Réponse chrétienne à un penseur libéral



Je trouve, sur la page Facebook de l'UEPAL, un lien vers un article de Monsieur André Gounelle, destiné à présenter le "protestantisme" libéral.
Face à un tel article où le libéralisme se donne le beau rôle de gardien de la pensée face à l'obscurantisme, je me devais de répondre par quelques remarques...
(N.B.:Pour faciliter la lecture, je suis le plan de M. Gounelle).


1. Comprendre ce que l'on croit.

M. Gounelle semble penser que le libéralisme se distingue par son usage de la pensée et sa recherche de cohérence.
C'est oublier que le christianisme orthodoxe n'a pas attendu Bultmann pour suivre la règle du fameux credo ut intelligam (= je crois pour comprendre) ou du  fides quaerens intellectum (= la foi en recherche de sa compréhension) d'un Augustin ou d'un Anselme de Canterbury...

L'auteur se trompe, donc, lorsqu'il oppose libéraux et obscurantistes. Le fait est plutôt qu'il y a des chrétiens, qui reçoivent la Parole de Dieu en articulant leurs certitudes au moyen d'une raison renouvelée par cette foi, face à des libéraux qui n'admettent que ce que la raison de l'homme ancien peut et/ou veut admettre.

Quant à savoir si la pensée croyante doit ou non ignorer les "grands courants de la pensée contemporaine", nous répondons que ce n'est pas là la question.
Ni st Paul (Actes 17) ni Justin Martyr, ni Augustin, et, plus proches de nous, ni un Herman Bavinck, ni un Auguste Lecerf n'ont ignoré la pensée des athées/païens/gnostiques/libéraux de leurs temps.
La question est plutôt de savoir ce qu'il faut faire de cette pensée: doit-on s'y conformer, ou non?
Les libéraux sont libres d'intégrer à leur discours tout ce qui s'oppose à la connaissance du Christ. Nous ne le faisons pas.
Et l'époque n'a rien à voir là-dedans non plus!
Dans un précédent article, j'ai par exemple réfuté l'opinion selon laquelle, contrairement aux hommes du premier siècles, le dogme de la Résurrection ne serait plus audible aujourd'hui. Actes 17 nous montre en effet que cet article n'était pas plus acceptable hier qu'aujourd'hui. C'est donc en caricaturant grossièrement l'état des connaissances d'hier (et en surestimant tout aussi grossièrement celles d'aujourd'hui!) que les libéraux se persuadent que la Parole de Dieu aurait besoin d'être réadaptée à l'homme d'aujourd'hui (c'est-à-dire, altérée par leurs soins).

Ce n'est donc pas l'état des connaissances du XXIe siècle qui empêche les hommes (à commencer, bien souvent, par les libéraux) de croire à la bonne nouvelle pascale, mais l'état des cœurs, qui est le même aujourd'hui qu'il n'était au Ier siècle.


2. Étude critique?


Ici, M. Gounelle touche le cœur du débat: quel statut accorder aux saintes Écritures, surtout au Nouveau Testament? Doit-on tenir pour certaine l'affirmation selon laquelle toute l’Écriture est inspirée de Dieu de sorte à nous donner une connaissance vraie et certaine du Fils de Dieu notre Sauveur (2Timothée 3. 15-16), ou ne trouvons-nous là qu'une somme de livres (profanes?) exprimant plus ou moins adroitement quelques opinions anciennes (et établies par la raison des apôtres, malgré ce qu'en dit le Christ en Matthieu 16. 16-18?) au sujet d'un rabbin et de son enseignement datant d'il y a 2000 ans? 
Sans vouloir vexer personne, entre les assertions apostoliques (2Pierre 1. 21, etc.) et les suppositions de M. Gounelle ou de Socin, nous préférons les premières.

C'est pourquoi nous ne pouvons que désavouer ce que semble dire M. Gounelle, à savoir que la connaissance de Jésus et de son enseignement relèverait presque d'une enquête archéologique.
Puisqu'il est Ressuscité et vivant, que Son Esprit --présent dans l’Église depuis ce temps-- a inspiré ses prophètes et apôtres, le vrai Jésus et la vraie foi ne sont pas un cadavre et des vestiges enfouis depuis 2000 ans sous le sable de Judée et dont la profession par l’Église actuelle ne serait qu'une vaine reconstitution, une imitation très approximative, voire une contrefaçon!
En fait, penser cela, c'est nier la divinité et la Résurrection du Christ (Actes 5. 38-39). C'est un rejet de l’Évangile. Appréhender l'Ecriture avec un tel état d'esprit, ce n'est pas être un chrétien qui cherche la cohérence de sa foi, mais c'est être un athée qui cherche à connaître la pensée d'un mort.

Et c'est là sans doute que mène le discours du libéralisme, dont M. Gounelle avoue qu'il ne mène qu'à des "hypothèses vraisemblables" plus qu'à des certitudes.



