce nouveau chapitre des livres carolins développe trois idées:
A) Au delà des apparences (homonymie) le second concile de Nicée trahit le premier et ouvre la porte à l'innovation en ajoutant un dogme (le culte des images) à la foi de toujours (celle du Credo).
Cette première considération était suivie d'une laborieuse interprétation sur le nombre de pères présents à chacun de ces conciles (318 à Nicée I; une douzaine de moins pour Nicée II. Il nous a semblé que ce long développement n'était d'aucune utilité dans la dispute et nous l'avons par conséquent retranché).
B) Que des doctrines et des pratiques sacrilèges peuvent être soutenues même depuis les lieux les plus saints - de sorte qu'on ne doit pas s'attacher superstitieusement au prestige de tel ou tel endroit.
Il y avait pareillement, dans ce chapitre relativement long, une répétition des exemples de lieux, de sorte que nous en avons abrégé une partie.
C) Que seuls les six premiers conciles œcuméniques sont reçus par l’Église d'Occident et que leur doctrine suffit au Salut des croyants.
Ici encore, les livres carolins ont déversé beaucoup d'encre pour prouver la perfection du nombre six; ces observations symboliques nous semblent inutiles au débat et nous avons donc décidé de les supprimer.
Bucerian
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Bien que ce concile se soit tenu à Nicée, ville de Bithynie, il ne peut en aucune manière être mis sur pied d'égalité avec le saint Concile de Nicée, ni selon l’ostentation de ceux qui le défendent, ni selon l’adulation du prêtre Jean.
En effet, il s’en distingue non seulement sur de nombreux points, mais même dans le symbole de foi (le Credo), il ne concorde en rien avec le concile de Nicée.
Car en effet, cette [seconde] assemblée, dans sa propre profession de foi, a introduit des formules nouvelles et des termes inhabituels, qui ne figurent en aucun cas dans le symbole établi par le saint Concile de Nicée — et au sujet desquels, dans les commencements du troisième livre de cet ouvrage, nous avons, autant que nous avons pu avec l’aide du Seigneur, proposé une discussion.
Elle contient aussi, après la confession de la sainte Trinité, une profession concernant l’adoration des images, laquelle ne se trouve ni dans les oracles des prophètes, ni dans les tonnerres évangéliques, ni dans les enseignements des apôtres, ni dans les récits des saints conciles antérieurs, ni dans les doctrines de quelque père orthodoxe que ce soit — ce qu'on ne peut lire nulle part.
Et cette dernière est fort éloignée — bien plus qu’on ne peut le dire — de celle-là (l'assemblée de Nicée), surtout puisque celle-là ramène l’Église catholique hors de l’erreur, tandis que celle-ci, au contraire, l’y fait tomber ; celle-là détourne l’Église du naufrage très périlleux de l’arianisme, tandis que celle-ci la pousse, comme forcée, vers le naufrage de l’adoration des images.
Celle-là enseigne que le Fils est consubstantiel au Père et coéternel, celle-ci pousse à adorer des choses inanimées ; celle-là affirme, selon la divinité, que le Fils est coégal au Père, celle-ci ose affirmer que des images quelconques — des peintures, la croix du Seigneur, le corps et le sang du Christ, ou d’autres choses très saintes — sont égales à Dieu.
Celle-là enseigne avec salut qu’il faut adorer une seule substance divine dans les trois personnes égales, coessentielles, et coéternelles, celle-ci dit impudemment qu’il faut adorer les images selon la forme de la sainte Trinité.
Dans celle-là, les erreurs des dogmes ariens sont condamnés ; dans celle-ci, on rejette également les anciens de ces erreurs, et dans celle-là, on maudit les blasphémateurs qui refusent obstinément de croire que le Fils est consubstantiel au Père ; dans celle-ci, on abomine ceux qui, méprisant l’adoration des images, proclament qu’ils veulent servir Dieu seul avec ferveur et un cœur sincère.
