Attendre la mort avec gourmandise?

Un sophiste a demandé un jour pour quelle raison les chrétiens, qui croient au paradis, n'attendent pas pour autant la mort avec gourmandise.

Réponse:

Premièrement : on pourrait faire observer que les chrétiens, comme tous les hommes, peuvent éprouver des craintes rationnellement infondées, semblables à celle que ressentirait un homme qui aurait la phobie des serpents et que l'on mettrait en présence d'une couleuvre inoffensive. On pourra dire qu'il s'agit d'un mouvement immature, à raisonner et à surmonter dans la prière, mais pas d'une hypocrisie.

Deuxièmement : on doit aussi rappeler que les chrétiens, loin d'être des fanatiques au regard vide qui "aiment la mort", attendent au contraire la résurrection, l'incorruptibilité et la vie (1 Corinthiens 15. 53 / 2 Corinthiens 5. 4). Comme le dit le Credo : "Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir".
C'est donc improprement que l'on parle de la mort comme d'une délivrance; car s'il y a un très aimable paradis après la mort (Luc 23. 43) ce n'est pas la mort elle-même qui est le paradis; aussi ne doit-elle pas être aimée ou voulue pour elle-même, quoique la félicitée qui la suit soit souhaitée, voulue et aimée. D'une manière analogue : les douleurs de l'enfantement, souvent redoutées, ne sont pas la même chose que l'enfant attendu avec joie.

Troisièmement : il faut surtout souligner qu'il existe un lien entre chaque chrétien et le reste de l’Église militante, voire du monde auquel le chrétien se doit.
Dans le monde profane déjà, l'intrigue d'un film comme "Il faut sauver le soldat Ryan" nous montre comment un homme peut être déchiré entre son intérêt de personne particulière (rentrer au pays pour y être en sécurité) et sa volonté de soldat (rester sur le front pour vaincre auprès de ses frères d'armes).
C'est précisément ce qu'explique l'apôtre Paul (Philippiens 1. 23-24):
Je suis pressé des deux côtés: j'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur; mais à cause de vous il est plus nécessaire que je demeure dans la chair.
Un vulgaire sophiste s'amuserait à demander pourquoi le soldat Ryan n'attend pas son rapatriement "avec gourmandise" plutôt que de s'obstiner à rester dans la boue, exposé aux souffrances. Les hommes de cœur, eux, connaissent la réponse et savent qu'elle n'a rien à voir avec ce qu'imagine l'impie.


Conclusion:

Le chrétien attend certainement la vie éternelle et la félicité avec joie et ferveur (Apocalypse 22. 20). S'il surmonte dans la prière les craintes déraisonnables liées à l'effroi naturel que cause la perspective de la mort, et si l'heure de celle-ci est accompagnée d'une indicible consolation - celle de la vie éternelle promise en Christ / Jean 11. 25-26; si, dans cette perspective, la mort peut même parfois être appelée "un gain" (Philipppiens 1. 21), elle ne saurait faire oublier la communion des saints (Philippiens 2. 27) et la vocation du témoignage qui nous fait donc attendre l'heure de la mort, non pas "avec gourmandise", mais dans la paix (2 Timothée 4. 6-8).

Bucerian

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