3. Écouter le message de Jésus? 

M. Gounelle prend note du fait que l’Église chrétienne croit en Jésus, Fils de Dieu et parle de Lui, qui est le chemin, la vérité et la vie (Jean 14. 6) plutôt que de ses voyages.
Il avoue aussi que  pour un libéral, Jésus n'a d'intérêt que comme une sorte de philosophe, pour son éthique, sa sagesse. "Son message est plus grand que lui".
Mais écoutez Lao Tseu parler quelques siècles avant le Christ:


"Rendre le bien pour le bien et le bien pour le mal, c'est la bonté efficace".

Cela ne fait-il pas alors de Jésus et de Lao Tseu les prophètes d'un même Message-Dieu-plus-grand-qu'eux??
Ressort-il d'un seul texte de l’Écriture que Jésus se percevait comme un prophète parmi d'autres, un simple philosophe et humaniste en charge de l'écologie ou de la non-violence?
Peut-on vraiment dire que l'on est fidèle à l’Écriture, même "adaptée au lecteur d'aujourd'hui", en soutenant une thèse semblable?
N'est-il pas plus correct de dire que, grosso modo, le libéral est dans la même position que les gens qui voyaient en Jésus un prophète ou un grand homme et que le chrétien orthodoxe et quant à lui dans la position des apôtres discernant mystérieusement que Jésus est le Christ, le Fils Unique de Dieu et le Sauveur du monde? (Mathieu 16. 15-ss.)

Enfin, de M. Gounelle, nous apprenons que même le message de Jésus était sujet à des catégories de pensée qui ne sont plus valables aujourd'hui (lesquelles?). Ce serait donc la mission de nouveaux prophètes autoproclamés, un Bultman ou un Schweitzer, qui seraient chargés de vivifier la vérité-éternelle-supra-Jésus (!)
Quelle prétention! Qui ne voit non plus se profiler la dictature des experts remplaçant les papes pour dicter leur in-croyance au peuple chrétien, le sacerdoce universel?
Qui peut sérieusement considérer qu'une telle démarche est conforme au protestantisme?



4. Ouverture aux autres religions...
  
Puisqu'on trouve certaines expressions de sagesses dans les différentes traditions spirituelles et philosophiques de l'Humanité (voir ci-dessus la citation de Lao Tseu), à quoi peut-on aboutir, une fois que l'on considère l'éthique de Jésus comme plus grande que Jésus et son œuvre, sinon à la communion spirituelle avec toutes sortes de fois?...
Et de fait, M. Gounelle confesse volontiers que le libéralisme est ouvert à toutes les religions, contrairement au christianisme traditionnel qui est bien connu pour condamner tout ce qui n'est pas lui. Or, nous apprenons dans cet article que le vrai christianisme (libéral) n'a pas à être pareillement exclusif!
La preuve par Melchisedek, les mages, l'officier romain à la grande foi et Paul citant des auteurs païens, dans actes 17.
Sauf que l'Ancien Testament ne présente pas Melchisedek comme un prêtre d'idoles (il était prêtre du Dieu très haut --Genèse 14); que les mages ne sont pas venus partager l'art de l'astrologie mais au contraire se tourner vers le Christ, que l'officier romain était probablement un "craignant Dieu" plus qu'un polythéiste et que, de toutes manières, ce n'est pas le polythéisme ou la sagesse polythéiste qui a été approuvée du Seigneur, mais la foi qu'il présentait à Christ. Que, enfin, Paul a été très exclusif à Athènes en condamnant les idoles et en déclarant que les Grecs ne connaissaient pas Dieu.

La foi chrétienne est donc exclusive (tu n'auras pas d'autres dieux...) car elle se rapporte au Fils unique de Dieu, Lumière du monde, seul Sauveur (Actes 4. 12// Jean 14. 6).
Pour prévenir tout malentendu toutefois, notons ici que par exclusivisme, il n'y a pas lieu d'entendre agressivité, violence ou terrorisme.
M Gounelle croyait devoir séparer le message du messager lorsqu'il parlait du Christ; c'est ce que nous faisons entre le Dalaï Lama et le bouddhisme, accueillant la personne du premier tout en rejetant le contenu du second comme faux et enténébré.




5. Individualisme


M Gounelle parle d'un point important: l'individualisme.
Le christianisme ne peut pas être individualiste parce que le chrétien trouve la présence de Dieu au sein d'une assemblée, d'un corps (1Corinthiens 12) dont les membres (qui ne sont jamais le corps à eux tout seuls) disent: Notre Père! (Matthieu 6. 9)
Alors, la foi est (non pas une *hypothèse vraisemblable* mais) une certitude personnelle. Personnelle, pas individualiste!
Car, que je sois personnellement confiant que le Fils de Dieu m'a aimé et s'est livré lui-même pour moi (Galates 2. 20), cela n'est pas du tout la même chose que de fabriquer une foi (et donc: un christ) selon mon bon plaisir!
Les chrétiens n'adorent pas chacun son dieu, mais, tous ensemble, le Dieu qui est Père de chacun. Un seul Dieu, que nous croyons d'un seul cœur et confessons d'une seule bouche.