Dans celle-là, après la confession de la sainte Trinité, on enseigne la rémission des péchés, la résurrection de la chair, et la vie du siècle futur ; dans celle-ci, après cette même confession de la sainte et unique Trinité, on établit de façon inappropriée l'adoration des images.
(...)
Nous ne pouvons donc trouver aucune concorde de mérite entre ce synode et celui de Nicée, sinon une ressemblance de nom seulement : celui-là, appelé Nicée, parce qu’il s’est tenu dans la métropole de Bithynie, Nicée, au profit de l’Église ; celui-ci, bien qu’ayant eu lieu au même endroit, a été conduit par d’autres intentions et selon des mérites tout différents.
Car on ne croit pas que la ressemblance de noms ait toujours la même valeur, puisque beaucoup de saints et d’hommes éminents ont les mêmes noms que des hommes quelconques et sans gloire.
Mais l’égalité de nom n’implique pas l’égalité de mérite, tout comme ce n’est pas l’égalité de mérite qui garantit la dignité du nom. Donc, s’ils cherchent à rehausser ce concile en l’ornant de prestiges illustres, sous prétexte que, dans le même lieu où s’était tenue autrefois le saint synode, celui-ci aussi a été convoqué, qu’ils prennent garde : ni le nom d’un homme, ni le lieu lui-même, n’impliquent nécessairement un mérite égal.
Car ce ne sont pas les hommes qui ont été faits pour les lieux, mais ce sont les lieux qui ont été faits pour les hommes, tout comme les autres créatures terrestres.
(...)
On peut donc facilement comprendre qu’il ait été possible à Nicée, ville de Bithynie, — où avait autrefois été célébré un saint concile — d'établir un décret pervers sur l'adoration des images ; de même qu’à Béthel, malgré le très saint patriarche Jacob qui y avait déclaré que c’était la "maison de Dieu" et la "porte du ciel", le roi idolâtre Jéroboam put ensuite y ériger des idoles. Et si, en ce lieu, la consécration d'un si grand patriarche n’a pas suffi à préserver la sainteté du lieu dans les âges suivants, alors la ville de Bithynie en notre temps ne peut en aucune manière tirer de sa gloire ancienne une quelconque défense. En effet, il est manifeste que, selon la diversité et la versatilité des hommes, les lieux peuvent être sanctifiés par les saints qui les possèdent ou profanés par les pécheurs.
Nous lisons que la maison de Dieu à Silo, sous le sacerdoce d'Éléazar et de Phinées, avait été consacrée par la déposition de l'arche d'alliance du Seigneur et les signes des sacrifices et offrandes, mais qu’elle fut ensuite souillée par les œuvres sacrilèges des fils d’Héli, Ophni et Phinées. Nous lisons également que Salem, autrefois une très noble ville — appelée plus tard Jébus et qui est aujourd'hui connue sous le nom de Jérusalem — avait été fondée et habitée, selon la tradition, par le saint homme Sem, qui serait ensuite devenu Melchisédech ; mais qu’ensuite elle fut conquise par le peuple exécrable des Jébuséens et longtemps occupée par eux jusqu'à l'époque de David.
Nous lisons aussi que le très saint et très vénérable Temple du Seigneur, préparé par David, le très saint des prophètes, et consacré par Salomon, fréquenté par les gardes célestes (les anges), illustré par les oracles divins, préparé pour l'observation perpétuelle des cérémonies les plus sacrées, et vénéré par les anciens Pères comme un insigne de toutes les grâces célestes, a néanmoins été souillé, hélas, par les impuretés des idoles et d'autres abominations, par les pires rois qui lui succédèrent. Là même où le Seigneur avait établi son sanctuaire, son lieu d'habitation pour sa gloire, le roi Manassé érigea des autels en l'honneur des douze signes du zodiaque et de toute l'armée des cieux.
