Annotations sur la Concorde de Wittenberg (5/9)






Le baptême et les enfants des fidèles


Sous la pression de l'esprit anabaptiste (1), beaucoup de personnes en viennent à concéder que le baptême des enfants est une pratique discutable. Dans certaines dénominations, on accepte même de ne pas baptiser les enfants de certains membres, mais de les "présenter" simplement à la communauté.
La Concorde de Wittenberg (2) témoigne au contraire du fait que, dans l'orthodoxie protestante, le baptême des enfants n'est pas une question ouverte; il faut baptiser les enfants des fidèles.

Les premiers anabaptistes ne croyaient pas au péché originel; selon eux, les hommes naissaient bons et purs: en toute logique, ils n'avaient donc pas besoin d'un Sauveur. 
Contre ce reniement du Christ pour les enfants (et pour notre propre enfance!), l'Écriture affirme la corruption générale et innée de toute l'humanité: nous sommes des enfants de colère dès le berceau (Psaume 51. 7/ Éphésiens 2. 3). Autrement dit: nul ne peut être sauvé sans renaître en Christ - renaissance dont le baptême est le sacrement, selon Jean 3. 5 (3). Saint Augustin écrivait ainsi (et le protestantisme souscrit totalement à son propos):
 "Pourquoi ne dit-on pas à ces parents dans l'Église même: Enlevez d'ici ces petits innocents; les personnes saines n'ont pas besoin de médecin, mais bien les malades; Jésus-Christ n'est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs? Or, dans l'Église de Dieu, jamais on ne prononça, jamais on ne prononce, jamais on ne prononcera semblable énormité." (3)

Depuis le XVIe siècle, certains ont tenté de concilier le rejet du baptême des enfants avec la croyance au péché originel.
Mais cela oblige à choisir (4) entre ces deux thèses pareillement erronées: ou bien les agneaux n'ont pas leur place, à côté des brebis, dans la bergerie du Christ ( = le diable garde invinciblement son empire sur les premières années des hommes), ou bien la porte d'entrée de cette bergerie n'est en principe pas la même pour tous ( = bien que des personnes de tous âges renaissent en Christ, les hommes ne sont éligibles au baptême qu'à l'âge de raison - qui reste à définir).

Notons que la première thèse a parfois été adoptée aussi par des pédobaptistes, comme le puritain Jonathan Edwards, qui ne baptisait les enfants qu'en vue de leur foi future, considérant que les enfants étaient et restaient systématiquement des vipères jusqu'à leur éventuelle conversion à venir. Toujours est-il que cette doctrine est une négation de l'universalité de l’Église, qui contient les nations (Matthieu 28. 19), donc, dans toutes leurs composantes. Citant l'Évangile selon Matthieu (18. 14) la Concorde affirme ainsi que les petits enfants régénérés dans la foi sont, dans leur état actuel, des saints et fidèles en Christ. Il ne sert à rien de rétorquer que cela n'est pas vrai de chaque enfant baptisé, car cela n'est jamais vrai non plus de chaque baptisé tout court; or, cela ne saurait justifier qu'on prive les élus de leur bien.
Ceux qui nient toutes ces choses font valoir que seule la foi (qui repose sur la Parole de Dieu: Romains 10. 14) nous permet de recevoir le Christ et de devenir membres de son corps sacré. Or, un nourrisson, qui ne comprend rien, peut-il croire? (5)
Ici, la Concorde souligne en toute simplicité que la foi reste en définitive un miracle opéré par le Seigneur et qu'un tout petit enfant, même dans le sein maternel, peut en être doué (Luc 1.44). Qui s'étonnera de cela? La Parole salvifique n'est-elle pas adressée à toute la création (Marc 16. 15)? 
Étant abondamment semée dans l’Église, et étant encore présente dans le baptême qui récapitule son propos, il est normal que cette Parole soit profitable à tout homme, quelle que soit sa condition ou sa position dans les nations que nous devons faire disciples (Matthieu 28. 19). Nous ne comprenons donc certes pas comment l'Esprit agit au cœur des enfants pour les renouveler au moyen de la foi que partage l’Église ; mais l'Écriture témoigne de ces choses, et cela nous suffit (cf. Psaume 71. 5-6).

La seconde thèse est quant à elle la négation de l'unité de l’Église, dont le baptême est l'un des emblèmes et instruments : Éphésiens 4. 5. Il convient donc que l’Église Une, dans son universalité, traverse les eaux baptismales et soit marquée du nom de Dieu qui est invoqué, sur chacun, dans ce sacrement (Éphésiens 5. 25-27).


A suivre...


Bucerian


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(1) "Anabaptiste" signifie "rebaptiseur"; ce terme désigne les mouvements qui rebaptisent leurs membres au prétexte que le baptême des enfants serait une hérésie et n'aurait aucune valeur.
(2) Comme avant elle les Articles de Marbourg: article 14.
(3) St Augustin, Du mérite et de la rémission des péchés, I: 18. 23.
(4) Le mot hérésie vient de haeresis: choix.
(5) En élevant cette objection, les anabaptistes administrent eux-mêmes la preuve qu'ils répudient aussi bien la croyance de l’Église ancienne (St Irénée de Lyon, Contre les hérésies, II, 22, 4) que l'enseignement du Seigneur (Jean 3. 3 ; Matthieu 18. 10 / 21. 16 ; Luc 17. 15-17, etc.).

Commentaires

Anonyme a dit…
Hélas, je partage assez l'opinion de Jonathan Edwards. Car, l'Évangile, présenté au nourrisson, sous la forme de l'invocation trinitaire, n'entraîne pas nécessairement la conversion immédiate, bien qu'on puisse tabler sur Héb.4/12 et Is.55/8-11, pour le présumer..
Le fait que l'Évangile n'entraîne pas nécessairement la conversion immédiate de tous les pécheurs, ne veut pas dire que chacun d'eux reste systématiquement non-converti durant des années.
De sorte que les rationalistes, incapables de saisir ces paroles (leurs anges voient continuellement la face de mon Père) dénaturent l’Église catholique en club pour adultes.
Anonyme a dit…
Il faut pourtant bien pouvoir corriger, voire battre, la petit vipère... Or, comment peut-on taper un frère "chrétien"?
Anonyme a dit…
Évidemment, ce n'est pas le chrétien qu'on bat mais sa chair… Hem!
Peut-être parce que c'est une chose de corriger son frère, et une autre de corriger son enfant. Même spirituellement, st Augustin n'était pas le frère de Monique, mais bien son fils.
Anonyme a dit…
Bienheureuse Monique, mère du saint, selon l'humanité? Elle l'a baptisé dans ses larmes..
Anonyme a dit…
Il faut noter, toutefois, qu'étant donné que saint Augustin n'a été baptisé qu'adulte, sainte Monique a sûrement dû avoir bien raison, quelques fois, de vouloir tuer le vieil homme, chez ce chenapan de voleur de poires...

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