Et si le chrétien ne se soumet pas de façon aveugle à une hiérarchie aux fondements discutables (contrairement à l'évêque du XVIe siècle dont parle M Gounelle dans son article) il se souvient cependant qu'il (le chrétien) ne peut interpréter la Bible qu'en vertu de son appartenance au sacerdoce universel, dont il n'est évidemment pas le membre unique!
-- D'ailleurs, il me semble nécessaire de dire ici que, contrairement à ce qui arrive parfois, il ne convient pas de dire qu'il y a, d'un côté, l’Église-Une de façon visible et institutionnelle et que cela s'oppose à l’Église-Une de façon invisible et spirituelle.
C'est ainsi qu'on a coutume de justifier l'injustifiable fragmentation du protestantisme en se consolant par une unité d'Esprit, invisible.
Or il est vrai qu'une unité "institutionnelle" , (ses statuts, son organisation juridictionnelle, etc.), n'est pas requise pour l’Église. Cela ne signifie pas qu'il faille se contenter d'une unité quasi-imaginaire. En effet, selon les termes de nos confessions de foi, reste la nécessaire unité confessionnelle, c'est-à-dire qu'au delà de certaines particularités rituelles (tenue des pasteurs, titres, etc.) ou juridictionnelles (congrégationalisme, épiscopalisme, etc.) tous professent, et ce d'une manière évidemment "visible", la même foi, et célèbrent les mêmes sacrements.
Par conséquent, le Chrétien partage de façon personnelle la foi de ses frères, avec lesquels il est membre de l’Église et l'erreur est légitimement condamnée (Galates 1. 8-9; 1Corinthiens 15. 1-3, etc.)



6. Relativisme

Vrai est que nous ne prétendons pas réduire le mystère sacré dans nos définitions, ou dogmes.
L'orthodoxie n'entend pas épuiser le mystère de foi.
La confession commune de l'Eglise, ses dogmes, sont cependant des balises, et des balises valables pour tous les temps.
Cela peut d'ailleurs se vérifier simplement:
 Arius (IVe siècle), Mahomet (VIIe siècle) Socin (XVIe siècle) ou les Oneness Pentecostals (de nos jours) ont, dans le fond, un même "jésus"; un jésus qui ne peut pas dire:


"Avant qu'Abraham fut, moi, Je Suis" (Jean 8)

Contre cette parodie de Jésus, l’Église de toujours confesse une même foi (Jude 3), selon laquelle Jésus est Dieu, Un avec le Père (Jean 1. 1//10. 30).
L'homoousie (consubstantialité) du Père et du Fils, confessée dans le Symbole œcuménique de 381, est donc non seulement vrai, mais son affirmation reste aussi pertinente par et pour un st Athanase (IVe siècle) que pour un St Grégoire (VI-VIIe siècles), un Calvin (XVIe siècle) ou n'importe quel fidèle aujourd'hui.



7. Et aujourd'hui?


 Il y a quelque chose de vrai dans ce que dit M Gounelle: le libéralisme n'aura jamais saccagé l’Église de façon suffisante. Il en voudra toujours plus et s’emploiera toujours davantage à faire entrer les opinions de ce siècle mauvais dans l’Église, afin de détruire sa vie.
Souvent, les libéraux tentent de faire admettre leurs opinions sous prétexte que, après tout, l’Église réformée est toujours à réformer (Ecclesia reformata semper reformanda). Et si l'on prend le verbe "réformer" comme synonyme de "innover", et, plus encore, "innover selon notre bon plaisir", les libéraux ont mille fois raison de ne jamais arrêter leur marche dans le large chemin!

Mais, cela encore, est contraire, incompatible avec l'essence du protestantisme, dont le mot d'ordre, si l'on veut être précis, est: Ecclesia reformata semper reformanda secundum Verbum Dei (= l’Église réformée, toujours à réformer SELON LA PAROLE DE DIEU).

Plutôt que de poursuivre une course en avant dans l'infidélité, une course qui mène à l'abîme et qui ne s'accorde en rien avec le Protestantisme (titre dont les libéraux se couvrent de façon mensongère et indue), les Églises jadis réformées selon la Parole de Dieu feraient mieux de suivre l'exemple de leurs Pères et de réformer leur vie, loin de ce qui n'est qu'un verbiage étranger à tout ce que l'on nomme christianisme.




Bucer


Commentaires

Anonyme a dit…
Les gnostiques ont toujours été libéraux, en ce qu'au nom de leur "compréhension" plus élevée, ils refusaient les articles du Symbole de Foi. Gounelle est l'un d'eux, plus banal, tout simplement...

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