Après sa restauration, nous lisons encore, au temps des prophètes Aggée et Zacharie, que ce même temple fut profané par les rois grecs. Le respect dû à ce lieu n'empêcha pas les hommes de ces époques d’y commettre des actions illicites, car leur esprit avait été corrompu par les séductions diaboliques. Les Juifs, qui étaient dépourvus de mérites éternels, pensaient pouvoir se protéger uniquement par la fortification du temple ; c’est pourquoi, par la voix de Jérémie, ils sont réprimandés par le Seigneur : "Ne vous fiez pas à des paroles mensongères, disant : ‘Le temple du Seigneur, le temple du Seigneur, le temple du Seigneur est ici’", et ainsi de suite.
Si donc nous passons aux temps du Nouveau Testament, nous trouvons aussi que ces lieux saints furent profanés par de mauvaises gens. Il est rapporté, par exemple, que sur le rocher de la croix et dans le lieu de la résurrection, ou encore dans la grotte de Bethléem où le Seigneur enfant a vagit, des idoles furent établies par les païens. Saint Jérôme affirme en effet qu'à partir du règne d'Adrien jusqu'à l’empire de Constantin, pendant environ 180 ans, une statue de Jupiter fut vénérée à l’endroit même de la résurrection, et qu’une statue de marbre de Vénus fut érigée sur le rocher de la croix, les persécuteurs croyant ainsi détruire notre foi en la résurrection et en la croix en souillant les lieux saints par des idoles.
Quant à Bethléem, ce lieu si auguste de notre ville, dont le psalmiste chante : "La Vérité a germé de la terre", une forêt ombragée y abritait le culte de Tamouz, c'est-à-dire d'Adonis, et dans la grotte où le Christ nouveau-né avait vagit, on pleurait l'amant de Vénus.
Si donc le lieu de la naissance du Christ a pu être souillé par le bois sacré d'Adonis, quoi d’étonnant à ce que le lieu d’un saint concile ait pu être détourné par une assemblée perverse pour établir des décisions illicites ?
Même si, en gravissant le mont du Calvaire et en foulant de son pas glorieux le lieu du trophée de la croix, le Christ l'a sanctifié, un simulacre de Vénus érigé par les païens l'a souillé ; quoi d’étonnant, dès lors, que le lieu autrefois choisi par les saints Pères pour affermir la foi catholique éternelle ait, par la suite, été recherché par une foule de prêtres insensés pour établir de nouvelles constitutions contraires à l’Église ?
Et si le lieu de la Résurrection, que le Christ a consacré par sa résurrection et par la manifestation des cohortes angéliques aux mortels, a été souillé par un simulacre de Jupiter, quoi d’étonnant si l’adoration des images a été instituée par quelques insensés dans cette même ville de Bithynie, où le Christ avait été autrefois prêché comme étant de la même substance que le Père, par les orateurs les plus vénérables?
Par ces exemples, il est donc possible de démontrer que, contrairement aux prétentions de certains, les lieux n’ont pas de vertu propre pour conserver immuablement la vérité, puisque les hommes eux-mêmes sont changeants, et qu’il n’est pas exigé qu’ils soient toujours retenus dans une stricte fidélité ; notamment puisque même Judas, qui avait été apôtre, devint ensuite apostat, et que Paul, qui avait été d'abord Saül et persécuteur, fut ensuite transformé en docteur et prédicateur des nations. De même, des lieux autrefois consacrés au culte divin ont été ensuite profanés par les païens, et, une fois purgés des profanations, des lieux autrefois considérés comme impurs ont été consacrés de nouveau au culte divin.
(...)
Et, écartant celles-ci, nous nous contentons avec bonheur des six synodes universelles et des conciles locaux, lesquels ne diffèrent en rien de ces dernières ni en foi ni en prédication.
Et nous nous préparons, par l'intégrité de notre foi et par l'accroissement de nos bonnes œuvres, à l’avènement redoutable du Jugement Dernier, au jour de sa venue glorieuse, au sujet de laquelle les anges dirent aux apôtres :
"Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder vers le ciel ?
Ce Jésus, qui a été enlevé d’auprès de vous dans le ciel, reviendra de la même manière que vous l’avez vu monter au ciel."
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